L'être humain peut-il définir le temps à partir de la conscience qu'il en a ?
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Même s'il y avait quelque imprudence à dénier à l'animal tout pressentiment de sa fin, il semble en effet que la clarté et l'indubitabilité de cette certitude soient une propriété distinctive de l'homme. C'est bien pourquoi, du reste, les Grecs usaient généralement de l'expression « les mortels » pour désigner l'humanité, ainsi distinguée de ses dieux (les « immortels »), et des animaux : ces derniers, moins individués que les êtres humains, apparaissaient comme autant d'exemplaires interchangeables de telle ou telle espèce vivante, à jamais présente au sein de la nature. Cette conscience qu'a l'homme, non seulement de son individualité personnelle, mais, peut-être d'abord, de sa finitude, serait-elle à l'origine de la culture ? De fait, rites funéraires et culte des ancêtres sont présents chez l'homme dès la préhistoire, et absents en revanche des sociétés animales les plus évoluées. Comme si l'entrée dans la culture se signalait par l'effort de l'homo sapiens pour arracher ses morts à la nature. Social et familial, le rite funéraire « marie le parent aux entrailles de la terre », explique Hegel, et préserve, par-delà sa mort, son statut de « compagnon d'une communauté ». Est-ce seulement la dimension sociale de notre existence qui se trouve ainsi rythmée et en partie façonnée par notre relation à la mort et aux morts ?Exister, est-ce le propre de l'homme ?À l'échelle individuelle, aussi bien, l'existant conscient de sa mortalité et de l'écoulement du temps n'a pas la même manière d'« être » que les choses inanimées ou les êtres simplement « vivants », bêtes et plantes. On pourrait être tenté d'utiliser le terme d'existence, qui étymologiquement (lat.
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- «Aimez ce que jamais on ne verra deux fois», tel est le conseil que donne Vigny au vers 308 de La Maison du Berger. En face de la morale et de l'art classiques qui privilégient l'éternel par rapport à l'éphémère, l'universel par rapport au singulier, ne vous semble-t-il pas que Vigny définit ainsi une attitude - éthique et esthétique - nouvelle qui, annoncée par Montaigne et la littérature baroque, s'est surtout développée dans la littérature moderne, à partir du romantisme ? Pour répondre à cette question et préciser cette attitude, vous pourrez vous aider de cette analyse de Georges Poulet sur le temps romantique : «Enfermé dans l'instant, le romantique s'échappe en pensée dans tout le reste de sa vie. Ou plutôt il essaie d'envelopper celle-ci dans la conscience du moment actuel. Il ne s'agit plus, comme au siècle précédent, d'extraire du moment toute sa substance sensible ; il s'agit de donner au moment toute la profondeur, toute l'infinité même de durée, dont l'être humain se sent susceptible. Posséder sa vie dans le moment, telle est la prétention ou le désir fondamental du romantique.» (Études sur le temps humain)
- Peut-on se passer de la conscience morale pour définir un être humain ?
- Expliquez et, s'il y a lieu, discutez cette analyse de la création littéraire au XVIIe siècle : «Si l'homme du XVIIe siècle sent avec une intensité exceptionnelle son indigence et sa dépendance vis-à-vis de l'acte créateur, c'est qu'en percevant cet acte il ne peut percevoir rien d'autre. Toute sa vie" passée, tout son destin futur se trouvent effacés ou suspendus. Rien ne demeure, sinon le don de l'existence actuelle ; puis, dans un nouvel instant, le même don et la même conscience de ce don. La durée est un chapelet d'instants. D'un grain à l'autre seule l'activité créatrice permet de passer. Sentiment intime d'une existence toujours actuelle, discontinuité de la durée, dépendance totale vis-à-vis d'une création toujours réitérée, tels sont bien les traits essentiels du temps humain au XVIIe siècle.» (Georges Poulet, Études sur le temps humain)
- Commentez ces lignes de Sylvain Menant (Littérature française, t. VI : De l'Encyclopédie aux Méditations, Arthaud, 1984) : «Tout le monde, de Voltaire à Diderot, cherche à définir un «droit naturel», droit absolu inscrit dans la raison humaine et antérieur, d'un point de vue intellectuel, à l'existence des sociétés. Ce droit naturel doit s'imposer dans tous les régimes politiques. Il protège la liberté des individus et leur fixe des devoirs. Chaque intervention dans les affaires du temps est l'occasion de montrer la distance qui sépare la pratique judiciaire de ce droit évident pour chaque conscience ; et peu à peu la distance diminue. L'affirmation d'un droit naturel tend à limiter, dans les faits, la toute-puissance de l'État. Mais l'individualisme des Lumières n'est pas un anarchisme : sa plus haute manifestation est l'adhésion à un pacte social. L'idée d'un contrat, déjà souvent débattue, revient au premier plan. Rousseau lui a donné une forme rigoureuse».
- LEÇONS POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA CONSCIENCE INTIME DU TEMPS, Edmund Husserl