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Prisonniers du Grand Reich

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Juin 1940 -   Ce qui caractérise la captivité des prisonniers de l'an 40, c'est bien cette longueur d'une épreuve dont le terme paraissait s'éloigner sans cesse. C'est aussi le nombre de ceux qui l'ont subie. Ils ont été 1 800 000 à tomber aux mains de l'ennemi, dans l'humiliation de la défaite, au cours de la " débâcle " générale de mai-juin 1940. 1 600 000 environ ont été transférés en Allemagne ou dans les territoires annexés au Grand Reich. Ils viennent de tous les milieux sociaux. Ils sont dans la force de l'âge, entre vingt et trente-cinq ans pour la plupart. Plus de la moitié d'entre eux sont mariés et souvent pères de famille.    95 % des prisonniers ont été affectés dans les différents secteurs de l'économie allemande : dans les fermes, mais aussi dans les ateliers, les boutiques, les chantiers, les usines et parfois les mines du Reich en guerre. Pour celui-ci ils sont avant tout une main-d'oeuvre à exploiter, d'ailleurs conformément à la convention de Genève, même si celle-ci subit parfois des entorses, telles que l'emploi dans les usines de guerre.    C'est ainsi que la plupart des prisonniers de guerre ont été amenés à vivre au contact direct de la population allemande. Ils ont pu de la sorte être les témoins de quelques-unes des pires exactions perpétrées non seulement par les nazis, mais parfois par la Wehrmacht, comme l'odieux traitement infligé aux prisonniers de guerre soviétiques. Mais ils ont aussi constaté, chez certains employeurs et parmi les ouvriers attachés comme eux au travail, le refus silencieux de l'imprégnation national-socialiste, parfois l'attachement aux anciennes convictions politiques.    Cependant, vivre ainsi au sein même de la population ennemie fut peut-être une des conditions les plus délicates de la situation imposée aux PG, désireux de préserver à la fois leur identité nationale et leur qualité de soldats. Surtout quand leur propre gouvernement et le maréchal Pétain, qui prétendait incarner la France, collaboraient avec le vainqueur, acceptaient pour lui complaire de les voir, par exemple, " transformés " en " travailleurs libres ".    Ils restent encore près d'un million malgré les rapatriements anticipés, les évasions et quelques milliers de décès - dispersés dans le Reich quand l'invasion de l'Allemagne et la victoire alliée leur apportent enfin, en ce printemps 1945, la libération.    Ceux qui vivent cette libération à l'intérieur du camp sont des officiers, enfermés pendant cinq ans dans les offlags sans autres contact avec le monde extérieur aux barbelés que les lettres passées à la censure, les colis préparés au loin pour eux par des mains chères, des journaux remplis de propagande nazie  ou bien l'infime minorité des sous-officiers et hommes de troupe maintenus au stalag (le camp de base) d'où étaient administrés les kommandos de travail dans lesquels étaient répartis la plupart de leurs camarades.    Après cinq années de " temps en marge ", ces milliers d'hommes vont simplement reprendre leur place dans la vie normale, se diluer dans la société, où il n'est pas sûr cependant que l'expérience vécue par un nombre si considérable de Français n'ait pas joué depuis quelque rôle important, quoique ignoré et diffus.

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