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Du musée de l'homme au musée du Quai Branly

Publié le 04/04/2012

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                                                                                          Du musée de l'homme au musée du Quai Branly    

 

 Le goût des autres, de l'exposition coloniale aux arts premiers

Benoît DE L'ETOILE – anthropologue -

 

Qu'est ce que le musée nous dit des autres ? Qu'est ce qu'il nous dit sur nous même ?

 

Forme du musée à soulever plusieurs débats.

 

            I La constitution des collections du musée du Quai Branly

 

            Remarques :

 

–        C'est un musée sans nom, uniquement défini par le lieu où il se trouve. Périphrase «  là où dialoguent les cultures » intéressante. Au départ, ce musée devait s'appeler le Musée des arts premiers, mais ce choix a suscité une telle polémique que l'idée a été écartée.

 

–        Il y a deux hommes à l'origine de ce musée : J.KERCHACHE et J. CHIRAC. A partir du moment où celui ci est présent, le Quai Branly devient un grand chantier culturel.

 

–        Musée récent – inauguré en 2006. Néanmoins, collections issues de sédimentations successives. Première origine : département ethnologie de l'ancien Musée de l'Homme. L'autre grand fond, c'est le MAAO : Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie. Ces objets n'ont pas tous la même valeur et on  y trouve des choses très hétéroclites.

 

 

  1. du musée d'ethnographie du Trocadéro au musée de l'homme

 

Le musée d'ethnographie du vieux Trocadéro ouvre en 1878 et  a mis un peu d'ordre dans des collections qui étaient dispersées sur le territoire. Les fonds du musée viennent essentiellement de don privés ou qui ont été achetés par l'Etat notamment au moment de ventes aux enchères. Ce sont aussi des fonds qui viennent des expéditions coloniales : on a des butins de la conquête qui entrent au musé. On est en plein dans la constitution du Second Empire colonial. C'est peu de dire que se musée va rapidement entrer dans une somnolence poussiéreuse avant même la Seconde Guerre mondiale. C'est pourquoi Paul Rivet, médecin et anthropologue, est chargé de mettre sur pieds un nouvel établissement en 1928 : le musée de l'homme.

 

Il faut se replacer dans le contexte scientifique de l'époque qui est la Nouvelle ethnographie – Marcel Mauss – qui se préoccupe de la disparition accélérée des civilisations dites primitives. Dès 1913, Mauss pousse à la création de collections. «  Il faut se hâter de rentrer la récolte, dans peu de temps, elle sera pourrie sur pieds ». La Société du Musée de l'homme va jouer un rôle très important dans la constitution de collection + la recherche d'objets. Lien fort entre ce qui se passe à ce moment dans la science et la relance de la conquête coloniale.

 

Expédition de Marcel Grioule à laquelle participe Michel Leiris. Les surréalistes suivent de près ces expéditions organisées par les ethnologues. En 1938, le Musée de l'homme ouvre officiellement ses portes. L'ambition est non pas d'exposer des œuvres d'art mais des objets qui sont en quelque sorte des pièces à conviction pour comprendre les cultures. Démarche très différente du musée d'éthographie.

 

 

 

  1. Le Musée d'Art et d'Afrique d'Océanie

 

Mais assez rapidement, une sorte d'ambiguïté apparaît : on va rapidement parler de « présenter des objets d'arts ». Conflit d'intérêt sous-jacent entre des ethnologues d'un côté et les muséologies de l'autre  qui pensent exposer des objets d'arts. C'est ce même débat qu'on va retrouver pour le Quai Branly. Réseau de résistance très important qui se met en place au sein du Musée de l'homme : deux chercheurs du musée  ont même étés fusillés en 1942.

 

Paul Rivet entre en politique et est élu député socialiste, puis quitte le musée. On est dans un moment où le paysage de l'ethnographie se modifie : anthropologie structurale avec Lewis Strauss. On travaille désormais principalement à partir du mythe : les ethnologues se dissocient de plus en plus du musée. Le musée de l'homme continue pourtant les expéditions. Missions de Condominas sur les hauts plateaux vietnamiens. Expéditions en Nouvelle Guinée avec Françoise Girard. A chaque fois, ces personnes rapportent des objets qu'ils vont donner au musée. Pourtant rapidement, le musée s'épuise, notamment en querelles internes. On présente des collections vieillissantes et parfois on frise le ridicule. On a aussi un pb de dégradation des collections et notamment les collections des plumes et de textile. Il y eut enfin énormément de vols. Surtout, on s'interroge sur le sens et le rôle du musée de l'homme. Lewil Strauss lui même s'interroge sur les objets qu'il a recueilli et qui sont au Musée de  l'homme.

 

Petit à petit, le Musée d'Art et d'Objets d'Océanie va concurrencer le Musée de l'Homme. Il est situé dans un bâtiment construit au départ pour l'exposition coloniale. En 1933, le pavillon rouvre ses portes sous le nom de Musée Permanent des colonies. En 1935, ce musée est transformé en Musée de l'Outre Mer, par Le Blond, écrivain réunionnais. On parle aussi de Musée des Colonies. Évidemment un tel musée n'a plus de raisons d'être après la décolonisation.

 

Malraux transforme ce fameux musée des colonies en Musée d'Art et d'Afrique d'Océanie en 1959 : il officialise la coupure entre l'ethnologie et l'art.

 

Cf La voie royale

 

Dans les années 1990, il est de plus en plus dans l'air du temps de rapprocher les collections des deux musée. Mais on arrive dans un moment d'extrêmes tensions entre les deux institutions qui refusent  désormais de se prêter quel qu'objet que ce soit.

 

 

  1. Le Pavillon des Sessions

 

En 1990, Libération publie le manifeste de Jean Kerchache : Les chefs d'œuvre du monde entier naissent libres et égaux . Il fonde l'expression art premier. Il rencontre Jacques Chirac qui devient Président en 1996. Quand le Pavillon des Sessions est inauguré en 2000 en présence de C.Chirac, Pierre Rosenberg  ne peut pas cacher son dépit. On organise une exposition inaugurale au cours de laquelle on achète trois statuettes : ce sont les fameuses trois statuettes de la civilisation Nok du Nigeria. En réalité, ce sont des pièces archéologiques strictement protégé. On accuse ainsi la France et son Président, à l'UNESCO et donc publiquement d'avoir participé au pillage du Tiers Monde en achetant des pièces protégées. On se met finalement d'accord sur le fait que les pièces sont reconnues comme étant la propriété du Nigeria et que la France en reçoit l'acquisition pour 25 années renouvelables.

 

A l'ouverture du Quai Branly, enveloppe de ce qui équivaut aujourd'hui à 23 millions d'euros pour reconstituer une collection.

 

 

II Présentation du Musée du Quai Branly

 

1.L'architecture générale

 

L'architecte c'est Jean Nouvelle . Il parle d'un « musée bâti autour d'une collection où tout est fait pour provoquer l'éclosion de l'émotion portée par l'objet premier.... » + jeu d'ombres et de lumière à ses yeux indispensable à la «  la vibration, l'installation des spiritualités ».

 

      Est aussi l'architecte de la Fondation Cartier et de l'Institut du Monde Arabe.

 

      Le Bâtiment du Quai Branly ressemble à une longue passerelle composée de quatre bâtiments dissimulés dans le jardin dont seule émerge à la vue de tous la galerie des collections permanentes. Idée que le musée ne sort que progressivement aux yeux du visiteur qui devient un explorateur. Jardin conçu à l'image de végétations indisciplinées et lointaines. Bâtiment juché sur pilotis, tout est courbe, fluide, transparent et surtout tout doit être chaleureux. L'ensemble se décline sur cinq niveau avec au final une large terrasse avec vue sur la Tour Effel.

 

 

      2. Le jardin

 

Jardin dessiné par Jacques Clément  et pensé comme partie intégrante du musée : étendu sur 18 000 mètres carrés, doit donner une impression de foisonnement. Lieu au croisement de la nature et de la culture. Est pensé comme une  « invitation au voyage » nous dit Jean Nouvelle. 169 arbres, une trentaine d'espèces végétales et évidemment le jardin passe sous le ventre du  musée et le soir une très belle lumière doit donner un autre visage au musée.

 

 

3. le plateau des collections :

 

«  La galerie des esprits » pour Jean Nouvelle. On y entre par une rampe qui constitue un long ruban sinueux initiatique. Plateau des collections présente les quatre grands espaces du musée : Océanie, Afrique, Amérique, Asie. Traversée fluide avec trois carrefours : Asie / Océanie, …

 

Éclairages thématiques important composés d'installations vidéo.

 

La lumière constitue un choix important dans la muséographie. Il s'agit pour Jean Nouvelle de souligner la sacralité des objets. Renforts, boîtes noires mettent en scène les objets censés être les plus sacrés. L'idée c'est de faire des « cabinets de curiosité » un peu à la manière du XVI ème siècle pour présenter les objets qui relèvent du rituel, du sacré.

 

 

4.les mezzanines

 

La Galerie est présente des expo dossiers cad des expositions temporaires organisées à partir des collections du Quai Branly et sont censées mettre en valeur un fleuron des réserves.

 

A côté, à l'ouest, collection d'anthropologie : exposition sur un des thèmes majeurs qui constituent les relations entre les hommes.

 

Galerie centrale : encyclopédie multimédia.

 

 

 

III Les controverses autour du musée

 

1 .Avant l'ouverture du musée

 

La première  pose la question suivante : s'agit il d'un musée d'art ou de culture ?La controverse première porte ainsi sur le statu des objets présentés. Il y a des objets issus d'une tradition ethnographiques – musée de l'homme et d'autres  d'un musée d'art, le MAAO.

 

Deuxième controverse, autour de la question :  qu'est ce qu'un art premier ? Cf Kerchache. Fait passer les peuples qui produisent ces objets comme des peuples primitifs : perspective évolutionniste qui consiste à dire que le progrès consiste à aller vers le modèle de notre société occidentale contemporaine.

 

Troisième débat porte sur l'égalité de représentation de tous les peuples du monde. Dans l'idée, le musée a vocation d'exposer les productions de toutes les civilisations du monde entier. Dans les faits, grande disparité, ne serait ce que d'un pdv quantitatif. Par exemple, l'ouverture du musée a suscité une très vive indignation du côté du Québec. Il y a en effet très peu d'œuvres canadiennes présentées au musée. Les Inuits sont seulement représentés par un peigne ! Les Amer Indiens, par deux ceintures tissées. Il y eut bcp de polémiques non seulement en France mais un peu partout dans le monde. En 1992, le musée national de la Nouvelle Zélande demande le retour de toutes les dépouilles maoris réparties dans le monde. Stéphane Martin refuse de rendre les pièces maories. Le Musée détient quatre têtes maories que le Musée de Nouvelle Zélande veut récupérer. Le directeur justifie ce refus par l'argument selon lequel ces pièces  ne seront pas exposées. Pour la Nouvelle Zélande, il s'agit là d'objets rituels qui font partie de la culture commune du pays. La polémique s'appuie sur le statu des têtes : il y a tout un débat juridique.  Pour certains, ce sont des restes humains et alors ces éléments sont soumis à la loi sur la bioéthique; pour d'autres, ce sont des œuvres d'arts qui appartiennent à la collection d'un musée français et alors sont inaliénables devant la loi.

 

Le dernier débat concerne le coût extrêmement élevé du musée. Le coût mais aussi le dépassement  du budget ! C'est aussi un musée qui a été épinglé par ses coûts d'exploitation. Rapport de la Cour des Comptes sur le rapport dont a été géré le musée.

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