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« C'est triste des gens qui se couchent, on voit bien qu'ils se foutent que les choses aillent comme elles veulent, on voit bien qu'ils ne cherchent pas à comprendre eux le pourquoi qu'on est là […]. Ils ont toujours la conscience tranquille. » Céline, Voyage au bout de la nuit

Publié le 22/09/2012

Extrait du document

conscience

  Bardamu n’est au final ni un lâche ni un héros. C’était au départ un individu alternatif, complètement déboussolé par le traumatisme de la guerre, qui, pour redécouvrir un sens à sa vie de même que pour vaincre sa peur de la mort, a opté pour l’exploration de la nuit, le côté obscure de l’existence humaine et Thanatos. Plutôt que de lui assigner l’étiquette du lâche, on pourrait présumer que Bardamu n’a pas la carrure pour assumer la voie qu’il a choisi. Malgré sa volonté il est resté secrètement possédé par l’espoir de réaliser ces idéaux du bien qu’il méprise tant (comme l’amour), c’est pour cela qu’il n’est pas parvenu à les renier pleinement et qu’il a échoué dans cette quête métaphysique. D’un point de vue Nietzschéen, Bardamu représente alors le dernier homme tandis que son concurrent/double Robinson est devenu le surhomme. Tous les deux sont partis du même point de départ et dans la même perspective de succès comme dans une chasse au trésor ou dans un labyrinthe. Seulement les participants n’ont droit qu’à une seule chance et l’issue leur est fatale dans les deux cas. L’aurore représentant la naissance de la vie serait en fait une malédiction car elle condamnerait l’homme à endurer une souffrance continue jusqu’à sa mort et donc Bardamu s’enfouit
dans la nuit du sommeil de la fièvre et de la léthargie : une manière d’échapper à la souffrance en état d’inconscience, tout en restant vivant. Le mal-être de Bardamu réside dans le fait qu’il connaît son destin (la mort), qui est celui de tout être vivant, et qu’il ne l’accepte pas (il n’a pas su faire preuve d’Amor Fati). Ces « gens qui se couchent « ne l’accepteraient pas non plus, selon Céline, mais ils ont trouvé la parade dans les idéaux dictés par la doxa (patriotisme, amour), ce qui leur permet de ne pas se morfondre durant toute leur existence. Bardamu, lui, n’accepte ni la mort ni les idéaux, il ne veut ni être un lâche et n’a pas la capacité d’être comme Robinson. C’est en cela qu’il a échoué, car il voudrait l’impossible, c'est-à-dire la jeunesse et l’immortalité (dans le sens où la jeunesse représenterait l’innocence, l’âme immaculée du vice, la volupté éternelle). La lecture de Voyage au bout de la nuit peut être assez pesante car elle nous expose les errances d’un homme désespéré qui doit faire face à tous les abus et la débauche de la société de son époque. N’oublions pas que pour l’auteur, la vie n’est qu’une longue agonie et qu’il exprime avant tout sa haine envers le monde moderne en dénonçant son absurdité. De plus, c’est de cette
façon qu’il l’affirme par l’intermédiaire de Baryton, un medecin : « […] un homme, parent ou pas, ce n’est rien que de la pourriture en suspens… « (p.426).

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