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La fin de Satan « Tu l'en souviens, je l'ai ramassée

Publié le 12/04/2014

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La fin de Satan « Tu l'en souviens, je l'ai ramassée et jetée « Près de la Seine, ainsi qu'une graine en un champ; « Ton haleine, perçant le globe, et la touchant, « L'a fait croître et grandir jusqu'au ciel, tour affreuse; « Cette tour en cachots innombrables se creuse; « Les rois en font leur antre; elle écrase Paris; « Elle éteint sa lumière, elle étouffe ses cris; « C'est là que toute chaîne aboutit et commence; « Elle est le cadenas de l'esclavage immense; « Elle est la glace au front de la France qui bout; « Elle est la tombe; et l'ombre avec elle est debout. « Elle garde en ses flancs le billot et la roue; « Cette tour est la geôle où le vieux dogme écroue « L'âme et la vie, et met l'esprit humain aux fers; « Car Paris bâillonné fait muet l'univers; « La prison de la France est le cachot du monde. « Maintenant, c'est fini, tout râle et rien ne gronde; « Ris, Satan. Plus que toi les hommes sont proscrits; « La Bastille, implacable et dure, est sur Paris « Comme l'épée avec la croix, sur les deux Romes. « Puisque tous deux, moi spectre et toi démon, nous sommes « Les damnés, sans repos, sans sommeil; les témoins; « Puisque nous ne pouvons dormir, ayons du moins « La joie âcre du mal dans notre fièvre horrible; « A travers ton plafond comme à travers un crible, « Toi, souffle la fureur aux hommes malheureux, « Et moi je secouerai le suaire sur eux. « Oui, ta vengeance étreint le monde, et le ravage. « Dans ces trois cercles noirs, Haine, Meurtre, Esclavage, « Le morne enfer tient l'homme à jamais enfermé. « Un brouillard, d'ignorance et de douleur formé, « Envahit lentement la terre comme une onde. « O grand désespéré, dans ta tombe profonde, « Sois content. Nuit, terreur, mort. Eclipse de Dieu. Et le spectre, penchant ses prunelles de feu, Regardant l'épaisseur qu'aucun frisson n'anime, Attendit la réponse énorme de l'abîme. Mais rien ne remua. Rien ne semblait vivant. Le fantôme étonné regarda plus avant. Es-tu là? cria-t-il. L'ombre resta muette. Soudain la colossale et sombre silhouette De l'ange monstre en qui le ciel s'évanouit, Apparut, surnageant sur le flot de la nuit. L'ANGE LIBERTÉ 125 La fin de Satan Sur son front formidable une molle fumée Flottait, et sa paupière horrible était fermée. O Prodige; Satan venait de s'endormir. Une commotion de stupeur fit frémir L'immuable nuée au fond du précipice. L'antique patient de l'éternel supplice, Pour souffrir à jamais à jamais rajeuni, Lui, l'immense oeil de tigre ouvert sur l'infini, Satan, le mal, l'horreur condensée en génie, L'anxiété, le guet, la douleur, l'insomnie, Dormait. En même temps la terre eut un répit. La lave folle aux flancs de l'Hékla s'assoupit; Le fouet oublia l'âne; et l'ours, las de ses courses, Vint boire avec la biche à la clarté des sources; La rose parut belle aux dragons éblouis; L'âme de Marc-Aurèle entra dans saint Louis; Le plus grand, attendri, se pencha sur le moindre; Le bonze, croyant voir de la lumière poindre, Eut peur, chouette, et dit en frémissant: déjà! La plante, qu'étouffait le roc, se dégagea; Les mouches, qui pendaient aux toiles d'araignées, S'envolèrent, de vie et d'aurore baignées; Le poids se souleva des reins du portefaix; Le vent s'arrêta court sur les flots stupéfaits, Et fit grâce, et laissa rentrer la barque au havre; L'enfant mort, dont la mère embrassait le cadavre, Rouvrant les yeux, reprit le sein en souriant. Satan dormait. IV Isis recula s'écriant: Il dort! Je souffre seule! Oh! je le hais. Sa bouche Ecarta presque, avec cette clameur farouche, Le voile par ses yeux flamboyants traversé; Puis les plis du linceul froid et toujours baissé Tombèrent longs et droits, et Lilith immobile Songea. Ce rêve obscur d'un spectre, la sibylle Peut seule l'entrevoir quand dans son noir réduit Elle médite, ayant sous son coude la nuit. L'ANGE LIBERTÉ 126

« Sur son front formidable une molle fumée Flottait, et sa paupière horrible était fermée.

O Prodige; Satan venait de s'endormir.

Une commotion de stupeur fit frémir L'immuable nuée au fond du précipice.

L'antique patient de l'éternel supplice, Pour souffrir à jamais à jamais rajeuni, Lui, l'immense oeil de tigre ouvert sur l'infini, Satan, le mal, l'horreur condensée en génie, L'anxiété, le guet, la douleur, l'insomnie, Dormait.

En même temps la terre eut un répit.

La lave folle aux flancs de l'Hékla s'assoupit; Le fouet oublia l'âne; et l'ours, las de ses courses, Vint boire avec la biche à la clarté des sources; La rose parut belle aux dragons éblouis; L'âme de Marc-Aurèle entra dans saint Louis; Le plus grand, attendri, se pencha sur le moindre; Le bonze, croyant voir de la lumière poindre, Eut peur, chouette, et dit en frémissant: déjà! La plante, qu'étouffait le roc, se dégagea; Les mouches, qui pendaient aux toiles d'araignées, S'envolèrent, de vie et d'aurore baignées; Le poids se souleva des reins du portefaix; Le vent s'arrêta court sur les flots stupéfaits, Et fit grâce, et laissa rentrer la barque au havre; L'enfant mort, dont la mère embrassait le cadavre, Rouvrant les yeux, reprit le sein en souriant.

Satan dormait.

IV Isis recula s'écriant: \24Il dort! Je souffre seule! Oh! je le hais.

Sa bouche Ecarta presque, avec cette clameur farouche, Le voile par ses yeux flamboyants traversé; Puis les plis du linceul froid et toujours baissé Tombèrent longs et droits, et Lilith immobile Songea.

Ce rêve obscur d'un spectre, la sibylle Peut seule l'entrevoir quand dans son noir réduit Elle médite, ayant sous son coude la nuit.

La fin de Satan L'ANGE LIBERTÉ 126. »

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