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Science et médias

Publié le 27/04/2011

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   Pour le scientifique, le journaliste est toujours « trop pressé « ; pour le journaliste, le scientifique est toujours « trop prudent «. Cette petite phrase pourrait exprimer la contradiction — et parfois la relation conflictuelle — qui existe entre deux fonctions fondées sur la communication et par nature complémentaires. Les scientifiques ont en effet besoin de publier dans des revues spécialisées et, dans certains cas, de faire connaître la portée de leurs travaux par les médias. Les journalistes, de leur côté, s'appuient sur les travaux des chercheurs pour informer le public du progrès scientifique.    La communication entre les scientifiques et le public est aujourd'hui plus importante qu'elle ne l'a jamais été. La plupart des grands problèmes de l'actualité font appel, de près ou de loin, à des connaissances scientifiques ou techniques. Ainsi en est-il de l'énergie, de l'information, de la biologie, de l'espace et des télécommunications. Même des grands thèmes sociaux et économiques comme l'avortement, la faim dans le monde, la pollution, l'automation ou la croissance industrielle impliquent, à la base, un débat technique.    Il existe cependant des contradictions profondes entre la fonction du scientifique, source d'informations nouvelles, et celle de journaliste, « traducteur « de ces informations en termes compréhensibles et motivant pour le public. La recherche scientifique se fonde en effet sur un processus continu, tandis que les médias réagissent à partir d'événements [...]. Les exigences de l'actualité priment souvent sur les informations en profondeur nécessaires aux lecteurs pour situer le thème traité et en mesurer la portée. Présentée ainsi comme une « mosaïque « d'événements spectaculaires, sans relations réelles les uns avec les autres, la science, à la longue, apparaît au public tantôt comme une simple source d'innovations et d'applications industrielles, tantôt comme un remède mythique à la plupart de nos maux.    La contradiction entre science et médias se retrouve dans leur conception même de la nature de l'information. Pour les médias, l'information doit être nouvelle, intéressante, immédiate. Elle doit reposer sur des faits concrets afin d'attirer l'attention du public. Sans un prétexte d'actualité, une information scientifique ne « passe « pas. A moins, peut-être, de réveiller la crainte de l'inconnu, grand thème permanent des relations entre science et médias. Pour que les informations qu'il transmet répondent à l'attente du public, le journaliste est souvent conduit à mettre l'accent sur les applications de la science, au détriment, parfois, du processus même de la découverte et de l'acquisition désintéressée des connaissances fondamentales. Une publication de biologie, par exemple, sera considérée comme nouvelle, intéressante et immédiate, si elle a une relation avec le cancer, ou si elle relance le débat sur les manipulations génétiques. Le journaliste souhaite également — et c'est son rôle — replacer les faits dans un contexte économique, social, politique ou idéologique. Il doit donc, aussi, prendre parti. Cette nécessité de privilégier un événement peut parfois, selon les scientifiques, nuire au caractère objectif et didactique d'un article.    Le travail des scientifiques se fonde, quant à lui, sur un processus continu, se référant constamment à un passé construit à partir de multiples acquis, confirmés et validés par les expériences d'autres scientifiques. La recherche, par nature, est confrontée à l'inconnu. Le taux d'erreurs dans les résultats obtenus est donc très élevé. D'où la prudence du scientifique avant toute publication, sa rigueur dans la vérification de ses résultats, sa crainte d'une divulgation prématurée ou d'une trop grande « publicité « accordée à ses travaux. Il veut, en effet, n'être jugé que par ses pairs, sur la qualité et la reproductibilité de ses résultats. Son recours à un vocabulaire spécialisé est parfois un refuge, un moyen d'exercer son pouvoir dans un « territoire « bien défini : sa discipline scientifique. Et cela pour défendre ce territoire contre la concurrence. Parler en termes clairs à l'attention du grand public rend le scientifique momentanément vulnérable, le prive d'une partie de ses pouvoirs. On comprend que ces risques cumulés ne l'incitent guère à communiquer avec le public par l'intermédiaire des grands médias.    Joël de Rosnay, L'expansion, n° 202, 1982.    Vous ferez d'abord de ce texte, à votre gré, un résumé (en suivant le fil du texte) ou une analyse (en reconstituant la structure logique de pensée, c'est-à-dire en mettant en relief l'idée principale et les rapports qu'entretiennent avec elle les idées secondaires).    Dans la seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous dégagerez du texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé. Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée, étayée sur des faits et menant à une conclusion.

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