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Le mouvement DADA (Histoire de la littérature)

Publié le 22/11/2018

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histoire

DADA (le mouvement). Il n’est pas surprenant que la guerre de 1914-1918 ait porté à leur paroxysme les sentiments de méfiance ou d’hostilité que de nombreux intellectuels éprouvent à l’égard de la classe dirigeante de la société et qui se manifestent surtout, depuis la fin du XIXe siècle, dans les milieux artistiques et littéraires d’avant-garde. Cette « crise de l’Esprit » dont parlera Valéry en 1918, et qui, pour beaucoup, apparaît, comme à Spengler, liée au « déclin de l’Occident », est la cause profonde d’un mouvement comme le mouvement dada, qui voit le jour à Zurich en 1916 — l’année de la bataille de Verdun —, affirme et clarifie ses objectifs en 1918, décline puis disparaît à partir de 1923. Durant ces sept années, en Suisse, à New York, à Paris, à Berlin, Cologne ou Hanovre, il fera souffler sur l’establishment littéraire et artistique le vent d’une contestation radicale que certains feindront de dédaigner en la considérant comme infantile mais qui suscitera chez beaucoup des réactions de rejet ou d’adhésion dont l’intensité passionnelle montre qu’ils en saisissaient l’enjeu.

 

Au départ, à l’époque du cabaret Voltaire fondé par Hugo Bail, un révolutionnaire allemand émigré, cette contestation emprunte encore beaucoup, pour s’exprimer, à l’avant-garde dite futuriste ou cubiste, et, aux côtés de Tzara, Hans Arp, Richard Huelsenbeck, on trouve Apollinaire, Picasso, Cendrars, Modigliani, Mari-netti, Kandinsky, Duchamp ou Picabia dans leurs premières publications. Cependant, Dada, c’est déjà le refus du formalisme, fût-il novateur, et toute une conception du spectacle et de l’écriture qui, en s’inspirant de la musique, de la danse et des chants africains ou océaniens, vise à « fournir la preuve que la poésie est une force vivante sous tous les aspects, même antipoétiques, l’écriture n’en étant qu’un véhicule occasionnel, nullement indispensable, et l’expression de cette spontanéité que, faute d’un qualificatif approprié, nous appelions dadaïste » (Georges Ribemont-Dessaignes, interview radiophonique, mai 1950). Les fameuses soirées dada, au cours desquelles sont « joués » des textes comme ceux qui constitueront les Vingt-Cinq Poèmes de Tzara (1918), ne sont donc pas essentiellement destinées à faire scandale — même si elles ont paru n’avoir que cette fonction aux yeux de beaucoup —, mais à concrétiser cette volonté d’abolir le traditionnel cloisonnement des genres et des arts, de créer, à partir de mots familiers ou de mots inventés, une sorte de langage total, un discours dont le pouvoir communicatif ne passe plus par la logique mais par un rythme pulsionnel qui libère l’énergie vitale du locuteur :

 

clrg grtl gzdr la fatigue le pied verre dans le nerf une unie gazomètre sacerdotal épilatoire et mieux ci-gît fait triple os n'a à dada ibidilivizi rizididi planche simili galvanoplastie ra ga ta

ribaldi

 

course

 

sifflet d'encre jaune

 

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(Tzara, « Défilé fictif et familial »)

 

De la même manière, sur le plan typographique (comme en témoignent surtout les revues dadaïstes : Dada, Cannibale, 391, Manomètre, pour ne citer que quelques-unes des plus caractéristiques), l’utilisation de caractères d’imprimerie extrêmement variés, une mise en pages souvent éclatée, le mélange des textes et des graphismes, les collages ou les montages de mots ou d’images, en bouleversant les critères habituels de la lisibilité, ont manifestement pour objectif de traduire visuellement le côté résolument agressif de cette explosion libératrice des possibilités d’expression de l’individu.

 

En 1918, le Manifeste dada publié par Tzara, en dépit de ses dénégations (« J’écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes »), montre bien qu’une telle démarche repose sur toute une philosophie de l’homme et de la vie qui n’est pas sans rappeler certaines des thèses de Nietzsche ou de ses épigones. En effet, pour Tzara, s’il s’agit de « détruire les tiroirs du cerveau et ceux de l’organisation sociale », de « démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer », c’est afin que des « hommes nouveaux, rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets » puissent créer sans restriction des œuvres qui n’arriveront pas «jusqu’à la masse vorace... Connaissance d’un suprême égoïsme où les lois s’étiolent ». « Il nous faut, écrit-il plus loin, des œuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises », « œuvres sorties d’une vraie nécessité de l’auteur et pour lui » et qui, faisant fi des « complications » de la logique ou du « penchant pleurnichard » qui le paralysent, oseront proclamer sa liberté : « Liberté : Dada Dada Dada, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : la Vie ».

 

Ainsi, malgré la prose quelque peu convulsée du texte, le propos de Tzara est clair : donner à chacun l’envie et le courage d’assumer sa subjectivité sans se préoccuper des normes et des conventions esthétiques ou morales qui sont à la base de ce que la société, à chaque période de son histoire, déclare appartenir au domaine de l’art. « L’art est un édifice public. Tous les édifices publics sont à la gloire de la mort. Ils sont tous appuyés sur le passé par essence même. Et l’essence même de l’existence est l’existence. Tous les hommes dans le privé construisent : c’est le jeu. Il ne s’agit là que de vivre. Dès que la construction est rendue publique, elle devient collective par assentiment, elle devient temple. On y célèbre des mystères. Il y règne une odeur de charogne » (G. Ribemont-Dessaignes). « L’art est une chose privée, l’artiste le fait pour lui; une œuvre compréhensible est produit de journaliste » (Tzara). Dans cette perspective, il va de soi que non seulement les écoles, les académies, les mouvements et les théories qui les justifient sont inutiles et néfastes, mais aussi que, dans la mesure où « une œuvre d’art n’est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous, la critique est inutile, elle n’existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité » (zJ.). En d’autres termes, pour les dadaïstes, la notion de valeur doit cesser d’être relative à l’objet créé et de servir à le classer dans une hiérarchie, pour s’appliquer uniquement à l’acte créateur lui-même, à la sincérité et à la spontanéité dont il fait preuve : « La beauté ou la laideur ne nous paraissent pas nécessaires. Nous nous sommes toujours autrement souciés de la puissance ou de la grâce, de la douceur ou de la brutalité, de la simplicité ou du nombre » (Eluard).

 

En définitive, on voit que le fameux « dégoût dadaïste », la dérision ou la révolte qui s’expriment si souvent d’une manière paroxystique dans les manifestes de Tzara et de ses amis (« Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l’individu s’affirme après l'état de folie agressive, complète, d’un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siècles ») ne sont que les corollaires d’un intense besoin de pureté et d'une recherche passionnée de l’authenticité qui allaient trouver dans le surréalisme une autre manière de s’exprimer, du moins chez certains.

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« souciés de la puissance ou de la grâce, de la douceur ou de la brutalité, de la simplicité ou du nombre » (Éluard).

En définitive, on voit que le fameux «dégoût dadaïste», la dérision ou la révolte qui s'expriment si souvent d'une manière paroxystique dans les manifestes de Tzara et de ses amis ( « Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir.

Balayer, nettoyer.

La propreté de l'in di vi du s'affirme après l'état de folie agressive, complète, d'un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siè­ cles ») ne sont que les corollaires d'un intense besoin de pureté et d'une recherche passionnée de l'authenticité qui allaient trouver dans le surréalisme une autre manière de s'exprimer, du moins chez certains.

[Voir SUR· RÉALISME].

A cet égarù, les raisons pour lesquelles le groupe Littérature a participé avec enthousiasme à l'aventure dada puis celles qui l'ont amené à rompre avec Tzara ne laissent pas d'ètr� éclairantes.

En effet, à la fin de 1919, Breton, Aragon, Eluard, Soupault commencent à se sentir pris au piège d.

une institution littéraire que les hardiesses très relatives de leurs revues ne peuvent guère inquiéter.

Ils sont « las de voir juger pêle-mêle sur le même plan les auteurs dits d'avant-garde et( ...

) aussi de faire bon gré mal gré figure de suiveurs du cubisme littéraire», et, «conscients des différences fondamentales qui les sépa­ rent de leurs dl!vanciers », ils se déclarent décidés «à ne plus laisser croire par leur silence qu'ils approuvent le petit esprit puéril qui domine les controverses littéraires», et > organisé en 1922 par Bre­ ton, qui veut s'attribuer un« rôle d'observateur impartial et de liquidateur>> (M.

Sanouillet) et à qui les dadaïstes reprochent pr(:cisémcnt son penchant pour la critique historique et classificatrice, son désir de chercher des antécédents à ..:.et esprit moderne et son admiration sans bornes pour ceux qu'il juge être des précurseurs (Rim-baud, Lautréamont.

..

).

L'année suivante, la rupture sera définitive (la représentation du Cœur à gaz de Tzara provoquera de violentes bagarres), et, alors que les uns accuseront le surréalisme de. »

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