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Crise personnelle, crise familiale - Juste la fin du monde

Publié le 27/04/2022

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« 12 Décembre 2021 Bien que la pièce Juste la fin du Monde, de Jean-Luc Lagarce, s’impose comme une singularité quelque peu inclassable dans le répertoire théâtral, son intrigue semble prendre ses racines dans une inspiration classique et antique, notamment par le caractère tragique de la crise familiale mise en scène tout au long du texte.

Si cette crise collective résulte d’une incapacité des personnages à se comprendre, c’est certainement à cause des innombrables non-dits, de douleurs inexprimées par chaque membre de la famille: aucun d’entre n’eux n’arrive à parler à voix haute des crises personnelles respectives qu’ils traversent, un malaise qui se traduit par une utilisation abondante d’épanorthoses, signe d’une quête constante - et sans succès - du mot juste. Ainsi, l’on se propose d’étudier la corrélation inéluctable entre crise personnelle et crise familiale dans Juste la fin du Monde, et de comprendre comment ce dénouement dramatique collectif prend ses sources dans des tourments avant tout individuels. Tout d’abord, le motif principal donnant naissance à la pièce est annoncé dans un prologue qui plante immédiatement le décor: l’annonce de sa mort prochaine et inéxorable.

Cette sentence préside comme une épée de Damoclès et représente bien sûr une source de crise personelle de Louis qui, tout au long de la pièce, cherche le bon moment et la bonne manière de prendre la parole.

Cependant, bien que la pièce soit, en apparence, centrée autour de son personnage - de son retour, de sa crise, de son aveu - le lecteur a affaire au cours de la pièce à plusieurs personnages tout aussi essentiels qui vivent, eux aussi, des crises personnelles s’entremêlant à l’intrigue.

Prenons Antoine - d’une certaine manière, le “co-protagoniste” de la pièce - qui, dès ses toutes premières paroles, se détache des autres par sa réticence à participer à la bonne humeur des retrouvailles: en voyant Suzanne embrasser son frère, il maugrée, “On dirait un épagneul.” (P.

I, sc.

1, l.9).

Cette maussaderie semble déjà augurer une vérité qui n’aurait osé être dite à voix haute: Antoine, en réalité, aurait préféré que le “fils prodigue” ne soit jamais retourné au bercail, et ce, en raison de leur rivalité digne du topos des frères ennemis.

Louis, pour lui, représente une blessure de l’enfance: face à un frère prétendant toujours être malheureux, qui “se donnait le beau rôle” (P.

II, sc.

2, l.

169), Antoine semble avoir vécu dans une mentalité de rivalité: “lui et moi [...] on se battait toujours” (l. 161): “on n’est pas trop de deux contre celui-là, tu n’as pas l’air de te rendre compte / il faut être au moins deux contre celui-là” (l.

191-193).

Muré dans une sorte de paranoïa depuis le retour de Louis, il en va même jusqu’à croire que la famille “[fait] front contre [lui]” (l.

203).

De par son désir, nourri de rancoeur, de prouver que Louis “n’est pas totalement bon” (l.

200), la crise personnelle d’Antoine est belle est bien une des sources de la crise familiale sous-jacente profonde qui éclate dans la deuxième partie Si l’exemple d’Antoine est pris, n’importe quel autre personnage aurait pu en réalité faire l’objet d’une conclusion similaire: Suzanne, par son isolement du monde qui devient asphyxiant pour elle, Catherine, par sa nature d’étrangère à la famille et sa mise sous silence constante par son mari, ou encore la Mère, par son désir d’unir la famille qui se révèle infructueuse, car les liens, au contraire, se déchirent progressivement.

En définitive, l’on pourrait imaginer d’autres dénouements ou ce serait Catherine, Suzanne, voire la Mère qui et explose et se met à nu: cette crise familiale singulièrement dramatique, de par son déclin progressif, n’est donc que la somme d’une multitude de crises personnelles qui s’additionnent et s’entremêlent pour former un tout voué au désastre.. »

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