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Le cinéma français de 1940 à 1949 : Histoire

Publié le 08/12/2018

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histoire

Le cinéma français

 

1939: La déclaration de guerre frappe de plein fouet une industrie cinématographique prospère malgré son absence à peu près totale d’infrastructure : symboliquement, elle empêche l’ouverture du premier festival de Cannes, prévue pour le 1er septembre. Peu de films sont tournés jusqu’en juin 1940; puis la France vaincue se retrouve coupée en deux.

 

Officiellement, il n’existe toujours qu’un cinéma français. Le gouvernement de Vichy entreprend rapidement de régenter la profession, notamment par la création, par le décret du 2 novembre 1940, du COIC (Comité d’organisation de l’industrie cinématographique), dirigé par Raoul Ploquin, chargé de la coordination, de l’orientation et du contrôle de l’ensemble de la corporation. Parallèlement à des mesures vexatoires, essentiellement antisémites (en vertu du statut du 3 octobre 1940, les juifs sont exclus de la profession), on lui doit la suppression du double programme, un début de contrôle des budgets et recettes des films, ainsi que l’autorisation préalable de tournage, jamais rapportée en fait.

 

Cependant, quantité de réalisateurs et de vedettes se sont exilés aux États-Unis, Feyder s’est replié en Suisse. La présence sur la Côte d’Azur des studios de la Victorine laisse croire que la «zone libre» permettra la reprise. Mais, celle-ci, toujours précaire, cesse en 1943, quand la chute de Mussolini fait de toute la Côte le champ des dernières manœuvres de la Wehrmacht. La censure de Vichy, plus tatillonne encore en zone non occupée qu’en zone occupée, puis l’invasion de celle-là par les Allemands sont les principales causes du ralentissement des activités

Toutefois, en dépit des efforts des fonctionnaires, la propagande de l’État français s’exerce peu dans le cinéma de la zone sud: André Hugon tourne dès le 14 août 1940 le premier film entrepris depuis l’armistice (Chambre 13), Pagnol, dans la Fille du puisatier (1941)1, fait pleurer ses Provençaux à l’écoute de l'appel du maréchal du 17 juin 1940, mais c’est un épilogue qu’on pourra plus tard supprimer... Abel Gance dédie au «Sauveur de la France» sa Vénus aveugle (1943), mais quoi de plus fugace qu’un «carton»?

 

La situation en zone nord est assez différente. Dès octobre 1940, une filiale de l’Ufa, la Continental Films, est créée par un agent de Goebbels, Alfred Greven, venu de Berlin et qui a tous pouvoirs. Singulier personnage, qui met pour condition à la réouverture des studios, avec toutes les conséquences économiques qu'on peut imaginer, leur reprise par les réalisateurs et techniciens français, et sa participation à leur production (la Continental s’occupera aussi de distribution). Cette production est délibérément commerciale et apolitique : elle n’est planifiée qu’en fonction du profit. À ses interlocuteurs français, Greven se garde bien de toute façon de parler propagande: certains n’acceptent du reste qu’à cette condition. Au demeurant, la part de la Continental dans la production française restera minoritaire (30 films sur les 220 longs métrages produits en quatre ans). Les quelques films de propagande collaborationniste seront produits en dehors d’elle (Français, vous avez la mémoire courte, La Terre qui renaît), comme si Greven, soucieux de faire fructifier ses capitaux, avait prévu leur peu de rentabilité.

 

En outre, le cinéma français de la zone occupée vit un rêve doré. Le cinéma devient en effet au fil des mois l’unique distraction : le moindre navet atteint des records d’exclusivité dès lors que figure à son générique quelque vedette connue (nombre de ces vedettes n’hésitant nullement à faire aussi le voyage de Berlin en mars 1942 à la Reichsfilmkammer pour «promouvoir le cinéma français» grâce à la première en Allemagne du film d’Henri Decoin: Premier Rendez-vous, sur une romance que roucoule Danielle Darrieux: «Ah! qu’il est doux et troublant l’instant du premier rendez-vous»). Et puis, on ne voit plus de films étrangers (les films allemands et italiens, malgré des dépenses étonnantes de publicité, ne «marchent» pas). Le film français règne donc seul sur un marché que ne menace aucune saturation. Il se forge alors quelques traits sociaux et esthétiques qui ne seront pas sans conséquence.

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« CINÉMA.

Une scène de Goup i Mains-Rouges de Jacques Becker.

© Coll.

Cinestar CINÉMA.

Charles Trenet, à l'afficlre de la Romance de Paris de Jean Boyer.

© Coll.

Cint Images américains des années trente: et là, comme il faut un support litté· raire, on exploite sans fin Simenon (Henri Decoin: les Inconnus daiiS la maison avec Raimu, Picpus de Richard Pottier ou Cécile est morte de Maurice Tourneur), ou des romans policiers plu s traditionnels, tels ceux de Steeman (ces films ne comportent, bien entendu, pas l'ombre d'une scène de violence même de la part des «méchants», sinon quelques bousculades, ce qui rend d'autant plus étranges les allusions parfois assez rudes des dialogues).

Au chapitre des imitations, on note même une ébauche de française autour de quelques vedettes comme Charles Trenet (la Romance de Paris, 1941, ou Frédérica, 1942, de Jean Boyer), Édi th Piaf (Montmartre-sur-Seine, 1941, de Georges La· combe) ou Tino Rossi (Fièvres, 1942, de Jean Delannoy); mais elle se heurte immédiatement aux sarcasmes de la presse (fait plutôt excep· tionnel, la presse de collaboration surveillant davantage le théâtre que le cinéma qu'elle tient pour la part de songe consentie au vulgaire) à l'égard des «Zazous" et du «swing,., et avorte.

Cinéma passéiste: on exploite Bal.zac autant que Simenon.

On se complaît dans des évocatio ns «co costumes ..

, généralement centrées sur une gloire nationale (Napoléon) ou une «créature de rêve» (la Malibran, 1944, par- et avec -Sacha Guitry; Mam'zelle Bonaparte, 1942, -Edwige Feuillère -par Maurice Tourneur ).

Fal· balas et dentelles servent aussi les desseins plus intellectuels de Girau­ doux adaptant la Duchesse de Langeais, 1942 -Edwige Feuillère encore, et Pierre-Richard Wilm -pour Jacques de Baroncelli.

Ces évocations du passé sont aussi sages et prudentes que possible.

Fait exception (et encore en sourdine) Monsieur de Lourd ines de Pierr e de Hérain, gendre du maréchal Pétain, qui chante le retour à la terre.

Inversement, Pontca"al, colonel d'Empire de Jean Delannoy s'en prend aux «usurpateurs» par le biais le plus étrange, celui d'un demi· solde en lutte contre les Bourbons! Grâce à l'interprétation de Pierre Blanchar, l'un des rares acteurs engagés à fond dans la Résistance, le public ne s'y trompe pas.

D'autres films «anachroniques" sont plus ambigus: si Le ciel est à vous (1944), de Jean Grémillon, exalte discrètement le fémi­ nisme (Madeleine Renaud dans le rôle d'une aviatrice, Thérèse Gau· tier) en même temps que le patriotisme, Douce (1943} de Claude Autant-Lara, salué comme une satire «au vitriol» de la bourgeoisie fin de siècle, se révèle chargé d'une rancœur universelle qui tourne à l'aigre.

Quant à la veine populiste, qui célèbre les espoirs et les angoisses d'une classe ouvrière généralement représentée par ses mar­ ginaux, ses malchanceux (écho persistant de la crise) dont l'existence se mêle à celle des hors-la-loi et des paumés (selon une mythologie qui remonte au mélo romantique), elle vit sur le succès des films écrits par Prévert pour Carné.

par Spaak pour Duvivier ...

à la fin des années trente.

Mais, plus que jamais, les départs sont impossibles.

les nuits sont glauques, les matins blêmes.

Et pour cause: dans un film mineur mais attachant, Voyage sans espoir (1943) de Christian-Jaque (avec Simone Renant el Jean Marais), un brave garçon égaré et un gangster sont censés s'embarquer clandestinement au Havre.

Pour où? Mys· tère.

Le cinéma fran ça is coupé du monde continue à exploiter s on filon «réaliste>> dans une totale irréalité.

Celle-ci s'ol>serve aussi dans le surgissement soudain (et sans lendemain) d'un cinéma fantastique à thèmes surnaturels: la Main du dinble (1943) de Maurice Tourneur d'après Gérard de Nerval.

les Visiteurs du soir ( 1942) de Marcel Carné (avec Alain Cuny, Jules Berry, Arletty ...

).

la Fiancée des ténèbres (1944) de Serge de Poligny.

Sortilèges (1944) de Christian-Jaque ...

Si le film de Carné relève de la «reconstitution» médiévale, les autres se trament autour de sujets modernes.

Le cinéma français reste alors un cinéma de dialoguiste: Prévert se multiplie -au risque de se dil apide r - en zone libre, assurant notamment le triomphe de Carné, constamment vilipendé dans la presse collaborationniste («Carné de balles>> dans Je sui s p(lf· toUl), avec les Visiteurs du soir (auquel deux juifs hongrois ont collabo· ré clandestinement, Alexandre Trauner pour les décors et Joseph Kosma pour la musique) et les Enfams du paradis, film entrepris à Nice en août 1943, terminé à Paris, qui ne sortira qu'en 1945.

Mais les années de guerre sont aussi celles où s'affirment quelques réalisateurs de talent débutants, notamment Jacques Becker (Goupi MaiiiS·Rouges, 1943, avec Robert Le Vigan), Bresson (les Anges du péché, 1943), Clouzot (L'œsassin habite au li, 1942, ct le Corbeau, 1943) et qui ont souvent commencé comme scénaristes, ou de jeunes acteurs et actrices (Gérard Philipe et Bernard Blier dans les Petites du quai au.x fleurs, 1944, de Marc Allégret, Jean Marais dans Le pavillon brûle, 1941, de Jacques de Baroncelli ou dans l'Étemel Retour, 1943, de Jean Delannoy).

La Libération n'apporte guère de sang neuf au cinéma fran· çais, mais plutôt des désillusions avec l'i nvas ion du cinéma américain, euphorique en 1945, contrôlée de façon draconienne en 1949.

La profession sc replie alors sur un corporatisme de mauvais augure.

Les thèmes ne se renouvellent pas.

Ni la Résistance ni même la Libération n'intéressent (malgré l'excellence de certains documentaires ct le suc­ cès de la reconstitution de René Clément, la Bataille du rail, couron· née lors du premier festival de Cannes, le grand événement de l'année 1946}.

En dehors de quelques réalisations que l' h ist o ir e retiendra (la Beauté du diable de René Clair, les Maudits de René Clément, les Dames du bois de Boulogne de Robert Bresson, le Silence de la mer ct les Enfants terribles de Jean-Pierre Melville -assisté par Claude Pinoteau -Jour de fête, 1949, de Jacques Tati, Quai des orfèvres de Clouzot -prix de la mise en scène à la Biennale de Venise 1947 -}, la cinématographie française continue à aligner des histoires policières assez fades, des com éd ies centrées sur d'inusables vedettes qui vieil· lissent plutôt mal, et des «drames psychologiques».

Ceux-ci font croire par quelques accents à la naissance du cinéma «noir», Allégret­ Sigurd (Une si jolie petite plage, avec Gérard Philipe, 1949) reprenant la vein e pessimiste de Carné-Prévert, mais poussant l'arbitraire dans l'âpreté jusqu'à ne plus voir partout que des canailles, des miséreux et des imbéciles.

Cette tendance dominante marque en fait le retour à un cinéma dérivé du théâtre de Boulevard le plus conventionnel.

Or le public du cinéma rajeunit considérablement.

Mais ni Becker (Antoine et Antoinette en 1947, Rendez-vous de juillet en 1949) ni Autant-Lara (le Diable au corps, en 1947, avec Gérard Philipe et Micheline Presle}, ni Clouzot (avec Manon, Grand Prix du festival de Venise en 1949), malgré d'incontestables réussites qui marquent leur époque, ne donnent une image juste d'elle-même à la jeunesse, moins désaxée qu'inquiète, de l'après-guerre.

Les budgets réduits en raison de la politique d'austérité incitent trop souvent au bâclage, puisque les re· cettes deviennent aléatoires: il faut être Jean Cocteau pour réaliser une féerie comme la Belle et/a Bête qui va lancer la carrière de Jean Marais, 1946, avec des astuces et des «ficelles», ou encore comme Orphée, 1950 (Jean Marais, Maria Casarès}.

Cette transition mal assurée, cette soumission aux valeurs sûres, ainsi que la persistance des censures et réglementations d'un autre âge, expliquent la désaffection pour la «qualité française», qui s'accroît après 1950, alors que les exilés revenus et admirés (Renoir, Ophuls ...

) ne parviennent pas à tourner: scandale que l'équipe de la «jeune critique>> dénonce ...

faute encore de passer elle-même derrière la caméra.. »

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