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Le Speronare supporter tout cela.

Publié le 11/04/2014

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Le Speronare supporter tout cela. Cependant un groupe de Palermitains s'avancait, compose d'une jeune fille, de son fiance et de ses deux freres: il etait suivi depuis les portes de Palerme par un sergent nomme Drouet, et par quatre soldats armes de leurs epees et de leurs poignards, et qui, outre ces armes, portaient en guise de batons des nerfs de boeuf a la main. Le groupe venait de franchir le pont de l'Amiral, et allait entrer dans l'eglise, lorsque Drouet, s'avancant et se placant devant la porte de l'eglise, accusa les jeunes gens de porter des armes sous leurs robes de pelerins. Ceux-ci, qui voulaient eviter une rixe, ouvrirent a l'instant meme leurs manteaux, et montrerent qu'a l'exception du bourdon qu'ils portaient a la main, ils etaient entierement desarmes. --Alors, dit Drouet, c'est que vous avez cache vos armes sous la robe de cette jeune fille. Et en disant ces mots il etendit la main vers elle et la toucha d'une facon si inconvenante, qu'elle jeta un cri et s'evanouit dans les bras d'un de ses freres. Le fiance alors, ne pouvait contenir plus longtemps sa colere, repoussa violemment Drouet, qui, levant le nerf de boeuf qu'il tenait a la main, lui en fouetta la figure. Au meme instant un des deux freres, arrachant du fourreau l'epee de Drouet, lui en donna un si violent coup de pointe, qu'il lui traversa le corps d'un flanc a l'autre, et que Drouet tomba mort. En ce moment les vepres sonnerent. Aussitot le jeune homme, voyant qu'il etait trop avance pour reculer, leva son epee toute sanglante en criant: --A moi, Palerme! a moi! qu'ils meurent, les Francais! qu'ils meurent! Et il tomba sur le premier soldat, stupefait de ce qui venait de se passer, et le renversa pres de son sergent. Le fiance se saisit aussitot de l'epee de ce soldat et vint preter main forte a son ami contre les deux qui restaient. En un meme instant le cri: A mort, a mort les Francais! courut sur les ailes ardentes de la vengeance jusqu'a Palerme. Messire Alaimo de Lentini etait dans la ville avec deux cents conjures. Voyant quelles choses se passaient, il comprit qu'il fallait avancer le signal convenu: le signal fut donne, et le massacre, commence a la porte de la petite eglise du Saint-Esprit sur la personne du sergent Drouet, gagna Palerme, puis Montreale, puis Cefalu; des bandes de conjures s'elancerent dans l'interieur de la Sicile en criant vengeance et liberte. Chaque chateau devint une tombe pour les Francais qu'il renfermait, chaque ville repondait au cri pousse par Palerme, chaque eglise sonna ses vepres, et, en moins de huit jours, tous les Francais qui se trouvaient en Sicile etaient egorges, a l'exception de deux qui, contre la regle generale adoptee par leurs compatriotes, s'etaient montres doux et clements. Ces deux hommes etaient le seigneur de Porcelet, gouverneur de Calatafini, et le seigneur Philippe de Scalembre, gouverneur du val di Noto. Charles d'Anjou apprit a Rome la nouvelle des vepres siciliennes par l'entremise de l'archeveque de Montreale, qui lui envoya un courrier pour lui annoncer ce qui venait de se passer. Mais Charles d'Anjou recut le messager comme un grand coeur recoit une grande infortune, et se contenta de repondre: JEAN DE PROCIDA 277 Le Speronare --C'est bien, nous allons partir, et nous verrons la chose par nous-meme. Puis, lorsque le messager fut sorti de sa presence, il leva les deux mains au ciel et s'ecria: --Sire Dieu, puisque, apres m'avoir comble de tes dons, il te plait aujourd'hui de m'envoyer la fortune contraire, fais que je ne redescende du trone que pas a pas, et je jure que je laisserai mille de mes ennemis couches sur chacun de ses degres. PIERRE D'ARAGON Le premier soin des seigneurs siciliens fut de faire partir deux ambassades, l'une pour Messine, l'autre pour Alcoyll: la premiere adressee a leurs compatriotes, et la seconde a Pierre d'Aragon. Voici la lettre des Parlermitains, conservee encore aujourd'hui dans les archives de Messine [Note: il est inutile de dire que nous n'inventons rien, que les lettres sont copiees sur les originaux ou traduites avec la plus grande exactitude.]: "De la part de tous les habitants de Palerme et de tous leurs fideles compagnons en armes pour la liberte de la Sicile, a tous les gentilshommes, barons et habitants de la ville de Messine, salut et eternelle amitie. "Nous vous faisons savoir que, par la grace de Dieu, nous avons chasse de notre terre et de nos contrees les serpents qui nous devoraient nous et nos enfants, et sucaient jusqu'au lait du sein de nos femmes. Or, nous vous prions et supplions, vous que nous tenons pour nos freres et pour nos amis, que vous fassiez ce que nous avons fait, et que vous vous souleviez contre le grand dragon, notre commun ennemi, car le temps est venu ou nous devons etre delivres de notre servitude et sortir du joug pesant de Pharaon; car le temps est venu ou Moise doit tirer les fils d'Israel de leur captivite; car le temps est venu enfin ou les maux que nous avons soufferts nous ont laves des peches que nous avions commis. Donc que Dieu le pere, dont la toute-puissance nous a pris en pitie, vous regarde a votre tour, et que sous ce regard, vous vous reveilliez et vous leviez pour la liberte. "Donne a Palerme, le 14 de mai 1282." Pendant ce temps, le roi Pierre d'Aragon etait aux mains avec Mira-Bosecri, roi de Bougie, et tous les Sarrasins d'Afrique, car a peine avaient-ils vu l'armee aragonaise prendre pied a Alcoyll et s'y fortifier, qu'ils avaient envoye des cavaliers par tout le pays pour crier la proclamation de guerre; de sorte que Pierre d'Aragon, adosse a la mer et ayant derriere lui sa flotte, commandee par Roger de Lauria, avait devant lui, enveloppant la muraille qu'il avait fait faire, plus de soixante mille hommes, tant Maures et Arabes que Sarrasins. Il arriva qu'un jour on lui dit qu'un Sarrasin demandait a lui parler a lui-meme, refusant de s'ouvrir a aucun autre de la nouvelle importante qu'il pretendait apporter. Le roi ordonna qu'il fut aussitot introduit devant lui et devant les seigneurs qui l'entouraient; mais le Sarrasin, voyant ce grand nombre de chevaliers, refusa de s'ouvrir en leur presence, et declara qu'il ne dirait rien qu'au roi et a son aumonier. Le roi, qui etait tres brave, et qui d'ailleurs ne quittait jamais ses armes offensives et defensives, avec lesquelles il ne craignait ni Arabes, ni Maures, ni Sarrasins, ni qui que ce fut au monde, ordonna aussitot a chacun de se retirer, et demeura seul avec l'archeveque de Barcelone et l'etranger. Le Sarrasin alors se jeta aux genoux du roi et lui dit: --Mon noble roi et seigneur, j'etais du nombre de ceux qui devaient embrasser la religion chretienne avec le roi de Constantine, a qui le Seigneur fasse paix! mais, comme heureusement personne ne savait la PIERRE D'ARAGON 278

« —C'est bien, nous allons partir, et nous verrons la chose par nous-meme. Puis, lorsque le messager fut sorti de sa presence, il leva les deux mains au ciel et s'ecria: —Sire Dieu, puisque, apres m'avoir comble de tes dons, il te plait aujourd'hui de m'envoyer la fortune contraire, fais que je ne redescende du trone que pas a pas, et je jure que je laisserai mille de mes ennemis couches sur chacun de ses degres. PIERRE D'ARAGON Le premier soin des seigneurs siciliens fut de faire partir deux ambassades, l'une pour Messine, l'autre pour Alcoyll: la premiere adressee a leurs compatriotes, et la seconde a Pierre d'Aragon. Voici la lettre des Parlermitains, conservee encore aujourd'hui dans les archives de Messine [Note: il est inutile de dire que nous n'inventons rien, que les lettres sont copiees sur les originaux ou traduites avec la plus grande exactitude.]: “De la part de tous les habitants de Palerme et de tous leurs fideles compagnons en armes pour la liberte de la Sicile, a tous les gentilshommes, barons et habitants de la ville de Messine, salut et eternelle amitie. “Nous vous faisons savoir que, par la grace de Dieu, nous avons chasse de notre terre et de nos contrees les serpents qui nous devoraient nous et nos enfants, et sucaient jusqu'au lait du sein de nos femmes.

Or, nous vous prions et supplions, vous que nous tenons pour nos freres et pour nos amis, que vous fassiez ce que nous avons fait, et que vous vous souleviez contre le grand dragon, notre commun ennemi, car le temps est venu ou nous devons etre delivres de notre servitude et sortir du joug pesant de Pharaon; car le temps est venu ou Moise doit tirer les fils d'Israel de leur captivite; car le temps est venu enfin ou les maux que nous avons soufferts nous ont laves des peches que nous avions commis.

Donc que Dieu le pere, dont la toute-puissance nous a pris en pitie, vous regarde a votre tour, et que sous ce regard, vous vous reveilliez et vous leviez pour la liberte. “Donne a Palerme, le 14 de mai 1282.” Pendant ce temps, le roi Pierre d'Aragon etait aux mains avec Mira-Bosecri, roi de Bougie, et tous les Sarrasins d'Afrique, car a peine avaient-ils vu l'armee aragonaise prendre pied a Alcoyll et s'y fortifier, qu'ils avaient envoye des cavaliers par tout le pays pour crier la proclamation de guerre; de sorte que Pierre d'Aragon, adosse a la mer et ayant derriere lui sa flotte, commandee par Roger de Lauria, avait devant lui, enveloppant la muraille qu'il avait fait faire, plus de soixante mille hommes, tant Maures et Arabes que Sarrasins. Il arriva qu'un jour on lui dit qu'un Sarrasin demandait a lui parler a lui-meme, refusant de s'ouvrir a aucun autre de la nouvelle importante qu'il pretendait apporter.

Le roi ordonna qu'il fut aussitot introduit devant lui et devant les seigneurs qui l'entouraient; mais le Sarrasin, voyant ce grand nombre de chevaliers, refusa de s'ouvrir en leur presence, et declara qu'il ne dirait rien qu'au roi et a son aumonier.

Le roi, qui etait tres brave, et qui d'ailleurs ne quittait jamais ses armes offensives et defensives, avec lesquelles il ne craignait ni Arabes, ni Maures, ni Sarrasins, ni qui que ce fut au monde, ordonna aussitot a chacun de se retirer, et demeura seul avec l'archeveque de Barcelone et l'etranger. Le Sarrasin alors se jeta aux genoux du roi et lui dit: —Mon noble roi et seigneur, j'etais du nombre de ceux qui devaient embrasser la religion chretienne avec le roi de Constantine, a qui le Seigneur fasse paix! mais, comme heureusement personne ne savait la Le Speronare PIERRE D'ARAGON 278. »

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