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Cette opinion de Pascal sur la poésie est-elle juste ?

Publié le 18/02/2012

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pascal

« Comme on dit beauté poétique, on devrait aussi dire beauté géométrique et beauté médicinale. Cependant on ne le dit point; et la raison en est qu'on sait bien quel est l'objet de la géométrie et qu'il consiste en preuves; et quel est l'objet de la médecine et qu'il consiste en la guérison; mais on ne sait pas en quoi consiste Pagrémetit qui est l'objet de la poésie. On ne sait ce que c'est que ce modèle naturel qu'il faut imiter et, faute de cette connaissance, on a inventé certains termes bizarres : Siècle d'or, merveille de nos jours, fatal, etc..., on appelle ce jargon beauté poétique... « Cette opinion de Pascal sur la poésie est-elle juste?

Comment expliquez-vous que Pascal ait pu la formuler ?

Dans ce passage, et dans quelques autres des Pensées, Pascal s'est montré bien sévère pour la poésie. Il soutient, en somme, qu'on ne sait pas en quoi consiste l'agrément qui est l'objet de la poésie, c'est-à-dire que la poésie n'a pas d'objet ou de fond; et que, faute de connaître « ce modèle naturel « qu'il faut imiter, on a fait consister la poésie dans l'artifice des mots....

pascal

« revelent la science pure.

B.

n'en reste pas moms vrai qu'il y a deux crdres de beautes absolument distincts, que Pascal a eu tort de confondre : Aurait-il donc ignore l'objet de la vraie poesie? Il est difficile de le croire; autant a cause de son education qu'a cause de son genie et de son oeuvre.

Mme Perier affirme que son frere etudia les Grecs et les Latins.

Nous pou- vons etre assures qu'avec un maitre tel qu'Etienne Pascal, il fut eleve dans le grand gout et apprit a admirer les immortelles beautes d'Homere et de Sophocle, de Virgile et d'Horace.

Il avait lu Horace et Rodogune de Corneille, puisqu'il les cite, et sans doute aussi les autres oeuvres du poke normand avec lequel sa famille entretint a Rouen les plus cordiales relations.

Or, comment supposer qu'il out ate insensible aux sublimes vers de Polyeucte? DiSons plus, II avait concu l'amour tel que le concoit Corneille : son Discours sur les passions de l'amour en temoigne; et il ne fut pas indifferent au theatre, puisqu'il accuse la « comedie »d'eveiller en nous « le desir de causer les memes effets que l'on voit representes, de recevoir les memes plaisirs et les memes sacrifices.

» Et puis, n'a-t-il pas indique lui-meme to source de la vraie poesie, quand il a ecrit :« Lorsqu'un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-meme la verite de ce 9u'on entend »? N'a-t-il pas donne, sur le style et l'eloquence, quelques preceptes immortels qui prouvent qu'il sentait chez les pokes comme chez les prosateurs, la correspondance &mite de la forme et du fond? Quel livre enfin peut-on concevoir qui soft plus poetique que le sien, d'une poesie tour a tour sombre et desesperee, rayonnante et mystique, on l'homme, ce roseau pensant ballotte entre les deux infinis qu'il ne peut comprendre, est psis de pitie pour ce petit cachot dans lequel il se trouve loge, et de ver- tige devant le silence kernel des espaces infinis; oil le chretien s'attache obs- tinement an boil sacra de la croix, contemple avec ivresse le Mystere de Jesus, voit le regard du Sauveur fixe sur lui, et les gouttes de sang couler pour lui? Sainte-Beuve avait bien raison de dire :« Si Pascal n'aimait pas la poesie proprement dite, it n'etait pas sans quelque part du genie dramatique.

Il avait donc, a un certain degre, la poesie, c'est-a-dire la creation par le cote on la physionomie humaine intervient et sert de figure.

» De tout cela it faut conclure que Pascal connaissait l'objet de la poesie, puisqu'il en a donne des preceptes et des exemples; et qu'il en sentait les beautes, puisqu'il en portait la source dans son cceur.

Comment done ex- pliquer ce qu'il en dit dans le passage qui nous occupe? Comment expliquer cet autre jugement : q Les gens universels ne mettent guere de difference entre le métier de poke et celui de brodeur »? Il y en a, ce semble, trois raisons principales : le mauvais gout des poetes de son temps, sa predilection pour les verites scientifiques, et son austere jansenisme. Les modeles poetiques que Pascal voyait admirer autour de lui n'etaient pas de nature a le satisfaire.

Il ecrivait ses « Pensees » au temps of/ Ia Preciosite degenerait et triomphait a la fois.

Sauf Corneille - et encore est-il probable que sa magnifique rhetorique ne plut pas toujours a Pascal - per- sonne alors, parmi les ronsardiseurs et les petrarquiseurs, les sonnettistes et les concettistes, les precieux et les burlesques, ne realisait l'ideal de verite et de raison, de simplicite el de natures qu'il se proposait a lui-meme.

Tons ces diseurs de riens, y compris Malherbe et ses disciples qui avaient mis la muse « au pain sec, et a l'eau », et rime souvent des pauvretes, faisaient trop consister la beaute poetique dans l'arrangement des mots et dans un certain jargon convenu (1).

Cela manquait de fond et de consistance.

Il n'y avait pas de quoi satisfaire un esprit qui ne voulait « rien de trop et rien de manque », qui eprouvait un si naturel eloignement pour la grandiloquence et la periphrase; qui concevait le style comme un vetement sans parure.

Il n'y avait pas la surtout de quoi contenter un cceur avilie de se connaitre et de resoudre l'enigme de notre nature, un cceur inquiete des mysteres du monde visible et en proie an tourment de l'invisible. (1) Fatal avait ate mis a is mode par Malherbe.

Le siecle d'or est (Merit dans 1 la houlette de Louis » et le mot merueille revient a tout propos dans les vers de son ecole. révèlent la science pure. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a deux ordres de beautés absolument distincts, que Pascal a eu tort de confondre : Aurait-il donc ignoré l'objet de la vraie poésie? Il est difficile de le croire; autant à cause de son éducation qu'à cause de son génie et de son œuvre.

Mme Périer affirme que son frère étudia les Grecs et les Latins. Nous pou­ vons être assurés qu'avec un maître tel qu'Etienne Pascal, il fut élevé dans le grand goût et apprit à admirer les immortelles beautés d'Homère et de Sophocle, de Virgile et d'Horace. Il avait lu Horace et Rodogune de Corneille, puisqu'il les cite, et sans doute aussi les autres œuvres du poète normand avec lequel sa famille entretint à Rouen les plus cordiales relations. Or, comment supposer qu'il eût été insensible aux sublimes vers de Pôlyéucte? Disons plus, il avait conçu l'amour tel que le conçoit Corneille : son Discours sur les passions de Vamour en témoigne; et il ne fut pas indifférent au théâtre, puisqu'il accuse la « comédie » d'éveiller en nous « le désir de causer les mêmes effets que l'on voit représentés, de recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices. » Et puis, n'a-t-il pas indiqué lui-même la source de la vraie poésie, quand il a écrit : « Lorsqu'un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend » ? N'a-t-il pas donné, sur le style et l'éloquence, quelques préceptes immortels qui prouvent qu'il sentait chez les poètes comme chez les prosateurs, la correspondance étroite de la forme et du fond? Quel livre enfin peut-on concevoir qui soit plus poétique que le sien, d'une poésie tour à tour sombre et désespérée, rayonnante et mystique, où l'homme, ce roseau pensant ballotté entre les deux infinis qu'il ne peut comprendre, est pris de pitié pour ce petit cachot dans lequel il se trouve logé, et de ver­ tige devant le silence éternel des espaces infinis; où le chrétien s'attache obs­ tinément au bois sacré de la croix, contemple avec ivresse le Mystère de Jésus, voit le regard du Sauveur fixé sur lui, et les gouttes de sang couler pour lui? Sainte-Beuve avait bien raison de dire : « Si Pascal n'aimait pas la poésie proprement dite, il n'était pas sans quelque part du génie dramatique. Il avait donc, à un certain degré, la poésie, c'est-à-dire la création par le côté où la physionomie humaine intervient et sert de figure. » De tout cela il faut conclure que Pascal connaissait l'objet de la poésie, puisqu'il en a donné des préceptes et des exemples; et qu'il en sentait les beautés, puisqu'il en portait la source dans son cœur. Comment donc ex­ pliquer ce qu'il en dit dans le passage qui nous occupe? Comment expliquer cet autre jugement : « Les gens universels ne mettent guère de différence entre le métier de poète et celui de brodeur » ? Il y en a, ce semble, trois raisons principales : le mauvais goût des poètes de son temps, sa prédilection pour les vérités scientifiques, et son austère jansénisme.

Les modèles poétiques que Pascal voyait admirer autour de lui n'étaient pas de nature a le satisfaire. Il écrivait ses « Pensées » au temps où la Préciosité dégénérait et triomphait à la fois.

Sauf Corneille — et encore est-il probable que sa magnifique rhétorique ne plut pas toujours à Pascal — per­ sonne alors, parmi les ronsardiseurs et les pétrarquiseurs, les sonnettistes et les concettistes, les précieux et les burlesques, ne réalisait l'idéal de vérité et de raison, de simplicité et* de naturel qu'il se proposait à lui-même. Tous ces diseurs de riens, y compris Malherbe et ses disciples qui avaient mis la muse « au pain sec, et à l'eau », et rimé souvent des pauvretés, faisaient trop consister la beauté poétique dans l'arrangement des mots et dans un certain jargon convenu (1). Cela manquait de fond et de consistance. Il n'y avait pas de quoi satisfaire un esprit qui ne voulait « rien de trop et rien de manque », qui éprouvait un si naturel éloignement pour la grandiloquence et la périphrase; qui concevait le style comme un vêtement sans parure. Il n'y avait pas là surtout de quoi contenter un cœur avide de se connaître et de résoudre l'énigme de notre nature, un cœur inquiété des mystères du monde visible et en proie au tourment de l'invisible.

(1) Fatal avait été mis à la mode par Malherbe. Le siècle d'or est décrit dans « la houlette de Louis » et le mot merveille revient à tout propos dans les vers de son école.. »

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