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Histoire mondiale de 1910 à 1919 - Synthèse historique

Publié le 10/01/2019

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L'importance d'une période historique - siècle ou décennie - se mesure, me semble-t-il. selon une méthode très simple, à partir de la question suivante : quelles en sont les traces qui subsistent aujourd'hui? Mais la réponse n'est pas si simple, car ces traces, je ne les trouve pas d'emblée dans les livres. Les découvertes dépendront de mon aptitude à entrer en relation avec une période donnée, à déceler des préoccupations communes que peut masquer l'évolution de la langue. Pour moi, une période est importante si elle suscite des idées nouvelles, et fournit des éléments de comparaison susceptibles de m’aider à résoudre les problèmes d'aujourd'hui, qu'ils soient d'ordre général ou personnel.

 

Sans doute peut-on trouver plaisir à rechercher les origines, à découvrir les germes des transformations ultérieures. Mais il ne suffit pas de voir comment les choses en sont venues à être ce qu'elles sont, car il se dégage alors un sentiment de fatalité historique. Or je trouve plus intéressant de tirer du passé un sentiment de liberté, et. souvent, ce sont des événements oubliés, des événements négligés, qui m'ouvrent des possibilités nouvelles. Parcourir les inventaires de faits isolés, survenant jour après jour, comme cet ouvrage le propose, présente entre autres intérêts celui de libérer momentanément le lecteur de la chaîne des causes et des effets. Celui-ci peut alors interpréter leur succession au gré de sa propre imagination. Le passé se présente généralement comme une structure rigide dans laquelle chaque fait ne paraît juste qu’aux lieu et moment où il s'est produit. Ces Mémoires du XXe siècle sont inhabituels parce qu'ils aident à repenser l’histoire : non seulement ils constituent un ouvrage de référence, mais ils permettent également toute une gymnastique de l’esprit.

 

Comment le lecteur peut-il trouver des points de référence lorsqu'il feuillette ce livre ? D’abord, influencé par le principe selon lequel l'histoire se diviserait en périodes clairement définies, il peut chercher une idée phare qui résume toute la décennie. Tout a changé, est-il tenté de dire. En 1914. l'Europe était le créancier du monde. En 1919, elle en est devenue le débiteur. Mais il y a deux façons d’interpréter ce retournement.

 

D'une part, la Belle Époque est bien finie; et le lecteur qui a connu les Trente Glorieuses retrouvera ici le sentiment qu'une période de prospérité effrénée arrive à son terme. Mais c’est aussi le début, la naissance, après bien des souffrances, d'une Europe nouvelle : à l'odeur de la poudre sc mêle le parfum de la liberté: et le lecteur d'aujourd'hui se rappellera l’atmosphère qui annonçait une Communauté européenne naissante. C’est la propre personnalité du lecteur qui se révèle à lui selon qu’il met l’accent sur l’une ou l’autre de ces interprétations, tant il est évident que la lecture de l'Histoire nous invite à cerner nos goûts et à juger par nous-mêmes si nous vivons en accord avec notre temps.

 

D'autres lecteurs verront dans cette décennie 1910-1919 trois périodes distinctes, trois décennies concentrées en une. D'abord ces longs été chauds d’avant 1914, dont l’évocation, même pour ceux qui ne sont pas enclins à la nostalgie, s'enveloppe comme il se doit d’un halo chatoyant, décor idéal pour des films languides faits d’amours tragiques : voilà bien une époque où l'on peut imaginer un temps immobile. Et sans doute régnait-il alors un sentiment de sécurité illusoire. Les contemporains savaient bien qu'il existait de nombreux foyers d’instabilité; ils s'inquiétaient surtout du changement radical que les perspectives socialistes laissaient entrevoir, cauchemar pour les uns. rêve à portée de main pour les autres. Ils s'inquiétaient aussi de voir l'économie de l'Allemagne prendre le pas sur celle de l'Angleterre, et les Américains l'emporter sur le reste du monde. Mais la fragilité ou la solidité de leur univers, ils ne pouvaient la mesurer.

 

Puis, survint une époque complètement différente, quatre années de carnage comme le monde n’en avait jamais vu. où des hommes d'affaires qui s’étaient fait confiance un jour se retrouvaient ennemis le lendemain, sc couvraient d’injures, d'accusations irrationnelles, non parce qu'ils avaient été personnellement lésés, mais parce qu’empereurs et diplomates s’étaient pris dans des rets et qu'il a fallu des millions de morts pour les défaire. Cette soudaine métamorphose d'êtres pacifiques en guerriers acharnés était inattendue, inexplicable, effrayante.

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« Le conflit n'avait pas été voulu par l'opinion publique, et la plupart des politiciens ne le souhaitaient pas: selon Lloyd George, ils avaient glissé vers la guerre ou, plutôt, ils avaient trébuché et y étaient tombés.

Au début, les experts s'accordaient à dire qu'elle durerait quelques mois seulement, un an tout au plus.

Mais elle se prolongea parce qu'elle saisit et enflamma l'imagination de l'Europe; et bien des gens qui, en juillet 1914, étaient opposés à la guerre, en vinrent à croire en septembre qu'ils se battaient pour la cause la plus importante de leur vie.

Cet enthousiasme surprend d'autant plus qu'il dura en dépit de souffrances effroyables.

Parmi les soldats français, moins de un pour cent désertèrent et, en Grande-Bretagne, plus d'un million de civils sans antécédents militaires se portèrent volontaires pour combattre.

Malgré l'éloignement, l'ardeur gagna les Américains eux-mêmes.

Les pacifistes n'en revenaient pas : le philosophe Bertrand Russell avait cru jusqu'alors que les guerres étaient imposées par des gouvernements despotiques à des populations récalcitrantes; or il découvrait que l'individu moyen n'avait pas le sentiment d'être conduit à la mort en vain.

Et de fait, toute l'Europe réagissait de concert.

Mais comment cela fut-il possible, avec ce bilan de dix millions de morts et vingt millions de blessés, chiffre qu'il faudrait peut-être doubler pour prendre en compte les victimes indirectes? Pourquoi les hostilités ne cessèrent-elles pas après la bataille de la Somme, où, en 1916, plus d'un million de soldats furent tués? Malgré les pertes, la volonté de se battre demeura vivace.

Les hommes ne saisirent que lentement ce qu'ils étaient en train de faire; ils ne prirent que peu à peu conscience du sacrifice de toute une génération de brillants jeunes gens, au point qu'on ne pouvait plus espérer un renouvellement rapide des énergies une fois les combats terminés.

Ce n'est qu'alors, seulement, qu'on en vînt à dire qu'une pareille guerre ne devait plus jamais arriver.

Cette terrible expérience eut toutefois pour effet profond de faire prendre conscience à l'humanité qu'elle perdait le contrôle de sa destinée.

Il s'agissait là d'un vrai changement pour un monde qui avait fait de la confiance dans le progrès sa religion.

Enfin une troisième époque, dans les dernières années de la décennie, vit apparaître l'aube d'un monde nouveau, la Société des Nations, mais aussi les révolutions qui promettaient la fin de l'oppression et de l'exploitation.

Désormais, on était frappé surtout par l'impossibilité de parvenir à un accord.

Avec l'effondrement des anciens empires, un conflit éclata où s'affrontaient trois sentiments: l'idéalisme, l'égoïsme et la confusion.

Les Américains vinrent, armés de grands principes, imposer la paix à l'Europe, mais ils en transformèrent l'esprit.

La grande question était de savoir si les crimes du passé devaient être oubliés, si la victoire pouvait être autre que généreuse; mais la rancœur triompha.

Des nations nouvelles furent fondées, qui, toutes, naquirent avec un cortège de problèmes et de ressentiments.

Il était dans la logique des choses de ne pouvoir s'entendre sur les solutions.

En revanche, le désastre consistait à mettre sur pied des institutions par trop difficiles à transformer.

En général, une fois les frontières bien tracées, seule une nouvelle guerre peut les modifier.

Les femmes auraient dû être les vainqueurs.

Quand les hommes partirent au front et qu'elles les remplacèrent au travail, elles montrèrent une compétence égale.

Mais alors, l'histoire parut reculer.

Les femmes devinrent probablement plus mécontentes encore qu'elles ne l'avaient été en voyant ce qu'elles n'avaient pas gagné, ce qu'il leur restait à conquérir.

Au cœur de cette déception, dans cette dette impayée, on peut lire la dernière leçon de la décennie : que les droits de l'homme, les conventions sociales n'évoluent pas selon un progrès continu-en matière de progrès, on perd plus facilement qu'on ne gagne.

Pourtant on ne saurait tirer de ce regard sur la période une bonne pièce en trois actes, car ce serait une pièce sans dénouement.

Le pire étant qu'elle donnerait à penser que la décennie 1910-1919 est morte.

Non, je me refuse à enfouir ce passé sous une ou sous trois étiquettes, ou à le mettre au musée aux côtés de l'âge de fer, de la période romantique et de toutes les époques intermédiaires.

Je préfère regarder l'histoire au microscope, pour voir des masses d'événements infimes et me demander de quelle autre façon ils auraient pu se combiner,. »

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