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L'ile Des Pingouins Il embrassa la bete infortunee et mit un baiser sur l'etoile blanche de son front.

Publié le 11/04/2014

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L'ile Des Pingouins Il embrassa la bete infortunee et mit un baiser sur l'etoile blanche de son front. Puis il la tira par la bride, et, boitant, l'emmena boitant a travers la ville endormie jusqu'a sa maison, ou le sommeil leur fit oublier les hommes. CHAPITRE IX. LE PERE DOUILLARD Dans leur infinie mansuetude, a la suggestion du pere commun des fideles, les eveques, chanoines, cures, vicaires, abbes et prieurs de Pingouinie, resolurent de celebrer un service solennel dans la cathedrale d'Alca, pour obtenir de la misericorde divine qu'elle daignat mettre un terme aux troubles qui dechiraient une des plus nobles contrees de la Chretiente et accorder au repentir de la Pingouinie le pardon de ses crimes envers Dieu et les ministres du culte. La ceremonie eut lieu le quinze juin. Le generalissime Caraguel se tenait au banc d'oeuvre, entoure de son etat-major. L'assistance etait nombreuse et brillante; selon l'expression de M. Bigourd, c'etait a la fois une foule et une elite. On y remarquait au premier rang M. de la Berthoseille, chambellan de monseigneur le prince Crucho. Pres de la chaire ou devait monter le reverend pere Douillard, de l'ordre de Saint- Francois, se tenaient debout, dans une attitude recueillie, les mains croisees sur leurs gourdins, les grands dignitaires de l'association des antipyrots, le vicomte Olive, M. de la Trumelle. le comte Clena, le duc d'Ampoule, le prince des Boscenos. Le pere Agaric occupait l'abside, avec les professeurs et les eleves de l'ecole Saint-Mael. Le croisillon et le bas-cote de droite etaient reserves aux officiers et soldats en uniforme comme le plus honorable, puisque c'est de ce cote que le Seigneur pencha la tete en expirant sur la croix. Les dames de l'aristocratie, et parmi elles la comtesse Clena, la vicomtesse Olive, la princesse des Boscenos, occupaient les tribunes. Dans l'immense vaisseau et sur la place du Parvis se pressaient vingt mille religieux de toutes robes et trente mille laiques. Apres la ceremonie expiatoire et propitiatoire, le reverend pere Douillard monta en chaire. Le sermon avait ete donne d'abord au reverend pere Agaric; mais juge, malgre ses merites, au-dessous des circonstances pour le zele et la doctrine, on lui prefera l'eloquent capucin qui depuis six mois allait precher dans les casernes contre les ennemis de Dieu et de l'autorite. Le reverend pere Douillard, prenant pour texte Deposuit potentes de sede, etablit que toute-puissance temporelle a Dieu pour principe et pour fin et qu'elle se perd et s'abime elle-meme quand elle se detourne de la voie que la Providence lui a tracee et du but qu'elle lui a assigne. Faisant application de ces regles sacrees au gouvernement de la Pingouinie, il traca un tableau effroyable des maux que les maitres de ce pays n'avaient su ni prevoir ni empecher. --Le premier auteur de tant de miseres et de hontes, dit-il, vous ne le connaissez que trop, mes freres. C'est un monstre dont le nom annonce providentiellement la destinee, car il est tire du grec pyros, qui veut dire feu, la sagesse divine, qui parfois est philologue, nous avertissant par cette etymologie qu'un juif devait allumer l'incendie dans la contree qui l'avait accueilli. Il montra la patrie, persecutee par les persecuteurs de l'Eglise, s'ecriant sur son calvaire: "O douleur! o gloire! Ceux qui ont crucifie mon dieu me crucifient!" A ces mots un long fremissement agita l'auditoire. Le puissant orateur souleva plus d'indignation encore en rappelant l'orgueilleux Colomban, plonge, noir de crimes, dans le fleuve dont toute l'eau ne le lavera pas. Il ramassa toutes les humiliations, tous les perils de la Pingouinie pour en faire un grief au president de la republique et a son premier ministre. CHAPITRE IX. LE PERE DOUILLARD 102 L'ile Des Pingouins --Ce ministre, dit-il, ayant commis une lachete degradante en n'exterminant pas les sept cents pyrots avec leurs allies et leurs defenseurs, comme Sauel extermina les Philistins dans Gabaon, s'est rendu indigne d'exercer le pouvoir que Dieu lui avait delegue, et tout bon citoyen peut et doit desormais insulter a sa meprisable souverainete. Le Ciel regardera favorablement ses contempteurs. Deposuit patentes de sede. Dieu deposera les chefs pusillanimes et il mettra a leur place les hommes forts qui se reclameront de Lui. Je vous en previens, messieurs; je vous en previens, officiers, sous-officiers, soldats qui m'ecoutez; je vous en previens, generalissime des armees pingouines, l'heure est venue! Si vous n'obeissez pas aux ordres de Dieu, si vous ne deposez pas en son nom les possedants indignes, si vous ne constituez pas sur la Pingouinie un gouvernement religieux et fort, Dieu n'en detruira pas moins ce qu'il a condamne, il n'en sauvera pas moins son peuple; il le sauvera, a votre defaut, par un humble artisan ou par un simple caporal. L'heure sera bientot passee. Hatez-vous! Souleves par cette ardente exhortation, les soixante mille assistants se leverent fremissants; des cris jaillirent: "Aux armes! aux armes! Mort aux pyrots! Vive Crucho!" et tous, moines, femmes, soldats, gentilshommes, bourgeois, larbins, sous le bras surhumain leve dans la chaire de verite pour les benir, entonnant l'hymne: Sauvons la Pingouinie! s'elancerent impetueusement hors de la basilique et marcherent, par les quais du fleuve, sur la Chambre des deputes. Reste seul dans la nef desertee, le sage Cornemuse, levant les bras au ciel, murmura d'une voix brisee: --Agnosco fortunam ecclesiae pinguicanae! Je ne vois que trop ou tout cela nous conduira. L'assaut que donna la foule sainte au palais legislatif fut repousse. Vigoureusement charges par les brigades noires et les gardes d'Alca, les assaillants fuyaient en desordre quand les camarades accourus des faubourgs, ayant a leur tete Phoenix, Dagobert, Lapersonne et Varambille, se jeterent sur eux et acheverent leur deconfiture. MM. de la Trumelle et d'Ampoule furent traines au poste. Le prince des Boscenos, apres avoir lutte vaillamment, tomba la tete fendue sur le pave ensanglante. Dans l'enthousiasme de la victoire, les camarades, meles a d'innombrables camelots, parcoururent, toute la nuit, les boulevards, portant Maniflore en triomphe et brisant les glaces des cafes et les vitres des lanternes aux cris de: "A bas Crucho! Vive la sociale!" Les antipyrots passaient a leur tour, renversant les kiosques des journaux et les colonnes de publicite. Spectacles auxquels la froide raison ne saurait applaudir et propres a l'affliction des ediles soucieux de la bonne police des chemins et des rues; mais ce qui etait plus triste pour les gens de coeur, c'etait l'aspect de ces cafards qui, de peur des coups, se tenaient a distance egale des deux camps, et tout egoistes et laches qu'ils se laissaient voir, voulaient qu'on admirat la generosite de leurs sentiments et la noblesse de leur ame; ils se frottaient les yeux avec des oignons, se faisaient une bouche en gueule de merlan, se mouchaient en contrebasse, tiraient leur voix des profondeurs de leur ventre, et gemissaient: "O Pingouins, cessez ces luttes fratricides; cessez de dechirer le sein de votre mere!", comme si les hommes pouvaient vivre en societe sans disputes et sans querelles, et comme si les discordes civiles n'etaient pas les conditions necessaires de la vie nationale et du progres des moeurs, pleutres hypocrites qui proposaient des compromis entre le juste et l'injuste, offensant ainsi le juste dans ses droits et l'injuste dans son courage. L'un de ceux-la, le riche et puissant Machimel, beau de couardise, se dressait sur la ville en colosse de douleur; ses larmes formaient a ses pieds des etangs poissonneux et ses soupirs y chaviraient les barques des pecheurs. Pendant ces nuits agitees, au faite de sa vieille pompe a feu, sous le ciel serein, tandis que les etoiles filantes s'enregistraient sur les plaques photographiques, Bidault-Coquille se glorifiait en son coeur. Il combattait pour la justice; il aimait, il etait aime d'un amour sublime. L'injure et la calomnie le portaient aux nues. On voyait sa caricature avec celle de Colomban, de Kerdanic et du colonel Hastaing dans les kiosques des journaux; les antipyrots publiaient qu'il avait recu cinquante mille francs des grands financiers juifs. Les CHAPITRE IX. LE PERE DOUILLARD 103

« —Ce ministre, dit-il, ayant commis une lachete degradante en n'exterminant pas les sept cents pyrots avec leurs allies et leurs defenseurs, comme Sauel extermina les Philistins dans Gabaon, s'est rendu indigne d'exercer le pouvoir que Dieu lui avait delegue, et tout bon citoyen peut et doit desormais insulter a sa meprisable souverainete.

Le Ciel regardera favorablement ses contempteurs.

Deposuit patentes de sede.

Dieu deposera les chefs pusillanimes et il mettra a leur place les hommes forts qui se reclameront de Lui.

Je vous en previens, messieurs; je vous en previens, officiers, sous-officiers, soldats qui m'ecoutez; je vous en previens, generalissime des armees pingouines, l'heure est venue! Si vous n'obeissez pas aux ordres de Dieu, si vous ne deposez pas en son nom les possedants indignes, si vous ne constituez pas sur la Pingouinie un gouvernement religieux et fort, Dieu n'en detruira pas moins ce qu'il a condamne, il n'en sauvera pas moins son peuple; il le sauvera, a votre defaut, par un humble artisan ou par un simple caporal.

L'heure sera bientot passee. Hatez-vous! Souleves par cette ardente exhortation, les soixante mille assistants se leverent fremissants; des cris jaillirent: “Aux armes! aux armes! Mort aux pyrots! Vive Crucho!” et tous, moines, femmes, soldats, gentilshommes, bourgeois, larbins, sous le bras surhumain leve dans la chaire de verite pour les benir, entonnant l'hymne: Sauvons la Pingouinie! s'elancerent impetueusement hors de la basilique et marcherent, par les quais du fleuve, sur la Chambre des deputes. Reste seul dans la nef desertee, le sage Cornemuse, levant les bras au ciel, murmura d'une voix brisee: —Agnosco fortunam ecclesiae pinguicanae! Je ne vois que trop ou tout cela nous conduira. L'assaut que donna la foule sainte au palais legislatif fut repousse.

Vigoureusement charges par les brigades noires et les gardes d'Alca, les assaillants fuyaient en desordre quand les camarades accourus des faubourgs, ayant a leur tete Phoenix, Dagobert, Lapersonne et Varambille, se jeterent sur eux et acheverent leur deconfiture.

MM.

de la Trumelle et d'Ampoule furent traines au poste.

Le prince des Boscenos, apres avoir lutte vaillamment, tomba la tete fendue sur le pave ensanglante. Dans l'enthousiasme de la victoire, les camarades, meles a d'innombrables camelots, parcoururent, toute la nuit, les boulevards, portant Maniflore en triomphe et brisant les glaces des cafes et les vitres des lanternes aux cris de: “A bas Crucho! Vive la sociale!” Les antipyrots passaient a leur tour, renversant les kiosques des journaux et les colonnes de publicite. Spectacles auxquels la froide raison ne saurait applaudir et propres a l'affliction des ediles soucieux de la bonne police des chemins et des rues; mais ce qui etait plus triste pour les gens de coeur, c'etait l'aspect de ces cafards qui, de peur des coups, se tenaient a distance egale des deux camps, et tout egoistes et laches qu'ils se laissaient voir, voulaient qu'on admirat la generosite de leurs sentiments et la noblesse de leur ame; ils se frottaient les yeux avec des oignons, se faisaient une bouche en gueule de merlan, se mouchaient en contrebasse, tiraient leur voix des profondeurs de leur ventre, et gemissaient: “O Pingouins, cessez ces luttes fratricides; cessez de dechirer le sein de votre mere!”, comme si les hommes pouvaient vivre en societe sans disputes et sans querelles, et comme si les discordes civiles n'etaient pas les conditions necessaires de la vie nationale et du progres des moeurs, pleutres hypocrites qui proposaient des compromis entre le juste et l'injuste, offensant ainsi le juste dans ses droits et l'injuste dans son courage.

L'un de ceux-la, le riche et puissant Machimel, beau de couardise, se dressait sur la ville en colosse de douleur; ses larmes formaient a ses pieds des etangs poissonneux et ses soupirs y chaviraient les barques des pecheurs. Pendant ces nuits agitees, au faite de sa vieille pompe a feu, sous le ciel serein, tandis que les etoiles filantes s'enregistraient sur les plaques photographiques, Bidault-Coquille se glorifiait en son coeur.

Il combattait pour la justice; il aimait, il etait aime d'un amour sublime.

L'injure et la calomnie le portaient aux nues.

On voyait sa caricature avec celle de Colomban, de Kerdanic et du colonel Hastaing dans les kiosques des journaux; les antipyrots publiaient qu'il avait recu cinquante mille francs des grands financiers juifs.

Les L'ile Des Pingouins CHAPITRE IX.

LE PERE DOUILLARD 103. »

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