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Epictète par Victor Goldschmidt Maître de Conférence à la Faculté des Lettres de Rennes Le stoïcisme antique s'achève sur le contraste édifiant entre Epictète et Marc-Aurèle : l'esclave phrygien et le maître de l'Empire ont communié dans la même doctrine.

Publié le 05/04/2015

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Epictète par Victor Goldschmidt Maître de Conférence à la Faculté des Lettres de Rennes Le stoïcisme antique s'achève sur le contraste édifiant entre Epictète et Marc-Aurèle : l'esclave phrygien et le maître de l'Empire ont communié dans la même doctrine. On pourrait raffiner là-dessus. L'empereur a été élève de l'esclave, il se félicite " d'avoir pu lire les livres qui nous conservent les leçons d'Epictète ". Aux leçons magistrales s'opposent les pensées impériales, comme un cahier d'élève rempli d'exercices et de ratures et s'adressant, selon le titre littéral, A lui-même. Mais l'imagerie vaut par l'idée qu'elle figure. L'esclave affranchi enseigne une liberté qui se moque du pouvoir suprême, mais qui est hantée par lui et, souvent, se définit contre lui. L'originalité la plus certaine d'Epictète vient de là. Pour le reste, il conserve, sur tous les points essentiels, le dogme des fondateurs, avec une intransigeance et une orthodoxie qui auraient fait la joie de Chrysippe et qui le rendent, pour nous, un témoin très fidèle de l'ancien stoïcisme. Il serait assez vain de le chicaner sur certaines innovations terminologiques qui ne touchent pas à l'esprit de la doctrine, ni sur une plus grande part faite à l'action. Dès l'origine, le stoïcisme s'est voulu un art de vivre ; ce n'est pas le précepte qui change, c'est l'urgence. Et c'est l'urgence encore qui lui fait mettre au centre de son effort l'idée de liberté. Du temps de Zénon on pouvait, vivant à Athènes en privé, se dire citoyen du monde. La liberté du sage se mesurait avec le Destin et n'avait à s'accorder qu'avec l'ordre universel. Sous l'empire, le césarisme et les luttes, politiques et sociales, qui accompagnent le renouvellement des classes dirigeantes, donnent un sens plus précis et un accent nouveau à ce mot. Le dogme stoïcien, proclame Epictète, " voilà seul ce qui rend les hommes libres et les affranchit, voilà ce qui redresse la tête de ceux qui sont humiliés et permet de regarder les riches et les tyrans droit dans les yeux ". Les instructions pour cette libération sont données dans les cinquante-trois articles du Manuel dont le style sec et précis rappelle celui des règlements militaires. Ce petit livre, compilation du général Arrien d'après les leçons orales, a connu une fortune éclatante ; son appel impératif a été entendu à presque toutes les époques et jusqu'à nos jours. Ce n'est pourtant pas un catéchisme destiné aux profanes, mais bien plutôt un résumé et une sorte d'aide-mémoire à l'usage des auditeurs et élèves. Or, les leçons orales nous ont été conservées, au moins en partie, grâce au dévouement du même Arrien, qui en prenait des notes tachygraphiques et en fit la publication sous le titre d'Entretiens (Diatribes). Il faut lire ces quatre livres, d'abord parce qu'ils sont beaux, et aussi parce qu'ils nous font connaître un Epictète plus vivant et plus humain que le maître du Manuel, moins d'une pièce, surtout. Les éléments littéraires en sont fort divers : l'exposé théorique le cède souvent à la direction de conscience ; on y trouve même un bon usage de la casuistique. L'exhortation protreptique n'élude pas les objections ni les résistances ; les passages dialogués sont fréquents et en fournissent comme une contre-épreuve et un contrôle. Beaucoup d'analyses psychologiques, aussi des portraits et, parfois, des scènes de comédie. A travers tout cela, le trait le plus constant et, sans doute, le moins attendu, est une espèce de solide bon sens qui fait équilibre aux élévations les plus sublimes et les plus impétueuses. Epictète est un moraliste, bien entendu ; mais derrière le prédicateur, on sent surtout un médecin. On sent encore, moins pur d'ailleurs que chez Socrate, un pouvoir d'ironie qui ne va pas sans abus et, parfois, tombe dans les railleries des cyniques. N'importe ; il contribue à la force de la doctrine et préserve les ferveurs des Entretiens de toute sentimentalité, du pathétique et du larmoyant. Les Entretiens présentent un autre avantage. On a essayé, de nos jours, de faire le portrait du stoïcien d'après le seul Manuel ; on peut se donner ainsi une esquisse un peu fade et outrée, aisée à critiquer. Les Entretiens obligent à une autre démarche. Non qu'ils soient sans reproche, mais ici, c'est le stoïcien qui critique et qui met en accusation les autres, auditeurs ou lecteurs. Il faut donc d'abo...
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