Perse de 1910 à 1919 : Histoire

Une situation de dépendance préoccupante

Malgré la révolution de 1906, qui n'a débouché que sur une régénération artificielle de l’État, avec un Parlement (ou majlis) de façade, la Perse reste caractérisée par son statut de condominium anglo-russe, consacré par le traité de 1907 entre les deux pays. L’ingérence de ceux-ci est à la fois administrative, militaire et économique, surtout depuis la découverte par les Britanniques de richesses pétrolières et la création de l'Anglo-Persian Oil Company et se traduit par la présence croissante de conseillers étrangers. L’activité de ces missions est très profitable à la Perse, en particulier celle de l'Américain Morgan Schuster à la Trésorerie qui organise, dès 1911, la centralisation générale des recettes. Mais s’il peut compter sur l'appui du majlis, Schuster a contre lui le palais impérial, au moment précis où Mohammed Ali, en juillet 1911, tente vainement de reprendre le pouvoir par un coup d’État. Schuster doit aussi subir les pressions des Britanniques et des Russes et, en décembre 1911, est révoqué à la demande du

Transport de pétrole raffiné par l'Anglo-Persian Oil Compagny. En 1914, la production atteint 270 000 tonnes.

© Süddeutscher Verlag

gouvernement tsariste. Celui-ci vient par ailleurs de s’entendre avec l'Allemagne sur un nouveau partage d'influence au profit des deux puissances. Devant cette ingérence croissante, les insurrections se multiplient et sont brutalement réprimées par les troupes russes. Le jour même de la révocation de Schuster, le majlis est dissous et ses membres sont arrêtés: le gouvernement de Téhéran est plus qu jamais un jouet entre les mains des Russes et des Britanniques comme il 1 prouve en reconnaissant, en février

1912, le traité anglo-russe de 1907. Le 29 mars, les Russes, qui prétendent rétablir l’ordre, bombardent le sanctuaire chiite de l’Eman.

La Perse et la Grande Guerre

En mars 1914, après trois ans de vacance, le majlis se réunit de nouveau et proclame la neutralité de la Perse dans le conflit qui embrase l'Europe. Mais dans les faits la guerre ne fait que consacrer la présence anglo-russe et la Perse devient elle-même le théâtre d'une partie des opérations. Elle fait l’objet de marchandages secrets entre les puissances de l’Entente, à commencer par la Grande-Bretagne et la Russie qui s'accordent en 1915 sur l'absorption de la zone restée neutre. Les Britanniques y pénètrent pour assurer la sécurité des gisements pétrolifères sous l’autorité des South Persia Rifles qu’ils contrôlent directement. Pour riposter à l’invasion du nord du pays par les Russes, les Turcs envahissent l'Azerbaïdjan dès 1915. Face à tous ces occupants, le gouvernement et les nationalistes persans recherchent la collaboration avec l'Allemagne. Ce qui aboutit presque, en novembre 1915, à la conclusion d'une alliance secrète entre la Perse et l'Allemagne, laquelle s’engage à participer à l’organisation de la résistance contre l’occupant. Mais les pressions anglo-russes sur le tout jeune chah Ahmed, couronné le 12 juillet 1914, font échouer l'entreprise. Quelques mouvements de résistance tentent cependant de se constituer, mais ils sont trop sporadiques. En 1917, la Révolution russe achève de

bouleverser la situation et, au début de l’année suivante, le gouvernement bolchevique annonce l’annulation du traité anglo-russe de 1907. Après l’effondrement de l’Allemagne, les Britanniques, qui ont refoulé les Turcs, restent ainsi les seuls maîtres des lieux.