Devoir de Philosophie

Textes : Droit et justice

Publié le 13/06/2011

Extrait du document

droit

« Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses : et, dans ce sens, tous les êtres ont leurs lois ; la Divinité a ses lois ; le monde matériel a ses lois ; les intelligences supérieures à l'homme ont leurs lois ; les bêtes ont leurs lois ; l'homme a ses lois. « Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité ; car quelle plus grande absurdité qu'une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ? « Il y a donc une raison primitive ; et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux. [...] « Les êtres particuliers intelligents peuvent avoir des lois qu'ils ont faites ; mais ils en ont aussi qu'ils n'ont pas faites. Avant qu'il y eût des êtres intelligents, ils étaient possibles ; ils avaient donc des rapports possibles, et par conséquent des lois possibles. Avant qu'il y eût des lois faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent ou défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on eût tracé de cercle, tous les rayons n'étaient pas égaux. « Il faut donc avouer des rapports d'équité antérieurs à la loi positive qui les établit. « La loi, en général, est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raison humaine. « Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un très grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre. « Il faut qu'elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi, ou qu'on veut établir ; soit qu'elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu'elles le maintiennent, comme font les lois civiles. « Elles doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir ; à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses,  à leur nombre, à leur commerce, à leurs moeurs, à leurs manières. Enfin elles ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies. «

MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Garnier.

« Mien, tien. Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c'est là ma place au soleil. — Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre. «

Blaise PASCAL, Pensées.

« Du droit de la force sont dérivées l'exploitation de l'homme par l'homme, autrement dit le servage, l'usure ou le tribut imposé par le vainqueur à l'ennemi vaincu, et toute cette famille si nombreuse d'impôts, gabelles, régales, corvées, tailles, fermages, loyers, etc., en un mot la propriété. « Au droit de la force succéda le droit de la ruse, seconde manifestation de la justice ; droit détesté des héros, qui n'y brillaient pas et perdaient trop. C'est toujours la force, mais transportée de l'ordre des facultés corporelles dans celui des facultés psychiques. L'habileté à tromper un ennemi par des propositions insidieuses parut mériter aussi récompense : cependant les forts vantèrent toujours la bonne foi. [...] « Du droit de la ruse sont issus les bénéfices de l'industrie, du commerce et de la banque ; les fraudes mercantiles, les prétentions de tout ce que l'on décore des beaux noms de talent et de génie, et que l'on devrait regarder comme le plus haut degré de la fourbe et de la piperie ; enfin toutes les espèces d'inégalités sociales. « Dans le vol, tel que les lois le défendent, la force et la ruse sont employées seules et à découvert ; dans le vol autorisé, elles se déguisent sous une utilité produite, dont elles se servent comme d'engin pour dévaliser leur victime. « L'usage direct de la violence et de la ruse a été de bonne heure et d'une voix unanime repoussé ; aucune nation n'est encore parvenue à se délivrer du vol dans son union avec le talent, le travail et la possession. «

Pierre Joseph PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété ?, Garnier-Flammarion.   

Liens utiles