Devoir de Philosophie

La Vie antérieure (Spleen et Idéal)

Publié le 02/03/2011

Extrait du document

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques

Que les soleils marins teignaient de mille feux,

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. Les houles, en roulant les images des deux,

Mêlaient d'une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,

Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs, Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,

Et dont l'unique soin était d'approfondir

Le secret douloureux qui me faisait languir. (Spleen et Idéal)

► Le titre La Vie antérieure contient le poème. Le substantif vie renvoie à une forme d'existence définie comme un rapport de plénitude et d'harmonie entre l'esprit, les sens et le monde. L'adjectif antérieure inscrit ce bonheur dans un temps révolu et dont l'éloignement induit une nostalgie insidieuse dont le poème dit le prix et la jouissance toute particulière. La dimension perdue du bonheur ne s'accompagne donc pas de plainte et d'angoisse. Tout au contraire, elle est ici établie comme la certitude d'une expérience heureuse d'initiation et de révélation. Cette expérience est le signe d'une âme pleine qui peut dire l'éblouissement d'avoir connu comblement et idéal. Le poème et l'écriture ont pour fonction d'en désigner les contours.   

« • l'emploi du pluriel ; mille feux couleurs du couchant • soleils marins les références au luxe et à la magnificence dont l'énumération renforce l'abondance. riches • splendeurs • azur • palmes • esclaves La complexité du bonheur baudelairien Les éléments qui construisent le décor sont associés à des sensations qui témoignent de la sensibilité qui lie lepoète à l'univers. teignaient • imprégnés • rafraîchissaient Les éléments et les êtres entretiennent entre eux des correspondances, notamment visibles dans la strophe 2dont la progression se fait au rythme des fusions et des analogies et en assurant le comblement de tous les sens. roulant les images • mêlaient • accords • reflété • images • musique • accords • rendaient pareils Les prépositions et locutions prépositives insistent sur un rapport entre moi et le monde fondé sur une plénitudeet une possession exclusive et privilégiée. sous • dans • au milieu de Plaisir du corps et délices de l'âme vont de pair. mystique • voluptés Le système verbal va dans le sens de cette complexité : • le passé composé définit l'idéal tout en le disant révolu, j'ai habité • j'ai vécu • adverbes et imparfaits introduisent l'impression d'une durée épanouie et enchanteresse qui guide le ton denostalgie sereine qui anime le poème. longtemps • teignaient • rendaient • mêlaient • rafraîchissaient • faisait • était Le bonheur est donc indissociable du tourment : l'énigme de la plénitude enchante et blesse tout à la fois. secret douloureux Le poème s'achève sur un infinitif suggestif : paresse du corps et extase anxieuse d'une âme à jamais insatisfaite. languir Ainsi dans ces années charnières, un autre Baudelaire commence à se faire jour, le Baudelaire que nousconnaissons, bohème, provocateur, prodigue, débauché, dandy.

A vrai dire, la rupture avec les valeurs représentéespar le milieu familial ne sera jamais totale et si l'on peut faire état, à partir de sa dix-huitième année, d'une limite quidépartage deux personnalités antinomiques, l'auteur des Fleurs du Mal maintiendra jusqu'au bout une simultanéitédéconcertante entre des attitudes inconciliables, dont pourtant il assumera avec une aisance d'équilibriste ladouloureuse contradiction.

S'il y a une énigme de Baudelaire, elle est dans cette fissure qui restera toujours béanteet que sa poésie au lieu de tenter de colmater n'aura de cesse d'aggraver, d'« approfondir ».

Ce mot, tel qu'ilapparaîtra plus tard dans l'un des poèmes les plus célèbres des Fleurs du Mal, « La vie antérieure », exprime fortexactement par son ambiguïté cette difficulté d'être : «J'ai longtemps habité sous de vastes portiquesQue les soleils marins teignaient de mille feux,Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,Rendaient pareils le soir aux grottes basaltiques.Les houles, en roulant les images des cieux,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles