La prose au XVIIIe siècle : Comparer la prose du xviiie siècle à celle du siècle précédent
Publié le 10/02/2012
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Le XVIIIe siècle, qui s'est posé comme réformateur en politique, s'est dit,
en littérature, fidèle à la tradition des maîtres de l'âge précédent, et il crut
ne s'en être pas écarté parce qu'il en accepta la langue et les genres. Toutefois,
cette fidélité n'est que très relative. Elle ne doit pas s'entendre des
sujets traités : les préoccupations des deux époques étaient trop différentes
pour que l'opposition des tendances ne se manifestât pas dans leurs oeuvres
littéraires. Quant à la forme, l'expression, la manière d'écrire, elle se ressentit
de la transformation politique et sociale qui se préparait dans la
révolution des idées. Laissons de côté la poésie, où le xviiie ...
«
tesquieu; les autres s'en tiennent à l'expression correcte et contenue, à la
simplicité naturelle de la vérité.
A
mesure que le XVIII" siècle s'avance, la phrase perd, non sans retour
possible, l'allure cicéronienne; et parce que les meilleurs esprits font œuvre
de savants, ils recherchent, pour l'exposition de leurs thèses ou de ·leurs
utopies, la clarté qui sacrifie la pompe au désir de se rendre intelligible à
tous.
Les
grands écrivains du xvii" siècle ne pèchent certes pas par obscurité;
mais leur naturel ne va pas sans quelque solennité.
De Descartes à La
Bruyère, la pensée française gagne, non en profondeur ni en puissance
philosophique, mais en vivacité, en brusque énergie; avec Voltaire, le mou
vement s'accentue, pour aboutir avec Beaumarchais à l'exagération du trait
caractéristique.
La raison en est qu'il s'est accompli dans les idées une cons
tante progression vers des principes opposés à ceux reconnus jusqu'alors;
et parce que l'idée fait l'expression à son image, le style est devenu, de plus
en plus, une arme de combat.
Chez Pascal et Bossuet, les pensées sont graves,
solennelles, sublimes;
la phrase s'élargit à leur mesure et retient quelque
chose de leur sérénité.
~
Le XVIII" siècle, au contraire, sourit ironiquement; il se fait habile à
décocher l'épigramme : à quoi lui servirait l'ample période, semblable à ce
filet dont le lutteur antique enveloppait son adversaire pour l'attirer à soi?
Un arc suffit.
Parfois cependant, la pensée s'élève; mais la phrase a ses
habitudes et, comme dans le Siècle de Louis XIV, elle y reste fidèle.
Si elle
y déroge,
c'est pour côtoyer chez Jean-Jacques Rousseau le déclamatoire
et le tendu; rarement elle l'évite, ce à quoi elle réussit toutefois avec Mon
tesquieu et Buffon.
En général, les œuvres manquent de profondeur.
Pascal
et Bossuet font penser; Voltaire se garde d'appuyer; il glisse.
C'est sa loi
et la cause de son infériorité.
Mais le cœur, dont on parle tant alors, ne va-t-il pas échauffer cette prose
trop spirituelle? - Non; et à presque tous les auteu.rs du XVIII" siècle, on
pourrait reprocher, comme à Fontenelle, d'avoir encore de la cervelle à la
place du cœur.
Pascal est éloquent jusqu'en ses libelles, et Bossuet ne peut
contenir son ardeur qui déborde en flots de vraie poésie; Voltaire ne croit à
rien : c'est un visage où manque le rayonnement de l'inspiration.
Sans
doute, quelques auteurs, Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre,
font exception par la chaleur avec laquelle ils défendent ce qu'ils aiment;
mais l'étonnement même de leurs contemporains en présence de cette
sympathie communicative ne marque que mieux combien ils y étaient peu
habitués.
Bien différentes, en effet, sont les idées du xvii• et du XVIII" siècle sur l'art
littéraire.
Les grands classiques sont, avant tout, serviteurs de la vérité.
qu'ils exposent avec conviction, mais avec un respect qui atténue les cou
leurs trop voyantes; les prosateurs du XVIII" siècle, - s'ils ne sont pas
encore des hommes de lettres faisant métier d'écrire, - demandent à leurs
œuvres la réputation subite et bruyante.
La plupart ignorent la lente élabo
ration qui ordonne l'ouvrage en un tout logique; ils ne savent plus composer..
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