Devoir de Philosophie

L'ile Des Pingouins Quand il eut suffisamment muri ses projets, il s'en alla un matin par le bois des Conils.

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

L'ile Des Pingouins Quand il eut suffisamment muri ses projets, il s'en alla un matin par le bois des Conils. Un merle sifflait dans un arbre, un petit herisson traversait d'un pas maussade le sentier pierreux. Agaric marchait a grandes enjambees en prononcant des paroles entrecoupees. Parvenu au seuil du laboratoire ou le pieux industriel avait, au cours de tant de belles annees, distille la liqueur doree de Sainte-Orberose, il trouva la place deserte et la porte fermee. Ayant longe les batiments, il rencontra sur le derriere le venerable Cornemuse, qui, sa robe troussee, grimpait a une echelle appuyee au mur. --C'est vous, cher ami? lui dit-il. Que faites-vous la? --Vous le voyez, repondit d'une voix faible le religieux des Conils, en tournant sur Agaric un regard douloureux. Je rentre chez moi. Ses prunelles rouges n'imitaient plus l'eclat triomphal du rubis; elles jetaient des lueurs sombres et troubles. Son visage avait perdu sa plenitude heureuse. Le poli de son crane ne charmait plus les regards; une sueur laborieuse et des plaques enflammees en alteraient l'inestimable perfection. --Je ne comprends pas, dit Agaric. --C'est pourtant facile a comprendre. Et vous voyez ici les consequences de votre complot. Vise par une multitude de lois, j'en ai elude le plus grand nombre. Quelques-unes, pourtant, m'ont frappe. Ces hommes vindicatifs ont ferme mes laboratoires et mes magasins, confisque mes bouteilles, mes alambics et mes cornues; ils ont mis les scelles sur ma porte. Il me faut maintenant rentrer par la fenetre. C'est a peine si je puis extraire en secret, de temps en temps, le suc des plantes, avec des appareils dont ne voudrait pas le plus humble des bouilleurs de cru. --Vous souffrez la persecution, dit Agaric. Elle nous frappe tous. Le religieux des Conils passa la main sur son front desole: --Je vous l'avais bien dit, frere Agaric; je vous l'avais bien dit que votre entreprise retomberait sur nous. --Notre defaite n'est que momentanee, repliqua vivement Agaric. Elle tient a des causes uniquement accidentelles; elle resulte de pures contingences. Chatillon etait un imbecile; il s'est noye dans sa propre ineptie. Ecoutez-moi, frere Cornemuse. Nous n'avons pas un moment a perdre. Il faut affranchir le peuple pingouin, il faut le delivrer de ses tyrans, le sauver de lui-meme, restaurer la crete du Dragon, retablir l'ancien Etat, le Bon-Etat, pour l'honneur de la religion et l'exaltation de la foi catholique. Chatillon etait un mauvais instrument; il s'est brise dans nos mains. Prenons, pour le remplacer, un instrument meilleur. Je tiens l'homme par qui la democratie impie sera detruite. C'est un civil; c'est Gomoru. Les Pingouins en raffolent. Il a deja trahi son parti pour un plat de riz. Voila l'homme qu'il nous faut! Des le debut de ce discours, le religieux des Conils avait enjambe sa fenetre et tire l'echelle. --Je le prevois, repondit-il, le nez entre les deux chassis de la croisee: vous n'aurez pas de cesse que vous ne nous ayez fait tous expulser jusqu'au dernier de cette belle, amene et douce terre de Pingouinie. Bonsoir, Dieu vous garde! Agaric, plante devant le mur, adjura son bien cher frere de l'ecouter un moment: --Comprenez mieux votre interet, Cornemuse! La Pingouinie est a nous. Que nous faut-il pour la conquerir? Encore un effort, ... encore un leger sacrifice d'argent, et.... CHAPITRE VII. CONCLUSION 84 L'ile Des Pingouins Mais, sans en entendre davantage, le religieux des Conils retira son nez et ferma sa fenetre. LIVRE VI. LES TEMPS MODERNES. L'AFFAIRE DES QUATRE-VINGT MILLE BOTTES DE FOIN Zeu pater, alla su rusai up aeeros uias Axhkion, poiaeson d'aithraen, dos d'ophthai moisin idesthai en de phaei kai olesson, epei nu toi euaden outos. (Iliad., XVII, v. 645 et seq.) CHAPITRE PREMIER. LE GENERAL GREATAUK, DUC DU SKULL Peu de temps apres la fuite de l'emiral, un juif de condition mediocre, nomme Pyrot, jaloux de frayer avec l'aristocratie et desireux de servir son pays, entra dans l'armee des Pingouins. Le ministre de la guerre, qui etait alors Greatauk, duc du Skull, ne pouvait le souffrir: il lui reprochait son zele, son nez crochu, sa vanite, son gout pour l'etude, ses levres lippues et sa conduite exemplaire. Chaque fois qu'on cherchait l'auteur d'un mefait, Greatauk disait: --Ce doit etre Pyrot! Un matin, le general Panther, chef d'etat-major, instruisit Greatauk d'une affaire grave. Quatre-vingt mille bottes de foin, destinees a la cavalerie, avaient disparu; on n'en trouvait plus trace. Greatauk s'ecria spontanement: --Ce doit etre Pyrot qui les a volees! Il demeura quelque temps pensif et dit: --Plus j'y songe et plus je me persuade que Pyrot a vole ces quatre-vingt mille bottes de foin. Et ou je le reconnais, c'est qu'il les a derobees pour les vendre a vil prix aux Marsouins, nos ennemis acharnes. Trahison infame! --C'est certain, repondit Panther; il ne reste plus qu'a le prouver. Ce meme jour, passant devant un quartier de cavalerie, le prince des Boscenos entendit des cuirassiers qui chantaient en balayant la cour; Boscenos est un gros cochon; On en va faire des andouilles, Des saucisses et du jambon Pour le reveillon des pauv' bougres Il lui parut contraire a toute discipline que des soldats chantassent ce refrain, a la fois domestique et revolutionnaire, qui jaillissait, aux jours d'emeute, du gosier des ouvriers goguenards. A cette occasion, il deplora la decheance morale de l'armee et songea avec un apre sourire que vieux camarade Greatauk, chef de cette armee dechue, la livrait bassement aux rancunes d'un gouvernement antipatriote. Et il se promit d'y mettre bon ordre, avant peu. LIVRE VI. LES TEMPS MODERNES. L'AFFAIRE DES QUATRE-VINGT MILLE BOTTES DE FOIN 85

« Mais, sans en entendre davantage, le religieux des Conils retira son nez et ferma sa fenetre. LIVRE VI.

LES TEMPS MODERNES.

L'AFFAIRE DESQUATRE-VINGT MILLE BOTTES DE FOIN Zeu pater, alla su rusai up aeeros uias Axhkion, poiaeson d'aithraen, dos d'ophthai moisin idesthai en de phaei kai olesson, epei nu toi euaden outos. (Iliad., XVII, v.

645 et seq.) CHAPITRE PREMIER.

LE GENERAL GREATAUK, DUC DU SKULL Peu de temps apres la fuite de l'emiral, un juif de condition mediocre, nomme Pyrot, jaloux de frayer avec l'aristocratie et desireux de servir son pays, entra dans l'armee des Pingouins.

Le ministre de la guerre, qui etait alors Greatauk, duc du Skull, ne pouvait le souffrir: il lui reprochait son zele, son nez crochu, sa vanite, son gout pour l'etude, ses levres lippues et sa conduite exemplaire.

Chaque fois qu'on cherchait l'auteur d'un mefait, Greatauk disait: —Ce doit etre Pyrot! Un matin, le general Panther, chef d'etat-major, instruisit Greatauk d'une affaire grave.

Quatre-vingt mille bottes de foin, destinees a la cavalerie, avaient disparu; on n'en trouvait plus trace. Greatauk s'ecria spontanement: —Ce doit etre Pyrot qui les a volees! Il demeura quelque temps pensif et dit: —Plus j'y songe et plus je me persuade que Pyrot a vole ces quatre-vingt mille bottes de foin.

Et ou je le reconnais, c'est qu'il les a derobees pour les vendre a vil prix aux Marsouins, nos ennemis acharnes.

Trahison infame! —C'est certain, repondit Panther; il ne reste plus qu'a le prouver. Ce meme jour, passant devant un quartier de cavalerie, le prince des Boscenos entendit des cuirassiers qui chantaient en balayant la cour; Boscenos est un gros cochon; On en va faire des andouilles, Des saucisses et du jambon Pour le reveillon des pauv' bougres Il lui parut contraire a toute discipline que des soldats chantassent ce refrain, a la fois domestique et revolutionnaire, qui jaillissait, aux jours d'emeute, du gosier des ouvriers goguenards.

A cette occasion, il deplora la decheance morale de l'armee et songea avec un apre sourire que vieux camarade Greatauk, chef de cette armee dechue, la livrait bassement aux rancunes d'un gouvernement antipatriote.

Et il se promit d'y mettre bon ordre, avant peu.

L'ile Des Pingouins LIVRE VI.

LES TEMPS MODERNES.

L'AFFAIRE DES QUATRE-VINGT MILLE BOTTES DE FOIN 85. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles