Devoir de Philosophie

« Avoir une culture, ce n'est pas savoir un peu de tout; ce n'est pas, non plus, savoir beaucoup d'un seul sujet : c'est connaître à fond quelques grands esprits, s'en nourrir, se les ajouter. » (André Maurois, Lettre ouverte à un jeune homme). Que pensez-vous de ces propos sur la culture ?

Publié le 18/02/2011

Extrait du document

culture

La notion de culture est inséparable de celles de civilisation et d'éducation : c'est la définition d'un idéal intellectuel qui permette à l'homme de participer pleinement à la civilisation dans laquelle il vit. Pendant longtemps la culture a pu se confondre avec l'accès à toutes les connaissances d'une époque; mais, dès le XVIIe siècle, cela n'était plus possible qu'à des esprits exceptionnels. L'homme cultivé, « l'honnête homme «, devait se contenter de savoir un peu de tout. Depuis, la civilisation a encore évolué. Après beaucoup d'autres, A. Maurois propose une définition de la culture : « Avoir une culture, ce n'est pas savoir un peu de tout; ce n'est pas, non plus, savoir beaucoup d'un seul sujet : c'est connaître à fond quelques grands esprits, s'en nourrir, se les ajouter. « On reconnaît la marque d'un homme pour qui « le seul moyen de devenir un homme cultivé est la lecture «, et que la composition d'une partie de son œuvre a conduit à vivre dans la familiarité de quelques grands esprits : Shelley, Disradi, Byron, Proust, G. Sand, V. Hugo, Balzac. Mais cette conception de la culture est-elle entièrement satisfaisante?

culture

« une science déterminée, la complexité des problèmes oblige à une division du travail, de la recherche, dans undomaine de plus en plus restreint.

Chacun est conscient que c'est la condition du progrès scientifique (cf.

les textesde Louis de Broglie et de R.

Oppenheimer, dans Civilisation contemporaine, p.

116 et i 18, par Baudouy et Moussay,Hatier).

La spécialisation est une nécessité de la technique; la vie économique et politique est confiée aux expertset aux technocrates.

Cela conduit à l'idée que l'homme cultivé, c'est le savant, c'est l'homme qui détient dans saspécialité des connaissances que nul ne saurait lui contester. a.

Une pseudo-culture.Socrate qui, pour toute science, prétendait savoir seulement qu'il ne savait rien, reprochait aux poètes, auxartisans, experts chacun dans un art particulier, de se croire savants en dehors de leur spécialité.

La Bruyère semoque de l'érudition d'Hermagoras, qui « connaît à fond les Égyptiens et leurs dynasties...

Que ne sait-il point?Quelle chose lui est cachée de la vénérable Antiquité? » ; mais il n'a jamais vu Versailles.Aujourd'hui, A.

Siegfried (op.

cit.

p.

io3) peut écrire : « Cette spécialisation qui est une nécessité de la techniqueest une menace pour la culture, parce qu'elle divise l'homme et l'empêche de se considérer lui-même comme étantcomplet.

» Encore que, chez un savant, savoir tout d'une chose puisse conduire à savoir quelque chose de tout,des hommes comme Oppenheimer déplorent les conséquences de cette spécialisation et regrettent le siècle oùFranklin et Jefferson pouvaient unir en leur esprit les préoccupations les plus diverses.

Il juge qu'il serait hautementsouhaitable que des esprits universels puissent assimiler toutes les connaissances et féconder de nouvellesrecherches grâce à l'expérience acquise en leur spécialité.

La spécialisation risque de sacrifier tout développementintellectuel et humain en dehors de son propre domaine : de rendre le savant étranger à la sensibilité poétique,musicale, artistique; pour le littéraire, le champ des découvertes scientifiques est devenu inaccessible et lui inspireun mélange d'admiration et de crainte comme, chez des primitifs, la foule profane en éprouvait devant une idole.Mais l'hermétisme de certains poètes et le vocabulaire de disciplines promues au rang de sciences humaines,rebutent parfois par leur ésotérisme les non-initiés.

L'humanisme perd son sens et la valeur de l'être humain risqued'être oubliée par suite de l'impossibilité d'un échange entre ceux qui s'intéressent à des domaines différents de lavie intellectuelle et morale.

C'est le sens même de la civilisation autant que celui de la culture qui est ainsi posé. III.

- CONNAITRE A FOND QUELQUES GRANDS ESPRITS 1.

L'équilibre d'une culture humaniste.Ayant dénoncé le caractère superficiel de la première conception et le caractère trop étroit de la seconde, A.Maurois nous invite à « connaître à fond quelques grands esprits ».

Mais n'est-ce pas retomber dans les défauts qu'ildénonce et sacrifier l'étendue de la culture à l'étude approfondie de quelques sujets privilégiés? En fait, il s'agit detout autre chose : moins parce qu'en renonçant à la prétention de tout connaître, il ne limite pourtant pas saculture à un seul sujet, qu'en raison du choix qu'il nous propose et de la méthode qu'il nous conseille. A.

— QUELQUES GRANDS ESPRITSFontenelle disait qu' « un bon esprit cultivé est pour ainsi dire composé de tous les esprits des siècles précédents ».Et Descartes donnait de la lecture une définition que Maurois eût approuvée : « La lecture de tous les bons livresest comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et mêmeune conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que le meilleur de leurs pensées.

»Maurois nous demande de connaître « quelques grands esprits » : il s'agit donc d'un choix et il est vrai qu'il n'y a pasde culture sans choix : rien de commun avec l'attitude de l'Autodidacte de la Nausée qui entreprend de lire tous leslivres de la bibliothèque, de A à Z, en suivant l'ordre du catalogue.

Choisir de grands esprits, c'est déjà reconnaîtreune notion de valeur qui est une condition fondamentale de toute culture.

Ces grands esprits sont ceux qui ontporté au plus haut degré les qualités humaines dans le domaine auquel ils se sont consacrés, qui ont incarné unmoment de la civilisation et dont l'oeuvre appartient au patrimoine de l'Humanité : ceux que V.

Hugo appelait lesMages, Baudelaire les Phares.

« Le grand homme n'est différent de nous que par ses dimensions, non par sonessence, et c'est pourquoi les grandes vies sont intéressantes pour tous les hommes », dit Maurois.

En ce sens lesgrands esprits projettent pour nous leur clarté sur l'âme humaine et sur notre destinée, qu'il s'agisse d'un Montaignequi nous rappelle que « chaque homme porte en lui la forme entière de l'humaine condition », ou de V.

Hugo, chantrede la douleur, qui nous avertit dans la Préface des Contemplations: « Insensé qui crois que je ne suis pas toi.

»D'autres apportent une conception de la sagesse ou de l'existence, qui a un caractère irremplaçable.

C'est en cesens que Péguy écrit : « Un homme cultivé, vraiment cultivé, ne comprend pas, ne peut pas même imaginer ce quecela pourrait bien vouloir dire de prétendre avoir dépassé Platon »; ce serait une perte irréparable « si ce langagen'avait pas sonné dans l'histoire du monde...

Ainsi de tous les autres, du cartésien, du kantien, du bergsonien.

Etainsi, infiniment plus, du chrétien)) (Bar-Coche bas) De même Proust pense que chaque artiste apporte au mondeune vision originale qui, sans lui, ne nous aurait pas été révélée : « Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, lenôtre, nous le voyons se multiplier, et, autant il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notredisposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini, et qui, bien des siècles après qu'estéteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial » (LeTemps retrouvé).

Nous pourrions y ajouter le musicien comme Beethoven qui apporte la révélation du pur langagedes sons, le génie créateur d'un monde romanesque comme Balzac et Proust, la méthode féconde en découvertes etles problèmes d'un savant comme Pasteur ou Oppenheimer, ou encore les existences d'homme comme Gandhi ouAlbert Schweitzer qui nous aident à choisir une voie dans la confrontation de la conscience et de l'action.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles