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Fin de partie: ACTE I - DIVISION 4 (Beckett)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Clov. - Et ce pipi ?

Hamm. - Ça se fait.

Clov. - Ah c'est bien ça, c'est bien« (page 51).

Dans l'univers de l'habitude, les cadres du temps deviennent absurdes :

Hamm. - «Qu'est-ce que ça veut dire. Hier!

Clov. - Ça veut dire il y a un foutu bout de misère. J'emploie les mots que tu m'a appris. S'ils ne veulent plus rien dire apprends-m'en d'autres« (page 62).

Hier n'a plus de sens, quand aucun événement n'imprime dans la durée les états successifs d'une évolution. La mesure du temps devient la souffrance, seule réalité accumulée par le temps. Du sens, il ne reste plus que a cette chose« (page 63):

Hamm. - «Qu'est-ce qui se passe ?

Clov. - Quelque chose suit son cours« (page 49).

 

« L'humanité de Beckett est souvent constituée de couples et bon nombre s'occupent à s'entre-déchirer.

Les délicesde la cruauté les distraient de l'ennui et de leur propre malheur.

Hamm est un maître de la torture mentale.

Clov n'aqu'un désir : retourner à la paix de la contemplation hypnotique de son mur.

Hamm n'a qu'un plaisir, l'en empêcher.Ce conflit est au coeur de la pièce.

Hamm trouve dans le langage, le plus disponible des moyens d'oppression : il harcèle Clov qui n'aspire qu'à échapper aux incessantes questions de sonbourreau : «Laisse-moi me taire» (page 62).

Dès qu'il exprime le désir de se retirer, une nouvelle question le retient,ou un ordre : Clov.

— «Je te quitte, j'ai à faire. Hamm.

— Tu te souviens de ton arrivée ici. Clov.

— ...

Tu m'as posé ces questions des millions de fois » (page 55). Clov.

— «Je te quitte. Hamm.

— As-tu jamais pensé à une chose ?» (page 56).

Clov.

— «Je te quitte. Hamm.

— Tu as eu des visions ?» (page 59). Les ordres sont innombrables, l'interrogatif et le jussif sont les modalités dominantes des adresses de Hamm.

Citons,page 61 : «Va me cher-cher la gaffe»; page 62 : «Va me chercher la burette».

Hamm se délecte à demandercomment vont les jambes et les yeux de Clov (pour la deuxième fois, page 63).

Son sadisme culmine lors de sasinistre prophétie, lorsqu'il force «avec volupté» Clov à se représenter le spectre de son avenir, le sien propre, celui d'aveugle paralytique que Clov est en passe de devenir : «...

l'infini du vide sera autour de toi...

Oui, un jour tusauras ce que c'est, tu seras comme moi...

» (page 54).

L'épisode du chien éclaire les rapports de Hamm et de Clov,il révèle quelle apothéose Hamm rêve à leurs relations.

Le chien est par nature l'animal soumis et servile.

Beckett sesert du chien comme un substitut de Clov avec lequel Hamm peut assouvir ses phantasmes de domination : «Il meregarde ? Ou comme s'il me demandait un os.

Laisse-le comme ça en train de m'implorer» (page 59). Abrutissement L'action de la vie, les persécutions de Hamm ont eu pour effet de détruire en Clov toute volonté : «Fais ceci, faiscela, et je le fais.

Je ne refuse jamais.

Pourquoi ?» (page 61).

La soumission, devenue réflexe, a investi soncomportement verbal : Hamm.— «Tu ne penses pas que ça a assez duré ? Clov.

— Si.

Quoi ?» (page 64). Clov commence par acquiescer mécaniquement avant même d'avoir compris une question dont il ne demande le sensqu'après.

Identifiant systématiquement sa parole à celle de Hamm, il refuse le conflit que suppose tout dialogue.

Ilen résulte un curieux dialogue d'acquiescement : Clov.

— «Vous voulez donc que je vous quitte ? Hamm.

— Bien sûr. Clov.

— Alors je vous quitterai. Hamm.

— Tu ne peux pas nous quitter. Clov.

— Alors je ne vous quitterai pas» (page 55). Toutes les potentialités dramatiques s'annulent dans ce rapport d'acceptation.

Avec une desséchante soumission,Clov plie invariable-ment sa volonté à tout impératif extérieur, ceux de Hamm, mais aussi ceux du monde.

Il règleson «vouloir» sur son « pouvoir» : Hamm.— «Tu n'auras pas besoin d'aller loin. Clov.

— Je ne peux pas aller loin» (page 56). Il tend à se fondre à l'ordre extérieur du monde, refuse la dualité, le conflit entre son esprit et son corps, son espritet le monde, sa volonté et celle de Hamm.

Il se laisse glisser dans la vie machinale d'une conscience sans révolte,sans réaction au scandale de la douleur (« pas plus mal que d'habitude »).

Comme beaucoup de personnages deBeckett, Clov a glissé dans un abrutissement insensible en deçà de toute réflexion, il s'est réfugié dans une viemécanique : on a remarqué le disfonctionnement dont il semble atteint (la pantomime d'ouverture, le numéro avecl'escabeau et la lunette). Pourtant, on voit poindre les signes d'une rébellion, il ment à propos de la couleur du chien, s'emporte de plus enplus fréquemment, avec violence, l'emporte finalement dans son refus de graisser les roulettes.. »

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