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Bohémiens en voyage - Baudelaire, Spleen et Idéal

Publié le 09/03/2011

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La tribu prophétique aux prunelles ardentes Hier s'est mise en route, emportant ses petits Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes. Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes Le long des chariots où les leurs sont blottis, Promenant sur le ciel des yeux appesantis Par le morne regret des chimères absentes. Du fond de son réduit sablonneux, le grillon, Les regardant passer, redouble sa chanson; Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures, Fait couler le rocher et fleurir le désert Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert L'empire familier des ténèbres futures. Baudelaire, Spleen et Idéal

• Le sujet indique : Faites un commentaire composé de ce poème en montrant comment le réalisme, la précision du vocabulaire en font un véritable tableau. Trouvez-vous une signification symbolique à ce poème descriptif? Laquelle? (Vietnam 1961). L'examinateur propose un plan de commentaire acceptable : d'abord le côté réaliste, les éléments concrets par lesquels Baudelaire a décrit la vie des Bohémiens, en un mot le tableau ; ensuite nous étudierons la « signification symbolique «, la portée du texte sur le plan de la morale et de l'esthétique, en un mot encore, son message.

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« Bohémiens en voyage (Baudelaire) Charles Baudelaire est un poète du 19ème siècle.

Alors que, dès son enfance, il doit faire face à des bouleversements (il devientorphelin de père à six ans), Baudelaire voit défiler tout au long de sa vie de nombreuses déceptions qui l'inspireront lors de l'écriture deson œuvre principale, Les Fleurs du Mal.

Ce recueil de poèmes est publié en 1857 mais est aussitôt condamnée pour caused'immoralité.

C'est dans la section « spleen et idéal » de cette œuvre que se situe le poème Bohémiens en voyage.

Dans cette section,Baudelaire décrit deux facettes de son être : son aspiration vers un idéal et son enlisement dans les tourments du quotidien, qu'ilqualifie d'ennui, mais surtout de « spleen ».

C'est avec ce mot qu'il traduit l'ensemble de ses souffrances.Le sujet de ce sonnet semble simple.

Un observateur décrit le passage de bohémiens.

Au 19ème siècle, ils sont mal considérés par lasociété bourgeoise.

Le voyage est un des thèmes chers de Baudelaire, il se sent proche des bohémiens.

Précurseur du symbolisme, cepoème est un exemple du talent de Baudelaire dans ce mouvement.

Nous verrons donc dans un premier temps l'art du poète pourdécrire l'acheminement des nomades, puis dans un deuxième temps la dimension surnaturelle du poème. Ce poème met en scène une tribu de bohémiens en marche.La description de leur passage semble tirée d'un dessin.

Dans ce poème, Baudelaire rivalise avec le dessinateur.

Il esquisse un croquisqui nous expose rapidement l'attitude des bohémiens et qui nous donne une vue d'ensemble.

Nous retenons l'idée de recroquevillementainsi que de méfiance dans le verbe « blottis » (vers 6).

A aucun moment le poète n'utilise d'adjectif de couleur.

Il préfère utiliser unecertaine subtilité qui rend le même effet.

C'est ainsi que l'on comprend l'idée du reflet des lames dans le vers 5 : « armes luisantes ».Les femmes et les enfants sont évoqués dans le premier tercet avec l'idée maternelle d'une mère qui nourrit son enfant, et les hommesdans le second tercet avec la notion de protection et de sécurité (« armes luisantes »).

Alors que les bohémiens occupent une placeimportante dans ce poème, le paysage, lui, est mit de côté.

Nous trouvons tout de même certains indices qui nous permettent de nousfaire une idée du milieu où se trouvent les nomades : «verdures » (vers 11), « désert » (vers 12).

Le paysage est ainsi effacé car lesbohémiens eux-mêmes ni prêtent pas attention.

Ils ont l'esprit tourné vers autre chose, qui est leur avenir (et qui est évoqué dans ledernier vers).Les bohémiens sont présentés comme une horde d'animaux sauvages.

L'aspect sauvage du mouvement « emportant ses petits / Surson dos » est souligné par le rejet, tandis que le réalisme de la situation est accentué par l'utilisation de certaines expressions comme «mamelles pendantes », qui relève de l'animalité.

Nous sommes de plus en présence d'un champ lexical important de l'animalité : «emportant ses petits » (vers 2), « fiers appétits » (vers 3).

En dehors des femmes et des enfants, les hommes aussi possèdent ici uneapparence primitive.

Ils portent en effet des « armes luisantes » (vers 5), ce qui marque leur instinct.

Ces observations se rejoignentpour marquer la différence de cette tribu avec les conventions bourgeoises, que Baudelaire méprise.

Néanmoins, l'ardeur de la tribulaisse également place à une certaine forme de mélancolie.Ce portrait est un spleen des bohémiens.

Nous pouvons percevoir la tristesse qui emplit la tribu dans certains vers, en particulier lesvers 7 et 8 : « Promenant sur le ciel des yeux appesantis / Par le morne regret des chimères absentes ».

Les chimères absentessignifient leurs espoirs déçus.

Ils ont les yeux tournés vers le haut, vers un monde préférable.

Cette tristesse est le sujet principal du «spleen » de la première partie du recueil de Baudelaire.

La construction de ce poème renforce cette impression de tristesse.

Laplatitude des sentiments des bohémiens est rendue par la régularité des alexandrins (qui sont décomposés en 6+6 et qui neconnaissent un bouleversement qu'au rejet du vers 3 au vers 4), ainsi que par une harmonie imitative avec l'allitération en « p » desvers 7 et 8.

La monotonie de la marche est renforcée par les rimes embrassées qui marquent l'uniformité du mouvement.

Nouspouvons également remarquer la périphrase du premier vers qui marque la majesté du moment.

Cet alexandrin est de plus martelépar les consonnes « r », « p », « t » et « d ».

L'attitude des bohémiens nous indique que Baudelaire n'a pas seulement voulu faire de cepoème la description d'une tribu en marche. Ces bohémiens représentent une tribu « prophétique » en relation avec le surnaturel.

Tout d'abord, la présence de la lumière (« lesprunelles ardentes » vers 1, « les armes luisantes » vers 5) dévoile la connaissance particulière de cette tribu.

En effet, les bohémienssont connus pour prédire l'avenir dans les cartes ou encore dans les lignes de la main.

Ils connaissent leur avenir, comme nous avonspu le voir dans la première partie.

Ils regardent en effet vers le ciel, qui est un symbole d'idéal et de quête.

C'est dans le dernier versque cet aspect est le plus significatif (et porte le sens du sonnet) : « l'empire familier des ténèbres futures ».

Ce qui est considérécomme l'inconnu pour certains est « familier » pour cette tribu prophétique.

L'emploi de l'adjectif « ténèbre » nuance cependant cettefamiliarité avec la mort.

Cet alexandrin est magnifié par les termes « empire » et « ténèbres » et est un écho au premier vers car nousretrouvons une reprise des consonnes « r », « p », « t » et « d ».

La finalité de la mort ramène donc à un point de départ de non vie.Nous nous trouvons face à une tribu prophétique en communion avec la nature.

Les tercets de ce sonnet contiennent des preuves del'intime relation qu'entretiennent les bohémiens avec la nature.

Le bruit du grillon est embellit en « chanson », tandis que son habitat, «le réduit sablonneux » est apparenté à celui d'un être humain, en particulier celui du poète car il est peu assuré (« sablonneux ») etétriqué (« réduit »).

Le grillon peut donc s'apparenter au poète, qui « redouble sa chanson » (ou son poème) et qui possède uneadmiration pour les gens du voyage.

Quant à Cybèle, c'est la déesse de la Nature et du renouveau.

En « augmentant ses verdures », lepoète a voulu montrer que les bohémiens étaient proches d'une certaine dimension sacrée et qu'ils profitaient de la protection de cettedéesse.

Baudelaire a également inclut une dimension biblique dans les tercets.

Nous avons en effet une référence à Moïse qui fait jaillirl'eau du rocher et germer le désert (« fait couler le rocher et fleurir le désert »).

Les bohémiens sont ainsi assimilés à un mythe, d'oùl'appellation du premier vers, « la tribu prophétique ».Les bohémiens peuvent être considérés comme une représentation du poète.

Tout comme les artistes et les poètes, les bohémiens sontmal considérés par la société bourgeoise du XIXème siècle.

Ils sont tous voués à la solitude et à des espérances inassouvies.Baudelaire éprouve une forte sympathie pour ces gens du voyage qui se mettent en marge de la société bourgeoise. Ce poème illustre parfaitement l'art de Baudelaire pour décrire une réalité puis de la transposer dans le registre symbolique.Bohémiens en voyage nous rappelle que Baudelaire est le précurseur du symbolisme.

Cette évocation est un prétexte à une méditationsur la condition humaine propre à Baudelaire.Ce thème cher à Baudelaire est reprit à plusieurs reprises dans Les Fleurs du Mal.

Le dernier vers, « l'empire familier des ténèbresfutures » ouvre sur l'infini et nous indique ce qui nous attend tous, la mort (« ténèbres futures »).

Le voyage de ces bohémiens annoncele voyage vers l'Ailleurs évoqué dans le dernier poème du recueil, Le Voyage.

Les trois derniers vers de ce poème (situé donc dans ladernière section du recueil intitulée « la mort ») nous évoque tout particulièrement ce voyage :. »

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