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Les Liaisons dangereuses, un roman polyphonique

Publié le 06/12/2019

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liaisons dangereuses

La diversité des styles

 

Spontanéité et authenticité

 

Les Liaisons constituent un véritable exercice de style. À l'insolence d'Azolan (CVII), Laclos oppose le zèle respectueux de Bertrand. Le style pondéré et déclamatoire du prêtre CCXXIII) rappelle les premières épîtres de la dévote, tandis que Mme de Volanges se réfugie dans le prêche moralisateur. Le style élégant et rigoureux

 

de Mme de Rosemonde évoque les moralistes de la fin du siècle passé. Laclos dissocie

 

les voix des jeunes amants. Si Danceny recourt à une faconde lyrique qui annonce le

Les Liaisons dangereuses

Pierre-Ambroise-François Choderlos De Laclos

liaisons dangereuses

« 10 4 prér omantisme, l'expression de Cécile est entachée de maladresses : in correc tions, répéti tions, vocabulaire restreint, syntaxe gauche.

Le style de Mme de Tourvel subit une véritable métamorphose.

Délaissant la rhétorique des sermons, elle découvre le langage de la passion, s'élevant vers la dignité tragique : « Ce malheur me manquait, et je sens que je suis née pour les éprouver tous.

» Duplici té et fausse té Les personnages manipulés se focalisent sur eux-mêmes.

Les mystif icateurs consid èrent la lettre comme un moyen d'action, qu'ils chargent d'intentions : «Quand vous écrivez à quelq u'un, c'e st pour lui et non pas pour vous » (CV).

Les roués ont à leur disposition autant de styles que de visages.

Valmont aime à pratiquer la double énonciation.

Le discours qu'il adresse à la dévote - « Peut-êt re l'action [ ...

]perdrait­ elle tout son prix à vos yeux, si vous en connaissiez le véritable motif » -instruit une complicité avec Mme de Merteuil.

Celle-ci excelle dans le persiflage.

Le libertin possède un dernier atout : cont refaire la voix.

Les lettres CXVII et CL VI de Cécile à Danceny sont dictées par Valmont.

Au « diligent lecteur», aurait dit Montaigne, de reconna ître la voix naturelle de son double parodique, sachant que Laclos se lance comme un défi dans ce jeu de mimésis.

Ill.

L'art du contrepoin t Une esth éti que du contras te et de la drama tisation Laclos est attentif à l'ordre des lettres : entre le manuscrit et la publication, certaines sont déplacées.

Il peut jouer sur l'opposition entre deux lettres ayant deux destinataires différents : Mme de Merteuil fait l'éloge de Gercourt à sa cousine (CIV) et conseille à Cécile de fréquenter Valmont (CV).

Il peut établir un contraste entre deux voix : dès l'ouverture, le lecteur perçoit la naïveté de Cécile, immédiatement supplant ée par la maestria de la marquise.

Ces effets proviennent parfois de la situa­ tion des scripteurs : à l'assurance de Valmont - « Ma farouche dévote courrait après moi » (XCIX) -, succède, après le départ de Mme de Tourvel, l'indignation annonçant Figaro -« Ô femmes, femmes ».

Sub jectivité et relativité Chaque scripteur donnant son point de vue sur lui-même et son entourage, la sai­ sie des êtres et des événements paraît parcellaire, le témoignage fragile et incomplet.

Cette manière de consi dérer le cercle étroit des connaissances confère une impression de monde resserré que le film traduit avec justesse par le retour en des lieux déjà connus.

Par l'écriture épistolaire, le romancier cherche un effet de réalité auquel le public de l'époque, las de la fiction, aspirait.

Ce pari en fav eur du réel rejoint l'esthé­ tique du drame bourgeois et la veine autobiographique.

La vérité est saisie fragmen­ tairement, sans que l'individu puisse discerner le sens de son parcours.

Alors que Rousseau conçoit une œuvre harmonique, fondée sur l'épanchement lyrique, Laclos recherche contrastes et dissonances.

Tels les libertins, il pro jette des combinaisons savantes.

Le scénariste épure cette trame sans la banaliser.

Excluant certains protagonistes du roman, il dramatise son projet, afin que tout gravite autour des roués.. »

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