La Mort d'lvan Illitch
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
Un juge de la haute société russe, sur le point de mourir, prend conscience de la vanité de sa vie. Inspiré par la grâce, il apprend enfin ce que sont le pardon et le véritable amour.
Le grand écrivain russe a toujours été angoissé par la mort et, dès 1874, il subit une grave crise morale et philosophique qui influencera toute son oeuvre à venir, et notamment La Mort d'lvan Illitch.
«
~----- -- EXTRAITS
« Le docteur fit son
résumé non moins
brillamment et
jeta un regard triomphant
par-dessus ses lunettes
sur le prévenu.
,.
Une vie bien ordonnée
Ivan Illitch passait la matinée au tribunal et
rentrait pour déjeuner; les premiers temps il
était de bonne humeur; bien
qu'il se montrât préoccupé de
tout ce qui touchait
à l'appar
tement (la moindre tache sur la
nappe,
sur l'étoffe des meu
bles, un cordon de rideau
arraché, tout
l'irritait: l'ins
tallation lui avait coûté tant
de
peine que le moindre dégât lui
était douloureux); mais, en gé
néral, l'existence d 'Ivan Illitch
s'écoulait conformément à
l'idéal qu'il s'était tracé: fa
cilement, agréablement et cor
rectement.
Il
se levait à neuf
heures, prenait son café, lisait
son
journal, et ensuite revêtait
son -uniforme
et se rendait au
tribunal
où il reprenait aussi
tôt ce collier qui lui était de-
venu une habitude
et dans lequel
il rentrait aisément.
Solliciteurs, demandes
de renseignements, chancellerie, séances
publiques, conférences administratives ...
Il
fallait savoir écarter de ces occupations la
réalité vivante qui vient continuellement trou
bler le cours régulier des affaires du servi
ce :
il fallait veiller à n'avoir avec les gens
d'autres rapporls que ceux qui entraient dans
le cadre du service.
La dernière heure
Juste à cet instant Ivan Illitch tomba, aperçut
la lumière
et découvrit que sa vie n'avait pas
été ce qu'elle aurait dû être, mais que cela
pouvait être encore réparé.
Il se demanda :
«Qu'est-ce que cela?» et s'apaisa, tendant
l'oreille.
Alors il sentit que quelqu'un lui bai- sait
la main.
Il ouvrit les yeux et regarda son
fils.
Il en
eut pitié.
Sa femme s'approcha de
lui.
Il la regarda aussi.
Elle le dévisageait
avec désespoir; la bouche ouverte, ses joues,
son nez mouillés de larmes.
« Oui, je les tourmente, pensa-t-il.
Ils ont pitié
de
moi ,· mais il vaut mieux pour eux que je
meure.
» Il voulut le leur dire, mais n'en eut
pas la forr:e.
« D'ailleurs, pourquoi pa,rler ?
songea-t-il.
Il faut le
faire.»
Portrait d'un mort
Il était étendu, comme sont toujours étendus
les morts,
d'une façon particu- ,1 .
,
lièrement pesante, cadavé
rique,
ses membres rigides
profondément enfouis dans
le capitonnage du cercueil,
la tête posée
pour l'éternité
sur le coussin
,· et il dressait,
ainsi que tous les morts,
un
front jaune, cireux, aux
tempes creuses et dégarnies,
et un nez proéminent qui pa
raissait peser sur la lèvre su
périeure.
Ivan Illitch
avait
beaucoup changé et avait ·; !:
encore maigri depuis la .' ··
dernière visite de Pierre h
Ivanovitch ; mais son visage,
de même que celui de tous les
·· ·.
morts, était devenu plus beau et · ..
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surtout pli:s s!gnificatif.
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faire avait été accompli et bien ·.
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accompli.
De plus, il exprimait encore · · \,'.
.
.' · ·
:::!.
un reproche ou un avertissement à l'adresse « Tantôt une lueur des vivants.
d'espérance, tantôt
Traduction de
Michel-Rostilav Hofmann
une mer de désespoir et toujours la douleur ...
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR tenant sous son regard souverain durant
1874, il a cru s'apercevoir qu'il y a une
façon de vivre qui est une
" fausse vie " et
qu'il y en a une autre qui est " la véritable
vie" qu'il a senti la nécessité de changer
son existence et éprouvé l'obligation morale
de le répéter cent fois sur tous
les tons pour
les lecteurs de toutes les catégories, depuis
les savants les plus érudits, jusqu'au plus
fruste et au plus instinctif des moujiks.
C'est toujours la même étoile qui a guidé
les démarches de
Tolstoï: celle qu'il a cru
être l'étoile de la
Vérité, » André Cresson,
Tolstoï; sa vie, son œuvre, sa philosophie,
PUF, 1950,
«
Avec
les deux géants du roman russe,
Tolstoï et Dostoïevski, réapparaissent, dans
un Occident appauvri, une dimension, un
ton perdus depuis des siècles.
Tolstoï
demandait que
l'on comparât ses œuvres à
celles d'Homère.
Guerre et Paix témoigne
en effet de la résurrection du genre épique.
( ...
)C'est Berdaïev qui remarque qu' «il
serait impossible de définir deux types
d'hommes, l'un, inclinant vers l'esprit de
Tolstoï, l'autre, vers celui de
Dostoïevski» .
Le dernier écrit ses romans comme des
tragédies, contracte le temps autour
d'une
crise, le premier, étalant son action, la des
décennies, donne leurs dimensions
hégéliennes à
l'homme et à la vie et atteint,
par des moyens inverses de ceux de
Dostoïevski, la même puissance et la même
profondeur.
» Marie-Thérèse Bodart,
Tolstoï, Classiques du XIXe siècle, Éditions
Universitaires.
«
Tolstoï est un homme dont
le souci
primordial a toujours été de découvrir et de .
mettre en lumière ce qui, à ses yeux, était
"la vérité".( ...
) Le vrai, c'est lui qu'il a
voulu peindre intégralement tant
qu'il n'a
pas cherché autre chose qu'à accomplir une
besogne d'artiste.
Et
c'est parce que, en
l Mary Evans Picture Library I Explorer 2, 3, 4, 5 gravures de L.
Marold /éd.
E.
Dentu , Paris, 1894 TOLSTOÏ04.
»
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