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Article "Torture" de Voltaire (Encyclopédie)

Publié le 11/09/2006

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voltaire

INTRO Voltaire, auteur et philosophe du XVIIIème siècle, siècle des Lumières, considère l'espèce humaine avec lucidité. Il use de sa langue cynique et ironique pour dénoncer les maux et les injustices de son époque. Ce texte, article tiré du dictionnaire philosophique (1764) s’inscrit dans le combat des philosophes des lumières pour les droits de l’Homme et a pour sujet la torture.. Le texte est un article tiré du Dictionnaire philosophique publié en 1764 et a pour sujet la torture. Comme on pourrait l'attendre d'un article tiré d'un dictionnaire, le sujet est traité apparemment sous un angle objectif. Néanmoins, l'apparente objectivité de l'auteur n'est qu'une façade : chaque mot écrit n'étant que pure ironie de la part de Voltaire qui utilise un registre polémique. Ce texte didactique en apparence au style soigné est en réalité un pamphlet dont l’enjeu est de persuader le lecteur de l’inhumanité de la torture. Dans un premier temps, nous allons analyser la structure rigoureuse que Voltaire a choisi de donner au texte avec les différents angles d’approche choisis et les différents procédés qu’il utilise. Puis nous analyserons comment Voltaire banalise la torture en employant l’ironie et fait une « justification « de la torture par les tortionnaires. I- La structure du pamphlet

a) Une structure rigoureuse - 5 paragraphes avec chacun une utilité, une finalité et un objectif particulier. - du point de vue du raisonnement, on ne trouve que des exemples argumentatifs, à aucun moment il n'énonce une thèse ; mais elle est sous-entendue dans chaque exemple. b) Un sujet abordé sous différents angles d'approche : un contexte différent à chaque paragraphe pour mieux dénoncer la torture - Un exemple historique, référence à Rome, le mot "torture" arrive vite dans l'exemple. - On évolue vers un cadre juridique, mais on conserve les mots faisant référence à la torture l.6 "grande et petite", le cadre juridique semble montrer le cadre légal de la torture. - Un cadre familier, de vie privée "dîner", allusion à sa femme, atmosphère intime "mon petit chou". Il n'empêche que la réalité de la torture demeure. On trouve un euphémisme à la ligne 12 "ces expériences". - Un cadre international, mise en parallèle de la France et de l'Angleterre l.14, (Illustration historique précise, personnage réel, ville réelle l.19, vrai motif de la condamnation, on l'appellerai aujourd'hui un fait divers). - Le cadre de l’affaire qu’il défend (exemple historique récent) : celle du Chevalier de la Barre pour replacer la torture dans son contexte et mieux la dénoncer. c) Voltaire utilise dans ce texte L'antiphrase ou distorsion, disproportion entre ce que l'on dit et ce que l'on pense véritablement ; en rhétorique, l'antiphrase est une figure par laquelle, par ironie, par moquerie, on emploie un mot, un nom propre, une phrase, une locution, avec l'intention d'exprimer le contraire de ce que l'on a dit... Le surenchérissement, l'énumération, l'accumulation, au service d'un raisonnement par l'absurde (logique aberrante des justifications de la torture, les comparaisons successives avec les mœurs des Romains, ou le bellicisme des Anglais ; la banalisation des faits de torture, de la cruauté décidément bien ordinaire à l'époque). Le faux éloge ou fausse politesse : - le conseiller de la Tournelle, « le grave magistrat «.... est un monstre d'inhumanité ; L'adjectif qualificatif « grave « se dit d'une personne qui manifeste un très grand sérieux dans son activité professionnelle, de la pondération, de la dignité, dans ses actes, son comportement (procédé du faux éloge, de la fausse bienveillance). L'hypocoristique « mon petit cœur « s'adresse à un être sanguinaire qui n'éprouve aucune pitié ni compassion, et qui n'a donc aucun cœur... La maîtresse de maison est désignée par le terme « madame «, qui est très ironique aussi : il ne s'agit guère d'une femme distinguée comme le suggère l'appellation ou le titre employé, mais d'une créature particulièrement perverse (elle prend goût aux confidences de son mari, par sadisme) Les litotes, procédés destinés à exagérer («le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences«). Les mots « quelque « et « expériences « sont des litotes car ils en disent moins pour laisser entendre beaucoup plus qu'il n'est dit véritablement. Le lecteur sent bien la faiblesse du sens de l'expression « expérience « au regard de l'idée suggérée, de la réalité évoquée (un acte délibéré de torture qui consiste à infliger à une personne humaine des souffrances physiques atroces) La généralisation : les foules se délectent du spectacle de la torture et tout particulièrement les femmes (« à la seconde elle y a pris goût, parce qu'après tout les femmes sont curieuses «). La misogynie est une forme d'expression du mépris, du persiflage. Le sarcasme est patent : les femmes raffolent des chambres de torture autant que de crème au chocolat. L'emploi du pronom indéfini « on « a également une valeur généralisatrice et ironique (« après quoi on recommence «). La valeur de base du pronom « on « est celle d'un pronom indéfini qui renvoie à une personne ou bien à un ensemble de personnes d'extension variable qui qu’on ne veut pas identifier de façon plus précise et qui peut aller jusqu’à l’anonymat. Les mélioratifs ou termes associes au plaisir et à la torture, les appréciatifs (antiphrastiques) : « il se donne le plaisir« ; et l'on sait bien qu'il n'y a pas que des petits plaisirs... « aient renoncé au plaisir de donner la question « Peut-être que Voltaire parodie aussi sur le même mode ironique les formulations en usage dans l'aristocratie L'apparente légèreté de ton du philosophe pour parler de choses graves : Voltaire mêle les registres, notamment celui du pathétique et du tragique. L''hyperbole, figure de l'exagération, de l'amplification (« couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot «) est au service de la tonalité pathétique. Les pléonasmes (« hâve «, « pâle «, « défait «) contribuent également à émouvoir – sur un mode non ironique cette fois - le lecteur par l'évocation du spectacle de la souffrance du condamné. On peut formuler la même remarque à propos de l'humour noir (« brûler à petit feu «). II- l’ironie de Voltaire pour « banaliser « la torture

L'ironie est une forme d'expression qui consiste à suggérer le contraire de ce que l'on dit. L'ordre de gravité des choses est bouleversé. C'est un raisonnement absurde et excessif avec une disproportion dans les propos. Dans ce texte, l'ironie repose principalement sur divers procédés de décalage entre les mots et la pensée, entre le sens littéral apparent du texte et le sens réel mais implicite. Voltaire se sert donc de l'ironie comme d'une arme polémique. Il dit l'inverse de ce qu'il pense, tout en s'efforçant de laisser entendre la distance qui existe entre ce qu'il dit et ce qu'il pense réellement. Le décalage est la figure maîtresse de l'ironie. Ainsi, Voltaire écrit le contraire de ce qu’il pense réellement : a) Un passe-temps sadique : Il décrit la torture du chevalier de la Barre comme s’il parlait d’une recette de cuisine. « on lui arrachât la langue, on lui coupât la main, et on brûlât son corps à petit feu. « Il utilise un rythme ternaire pour dénoncer dénonce l'absurdité de la torture et l’horreur du chatiment, Voltaire ridiculise la torture. A noter que Voltaire s'abstient de tout jugement personnel, il laisse le lecteur seul juge. La torture est envisagée comme un jeu : ligne 4 Le conseiller de la tournelle prend un plaisir pervers à s’occuper de ses locataires et prend bien garde de garder en vie ses victimes : "le plaisir", on met en cause le caractère sadique des magistrats de l'époque, et du chirurgien qui assiste et cautionne l'acte. La torture est présentée sous la plume de Voltaire comme un divertissement agréable, un passe temps (« cela fait toujours passer une heure ou deux «). Voltaire cite un passage des Plaideurs de Racine (une farce grotesque, la seule comédie écrite en 1668 par Jean Racine [1639-1699] et inspirée des Guêpes d'Aristophane). Voltaire reprend mot à mot un passage de la pièce : Isabelle: Hé! Monsieur, peut-on voir souffrir des malheureux? - Dandin: Bon! cela fait toujours passer une heure ou deux. b) la dénonciation de la perversion de la forme médicale : On a un non-sens, le chirurgien cautionne, valeur ironique de l'expression jusqu'à ce qu'il soit en danger de mort. Pour Voltaire, cette dénonciation de la torture lui permet de dénoncer autre chose (des métiers sont détournés de leur fonction d'origine). Voltaire dénonce un paradoxe et montre par là_même l’absurde de la torture : le chirurgien qui « tâte le pouls « du supplicié s'applique à prolonger l'agonie d'un être humain alors qu’il est censé sauver la vie... c) la dénonciation des dangers de la vénalité des charges : Association argent/torture l.7. Pratiquer la torture est un droit qui s'achète. Or suivant la logique du raisonnement c'est l'argent qui permet d'exercer la torture. Attaque du système judiciaire. Si l’on suit l’argument de Voltaire, il suffirait d’avoir une somme suffisante pour avoir le plaisir de torturer son prochain. Dans le paragraphe 4, La comparaison se met au service de l'allusion perfide : « les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains «. Les treize parlements que comptait le royaume en 1765, remplissaient une fonction de police générale, une fonction judiciaire et une fonction législative. En vérité, ils ne jouissaient d'aucune autonomie politique (à l'image du Sénat à l'époque impériale de la Rome antique) : les parlements provinciaux étaient une simple délégation du pouvoir royal et servaient de chambre d'enregistrement. Le Parlement de Paris confirma la sentence de mort pour La Barre (pourvoi en appel). Au Parlement de Paris, la chambre de la Tournelle ou la Tournelle, désignait l'assemblée qui était chargée des affaires criminelles. Elle confirmera la sentence d'Abbeville... d) la banalisation de la Torture dans le cadre « domestique « du quotidien : Evoqué dans l'exemple de la scène de vie privée, grâce à des connecteurs chronologiques. Banalisation avec l'intimité de la scène du paragraphe 2, la torture devient le sujet banal d'une conversation conjuguale. la torture devient un sujet anodin que le tortionnaire évoque le soir devant sa femme qui, bien que cela « la révolte un peu au début «, s'en accommode fort bien ; et la torture exercée par son mari devient alors juste une « curiosité «... Avec l'interro-négatif « n’avez-vous fait donner aujourd’hui la question à personne ? « : on s’attend plutôt à une réponse positive. l'intérêt porté par l'épouse aux faits et gestes de son époux tend à laisser croire que l'exercice de la torture est un événement assez anodin, un fait divers. L'humour noir se mêle à l'ironisation constante du propos : la femme du magistrat (modèle masculin de Shéhérazade qui est loin d'être raseur !), s'égaye, s'ébaudit des récits extravagants de son mari qui se complait dans la confession des sévices tortionnaires qu'il a lui-même ordonnés. Voltaire utilise une figure d’atténuation ou euphémisme : le magistrat va conter à son épouse « ce qui s'est passé le matin «. Le complément d'objet du verbe « conter « adoucit, atténue la réalité des occupations de cet homme de loi. Le tour périphrastique rend moins déplaisante, moins brutale l'expression d'une réalité insoutenable (doublé d'un jeu de mots avec le sémantisme de « conte «, qui implique le merveilleux). Expression « mon petit cœur « pour parler d’un tortionnaire : nous remarquons un décalage entre la mièvrerie du surnom hypocoristique « mon petit cœur « et l'atrocité, le cynisme de la question qui suit. La torture est mise par Voltaire au même rang que les besoins essentiels pour les riches désoeuvrés : se nourrir, dormir, se divertir. e) il compare l’incomparable : les Attitudes différentes de deux peuples : Ligne 11 paragraphe 3 : Il s’inclue dans son récit et s’adresse directement au lecteur :il compare l’inhumanité d’une confiscation de territoire à une autre inhumanité plus plaisante qui est de faire souffrir son prochain. Cette antiphrase montre combien Voltaire apprécie le peuple Anglais Les modalisateurs : mots ou procédés grammaticaux par lesquels le locuteur porte une appréciation sur son propre énoncé en exprimant ainsi une certaine subjectivité. Il s'agit principalement d'exprimer le doute ou le degré de certitude ou d'incertitude au regard de ce que l'on vient d'énoncer (ex. mots comme : peut-être, sans doute, évidemment, bien sûr... ou encore l'usage du conditionnel). Voltaire met en doute les sentiments humanistes du peuple français : « Les Francs qui passent, je ne sais pourquoi, pour un peuple fort humain... «. Le modalisateur est teinté d'ironie, car le lecteur sait très bien que le philosophe Voltaire connaît parfaitement les raisons de cette idée reçue, de ce préjugé... Procédés de décalages Apparence / Réalité l.18. Cela montre que l'argument est irrecevable. Il dénonce l'attitude française et fait l'éloge du système anglais. On remarquera aussi que, dans un autre ouvrage, Voltaire fait l'éloge de la monarchie anglaise : Lettres Philosophiques. f) il fait une distorsion entre le crime est le châtiment : Sur l'exemple du chevalier de la Barre, Voltaire insiste sur le chevalier, sa jeunesse par différents termes "jeune homme" ; "expérience" ; "jeunesse effrénée". Il fait de lui une présentation élogieuse. En disant tout cela, il rend son supplice plus odieux, Voltaire lui trouve des circonstances atténuantes. 2- la justification de la torture par les tortionnaires quand on peut torturer pour son plaisir, torturer un être inférieur ou un criminel présumé, cela apparaît comme un devoir civique... Par deux fois, Voltaire va évoquer l'idée d'un « homme inférieur «, idée particulièrement opposée à sa véritable opinion (les philosophes des Lumières, Voltaire en tête, prônent dans la déclaration des droits de l'homme l'égalité absolue entre tous les êtres humains). a) Une fausse justification historique : La comparaison avec l'esclavage sous l'Empire romain démontre l'anachronisme de cette barbarie qui subsistera encore au XVIIIème siècle en France. les allusions à l'histoire romaine, le faux raisonnement, la fausse caution de l'histoire permet à Voltaire de souligner l'anachronisme des pratiques inquisitoriales de la torture. Voltaire analyse tout d'abord la torture exercée par les Romains, justifiée car ils « n'infligèrent la torture qu'aux esclaves, et les esclaves n'étaient pas comptés pour des hommes. «. On réalise que Voltaire condamne les Romains pour leur façon de penser les esclaves étaient considérés comme des animaux, sur qui les patriciens avaient tous les droits. b) Il passe à un exemple un peu plus proche de son époque en évoquant le Conseiller de la Tournelle qui ne doit pas se donner la peine de « regarder comme un de ses semblables un homme qu'on lui amène hâve, pâle, défait, les yeux mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot. « L'homme est alors considéré comme inférieur non à cause de son statut social, mais à cause de son apparence, ce qui est, si c'était possible, encore plus méprisable. L'auteur atténue l'action de torturer un être humain en l'analysant sous un œil indifférent, il lui dénie toute humanité en le présentant comme un animal ou un être inférieur. c) la torture du jeune chevalier de La Barre Accusé d'actes hérétiques apparemment sans grande importance et pourtant châtié à un degré qui dépasse l'imagination. En plus de son supplice, alors même que sa culpabilité n'a pas été établie, on le soumet déjà à la question pour lui faire avouer non pas si oui ou non il a commis ces actes mais combien de fois il les aurait répétés... On a droit à un fameux paradoxe de la part de Voltaire qui compare les juges d'Abbeville, chargés du procès du jeune homme, aux sénateurs Romains susmentionnés alors que, contrairement aux précédents exemples, cet événement ne s'est pas déroulé dans des âges reculés de la barbarie mais bien à l'époque même où il écrit l'article. Ceci fait comprendre au lecteur le point de vue de Voltaire au sujet de l'absence d'évolution de la conscience humaine... Finalement, il accuse surtout le peuple Français qui est vu par l'étranger comme « un peuple fort humain «( ligne11), concept qui dépasse totalement la compréhension de Voltaire qui, lui, sait bien « qu'il n'y a au fond de nation plus cruelle que la nation Française «. Dans l'excipit de l'article, Voltaire emploie un comparatif de supériorité : « il n'y a point au fond de nation plus cruelle que la française« pour dévaloriser en conclusion la France. Il montre combien le comportement des Français est inhumain, en opposition totale avec l'idée de la France que se font les pays étrangers. Pour cela, Le philosophe évoque les célèbres « filles d'opéra, qui ont les mœurs fort douces «, les « garçons d'opéra, qui ont la grâce «, ou encore « Mlle Clairon, qui déclame des vers à ravir «. Comme si les étrangers avaient été les victimes perverties par les charmes de ces esprits. La dernière phrase du texte est apparemment détachée, il joue sur des oppositions. Conclusion Torture est un texte qui fonctionne par exemples argumentatifs, il n'utilise que des exemples pour nous faire partager son émotion et dénoncer la cruauté des crimes de torture. Les images sont plus choquantes que des mots. Par son ironie mordante, Voltaire dénonce la puérilité de l'homme, un être infantile qui s'amuse à supplicier des êtres humains comme s'il s'agissait de simples jouets. La satire dénonce l'oligarchie des aristocrates, la conspiration du silence qui livre à la vindicte populaire une victime émissaire : le chevalier de la Barre . Voltaire n’aura de cesse de dénoncer le fanatisme réactionnaire, le système judiciaire francais qu’il apparente à un système de l’Inquisition en prenant parti dans l’affaire Calas ou le procès Sirven. Voltaire, par l'insolente liberté de son propos, reste le maître incontesté de la rhétorique de l'infamie et le pamphlétaire, pourfendeur de l’injustice. Le mouvement des Lumières est un combat contre les forces obscures : pour Voltaire, l'urgence consiste à abattre les superstitions et les préjugés, à pourchasser le fanatisme et à faire reculer l'obscurantisme religieux. Voltaire apprendra la mort du Chevalier de La Barre une semaine après son exécution à Abbeville. Comme dans la défense de Calas (entre 1761 et 1763), des Sirven (1765-1766), de Lally Tollendal (1765), le Patriarche de Ferney se battra pour la réhabilitation de La Barre, brûlé vif le 1er juillet 1766 avec le Dictionnaire philosophique de Voltaire attaché à son corps démembré.

voltaire

« Les mélioratifs ou termes associes au plaisir et à la torture, les appréciatifs (antiphrastiques) : « il se donne leplaisir» ; et l'on sait bien qu'il n'y a pas que des petits plaisirs...

« aient renoncé au plaisir de donner la question »Peut-être que Voltaire parodie aussi sur le même mode ironique les formulations en usage dans l'aristocratie L'apparente légèreté de ton du philosophe pour parler de choses graves : Voltaire mêle les registres, notammentcelui du pathétique et du tragique.L''hyperbole, figure de l'exagération, de l'amplification (« couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot »)est au service de la tonalité pathétique.Les pléonasmes (« hâve », « pâle », « défait ») contribuent également à émouvoir – sur un mode non ironique cettefois - le lecteur par l'évocation du spectacle de la souffrance du condamné.On peut formuler la même remarque à propos de l'humour noir (« brûler à petit feu »). II- l’ironie de Voltaire pour « banaliser » la torture L'ironie est une forme d'expression qui consiste à suggérer le contraire de ce que l'on dit. L'ordre de gravité des choses est bouleversé.

C'est un raisonnement absurde et excessif avec une disproportiondans les propos. Dans ce texte, l'ironie repose principalement sur divers procédés de décalage entre les mots et la pensée, entre lesens littéral apparent du texte et le sens réel mais implicite.Voltaire se sert donc de l'ironie comme d'une arme polémique.

Il dit l'inverse de ce qu'il pense, tout en s'efforçant delaisser entendre la distance qui existe entre ce qu'il dit et ce qu'il pense réellement.Le décalage est la figure maîtresse de l'ironie.

Ainsi, Voltaire écrit le contraire de ce qu’il pense réellement :a) Un passe-temps sadique :Il décrit la torture du chevalier de la Barre comme s’il parlait d’une recette de cuisine.

« on lui arrachât la langue, onlui coupât la main, et on brûlât son corps à petit feu.

» Il utilise un rythme ternaire pour dénoncer dénoncel'absurdité de la torture et l’horreur du chatiment, Voltaire ridiculise la torture.

A noter que Voltaire s'abstient detout jugement personnel, il laisse le lecteur seul juge.La torture est envisagée comme un jeu : ligne 4 Le conseiller de la tournelle prend un plaisir pervers à s’occuper deses locataires et prend bien garde de garder en vie ses victimes : "le plaisir", on met en cause le caractère sadiquedes magistrats de l'époque, et du chirurgien qui assiste et cautionne l'acte.La torture est présentée sous la plume de Voltaire comme un divertissement agréable, un passe temps (« cela faittoujours passer une heure ou deux »).

Voltaire cite un passage des Plaideurs de Racine (une farce grotesque, laseule comédie écrite en 1668 par Jean Racine [1639-1699] et inspirée des Guêpes d'Aristophane).

Voltaire reprendmot à mot un passage de la pièce : Isabelle: Hé! Monsieur, peut-on voir souffrir des malheureux? - Dandin: Bon!cela fait toujours passer une heure ou deux.b) la dénonciation de la perversion de la forme médicale :On a un non-sens, le chirurgien cautionne, valeur ironique de l'expression jusqu'à ce qu'il soit en danger de mort.Pour Voltaire, cette dénonciation de la torture lui permet de dénoncer autre chose (des métiers sont détournés deleur fonction d'origine).Voltaire dénonce un paradoxe et montre par là_même l’absurde de la torture : le chirurgien qui « tâte le pouls » dusupplicié s'applique à prolonger l'agonie d'un être humain alors qu’il est censé sauver la vie...c) la dénonciation des dangers de la vénalité des charges :Association argent/torture l.7.

Pratiquer la torture est un droit qui s'achète.

Or suivant la logique du raisonnementc'est l'argent qui permet d'exercer la torture.

Attaque du système judiciaire.

Si l’on suit l’argument de Voltaire, ilsuffirait d’avoir une somme suffisante pour avoir le plaisir de torturer son prochain. Dans le paragraphe 4, La comparaison se met au service de l'allusion perfide : « les juges d'Abbeville, genscomparables aux sénateurs romains ».

Les treize parlements que comptait le royaume en 1765, remplissaient unefonction de police générale, une fonction judiciaire et une fonction législative.

En vérité, ils ne jouissaient d'aucuneautonomie politique (à l'image du Sénat à l'époque impériale de la Rome antique) : les parlements provinciaux étaientune simple délégation du pouvoir royal et servaient de chambre d'enregistrement.

Le Parlement de Paris confirma lasentence de mort pour La Barre (pourvoi en appel).Au Parlement de Paris, la chambre de la Tournelle ou la Tournelle, désignait l'assemblée qui était chargée desaffaires criminelles.

Elle confirmera la sentence d'Abbeville...d) la banalisation de la Torture dans le cadre « domestique » du quotidien :Evoqué dans l'exemple de la scène de vie privée, grâce à des connecteurs chronologiques.

Banalisation avecl'intimité de la scène du paragraphe 2, la torture devient le sujet banal d'une conversation conjuguale.la torture devient un sujet anodin que le tortionnaire évoque le soir devant sa femme qui, bien que cela « la révolteun peu au début », s'en accommode fort bien ; et la torture exercée par son mari devient alors juste une « curiosité»... Avec l'interro-négatif « n’avez-vous fait donner aujourd’hui la question à personne ? » : on s’attend plutôt à uneréponse positive.l'intérêt porté par l'épouse aux faits et gestes de son époux tend à laisser croire que l'exercice de la torture est unévénement assez anodin, un fait divers.

L'humour noir se mêle à l'ironisation constante du propos : la femme dumagistrat (modèle masculin de Shéhérazade qui est loin d'être raseur !), s'égaye, s'ébaudit des récits extravagantsde son mari qui se complait dans la confession des sévices tortionnaires qu'il a lui-même ordonnés.Voltaire utilise une figure d’atténuation ou euphémisme : le magistrat va conter à son épouse « ce qui s'est passé lematin ».

Le complément d'objet du verbe « conter » adoucit, atténue la réalité des occupations de cet homme deloi.

Le tour périphrastique rend moins déplaisante, moins brutale l'expression d'une réalité insoutenable (doublé d'unjeu de mots avec le sémantisme de « conte », qui implique le merveilleux).. »

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