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REVUE DES DEUX MONDES (Histoire de la littérature)

Publié le 01/12/2018

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histoire

REVUE DES DEUX MONDES. Doyenne de nos revues littéraires, la Revue des Deux Mondes paraît sans interruption depuis plus d’un siècle et demi; elle joua dans la vie culturelle française un rôle considérable d’incitation, de réflexion, ainsi que de liaison avec les civilisations étrangères. Elle a sans doute pris quelques rides depuis ses enfances romantiques et sa ferme maturité; le goût de l’ordre, le sens de la tradition, la sagesse de l’âge peu à peu l’ont emporté sur les enthousiasmes et l’intuition du mouvement qui caractérisaient sa jeunesse. Jadis organe d’un groupe librement réuni pour promouvoir une nouvelle esthétique, elle est devenue une institution respectable.

 

Les hasards des origines

 

Fondée en août 1829 par Prosper Mauroy et Ségur-Dupeyron, d’abord consacrée à la politique, à l’économie et à l’histoire, la Revue des Deux Mondes absorbe en 1830 le Journal des voyages, s’adjoignant ainsi des articles de géographie; elle est rachetée, la même année, par l’imprimeur Auffray, qui prend comme collaborateur un jeune Savoyard, François Buloz; celui-ci deviendra, en 1831, le rédacteur en chef, puis le propriétaire principal de la revue; il en est le rénovateur et, véritablement, l’« inventeur » : sans instruction ni éducation régulièrement acquises, brutal, bourru, autoritaire, il met une sorte de génie à réunir autour de lui les meilleures plumes, à résister aux pressions internes à la rédaction ou aux sollicitations externes qui amoindriraient son indépendance; en respectant la diversité de chacun, il maintient la cohérence d’une ligne politique et littéraire, et assure la continuité d’un point de vue global.

 

Buloz hérite d’un instrument spécialisé qui ne fait guère de place à la littérature proprement dite; saisissant l’occasion qu’offrent la révolution de Juillet et l’effervescence intellectuelle qui la suit, comprenant qu’une redistribution générale des cartes exige des organes nouveaux, il reprend, en l’adaptant, l’ambition encyclopédique du Globe. La vogue des keepsakes [voir Keepsake], des journaux pour les dames le conduit à publier poèmes, nouvelles, récits de voyages; l’émergence d’un public sérieux, formé par la toute nouvelle Université, commande des articles développés, parfois sévères, pour vulgariser une information fondamentale dans tous les domaines des lettres et des sciences humaines. D’où un caractère mixte de miscellanées, à l’exemple des grandes revues anglaises, à mi-chemin entre la frivolité de la Revue de Paris (fondée en 1829) et l’austérité de la Revue encyclopédique (fondée en 1819) ou de la doctrinaire Revue française (1828-1830) : peu d’échos, de potins ou de polémiques personnelles; de copieuses études, une critique grave et argumentée, des extraits littéraires significatifs.

 

L'âge de Buloz (1831-1877)

 

Jusqu’à sa mort, en 1877, François Buloz impose à sa revue une orientation audacieuse, souvent novatrice; en s’attirant d’éclatantes collaborations ou de solides

 

concours, il en assure l’intérêt et la maintient à la pointe de la vie littéraire. Sous la monarchie de Juillet, Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Balzac, Vigny, George Sand, Stendhal, Mérimée y publient des articles, ou des fragments de leurs ouvrages. Le rapprochement, puis la fusion avec la Revue de Paris attirent les talents plus jeunes et primesautiers de Gautier et de Nerval. La critique littéraire y est exercée par le cosmopolite Jean-Jacques Ampère, le méthodique et dogmatique Gustave Planche et, surtout, par Sainte-Beuve, qui publie dans la revue la plupart de ses « portraits littéraires » et tente de définir, au milieu des remous parisiens, un idéal de mesure, d’intelligence éclairée pour intégrer en un nouveau classicisme les acquis formels, affectifs et thématiques du romantisme : « Nous ne cesserons, nonobstant toute avanie, de croire obstinément à la vie cachée, aux Muses secrètes et à cette élite des honnêtes gens et des gens de goût qui se rend trop invisible à de certaines heures, mais qui se retrouve pourtant quand on lui fait appel un peu vivement et qu’on lui donne signal » (la Revue en 1845). Ouverte aux littératures étrangères, aux doctrines sociales nouvelles, la revue s’oppose à l’industrialisme naissant, à l’esbroufe et au bluff, aux excès de l’école hugolienne.

 

Sous le second Empire, l’antérieure coloration « centre gauche », maintenue, place la revue dans une opposition modérée, orléaniste et libérale. Sainte-Beuve, rallié au régime, n’y collabore plus, mais Baudelaire y publie près de trente pages de vers en 1855, et les noms de Leconte de Lisle, de Fromentin, de Taine, de Renan, de Fustel de Coulanges s’y rencontrent. Les articles sur l’étranger se multiplient : Tourgueniev est révélé au public français, et la princesse Belgiojoso envoie des « Impressions d’Orient » et des études sur la littérature italienne. Toutefois, en cette période moins littéraire où les mutations technologiques s’accélèrent, la revue, fidèle à sa nature originelle, refuse l’illustration qui envahit les magazines populaires, et elle cesse de militer en première ligne : le réalisme et le Parnasse se constituent en dehors d’elle. L’observation et la réflexion y prennent le pas sur la création et l’analyse immédiate des innovations esthétiques.

 

Les règnes de Brunetière et de Doumic (1877-1937)

 

En 1875, Brunetière entre à la Revue-, il en deviendra directeur en 1894 (il restera douze ans à ce poste), mais son rôle est déjà prépondérant sous l’administration de Charles Buloz (1877-1894), qui succède à son oncle François : c’est l’époque où collaborent les romanciers Guy de Maupassant, Bourget, Anatole France, les historiens Albert Sorel, Gaston Boissier, Joseph Bédier, les poètes Coppée et Heredia. Melchior de Vogüé y publie, à partir de 1883, les célèbres articles qu’il réunira en 1886 sous le titre le Roman russe : ils constituent pour les Français une révélation capitale et, à l’apogée du naturalisme, traumatisante. Après l’interrègne de Francis Charmes (1906-1915) vient le long magistère de René Doumic (1916-1937), qui réussit à attirer Pierre Loti, Barrés, Henry Bordeaux, François Mauriac, Gabriele D’Annunzio, Joseph Conrad, pour ne citer que quelques noms.

 

Il est significatif que Brunetière et Doumic, universitaires, professeurs, historiens de la littérature, aient succédé à Buloz, autodidacte tout intuitif. Désormais, la Revue glisse insensiblement vers un libéralisme conservateur, où elle s’installe tout à fait après la Grande Guerre; éloignée des audaces et des avant-gardes — les mouvements postsymbolistes, le cubisme, l’expressionnisme ou le surréalisme —, elle est concurrencée par des organes plus vivement engagés, tels la Revue blanche

histoire

« ( 1889-1903), le Mercure de France (fondé en 1890), la Revue de Paris (1894-1970) ou la Nouvelle Revue française (fondée en 1908), et elle s'en trouve encore rejetée vers la « droite >> : la défense des valeurs tradi­ tionnelles de raison, d'ordre, de clarté qui constituent l'héritage du classicisme; la June contre les formes sub­ versives ou contre l'irruption des violences irrationnelles dans le champ littéraire.

La Revue aujourd'hui Après la dernière guerre, la Revue des Deux Mondes a vu son importance culturelle diminuer : ses fameux dîners, qui attiraient autrefois l'élite des lettres et de la politique, ont perdu de leur splendeur; sa clientèle se recrute presque exclusivement dans l'establishment bourgeois; J'histoire, la réflexion politique, sociale ou économique, les chroniques scientifiques tendent à l'em­ porter sur la littérature.

Pourtant la revue reste attachée à mainte orientation initiale: largement ouverte sur J'ex­ térieur, elle a publié -et fait connaître en France - plus d'un talent étranger (tels Daphné du Maurier, Pearl Buck, Ventura Garcfa Calderon, Salvador Reyes ...

); elle a compté des rédacteurs célèbres, tels que Jules Romains, Jean Cocteau, Marcel Pagnol, Paul Vialar, Henri Troyat, Jean Orieux, Jean Pommier ...

Tout à fait à l'écart, désor­ mais, des vicissitudes et des incertitudes de la chaude actualité littéraire, conservatrice, aimable, tolérante, devenue un vénérable monument qui témoigne de la per­ manence des vertus classiques et d'une tradition éclairée, elle poursuit une existence paisible, immuable, insensi­ ble aux modes ou aux engouements éphémères.

[Voir aussi REVUE S LITIÉRAIRES].

BIBLIOGRAPHIE Les Fêtes du Centenaire, Paris, Revue des Deux Mondes.

1929; Gabriel de Broglie, Histoire politique de la Revue des Deux Mondes, Paris, Perr in, 1979; Nelly Furman, la Revue des Deux Mondes et le romantisme, Genève, Dro z .

1975; Marie ­ Louise Pailleron, François Bu/oz et ses amis, Paris.

Calmann­ Lévy.

1919.

O.

MADELÉNAT REVUES DE POÉSIE.

Les revues, grandes et petites, constituent pour chaque époque un témoignage vivant de la vie littéraire.

Si les grandes, celles qui durent et acquièrent une dimension pour ainsi dire officielle ou institutionnelle, en viennent le plus souvent à refléter une génération plutôt qu'à agir, voire à bouleverser dans le sens de la découverte, les petites, dans la plupart des cas, forment le creuset d'une littérature au jour le jour en train de se faire.

Audaces, enthousiasmes, ami­ académisme, volonté et quête d'autre chose s'y côtoient.

« La Poésie ne rythmera plus l'action, elle sera en avant» : cette affirmation de Rimbaud pourrait servir d'exergue à nombre d'entre elles, qu'un tel vœu soit ou non explicité dans un texte liminaire.

Ainsi, lors de son discours de réception à l'Académie française, Valéry disait : «Ces petites églises où les esprits s'échauffent, ces enceintes où le ton monte, où les valeurs s'exagèrent, ce sont de véritables laboratoires pour les lettres [ ...

] et les seuls laboraLOires permettent de réaliser les tempéra­ tures très élevées, les réactions rarissimes, le degré d'en­ thousiasme sans quoi les sciences ni les arts n'auraient qu'un avenir trop prévu».

Prenons garde, toutefois, aux illusions rétrospectives ou même prospectives.

Bien que la notion d'avant-garde, et par suite celle de revue d'avant-garde.

ait un sens pour certaines époques, il ne faut peut-être pas vouloir à tout prix dégager systémati­ quement des orientations nettes pour chaque revue.

Si elles vont à l'encontre d'« un avenir trop prévu», sans doute convient-il de ne pas les lire ou les relire en y cherchant justement les prévisions d'un avenir précis.

Si elles jouent l'avenir, c'est avant tout au présent, dans la mesure où elles sont à la fois les témoins et les acteurs d'aujourd'hui.

Ce type de publications se développe considérable­ ment à partir du x1x• siècle, avec des périodes de plus ou moins grands dynamisme et prolifération.

L'époque actuelle semble, à cet égard, particulièrement riche.

Ainsi, les éditions Jean-Michel Place ont réalisé, en 1979, une enquête qui n'a pas dénombré moins de 250 revues existantes.

La même enquête, refaite en 1983, en compte 548, soit plus du double.

Autrement dit, aucun état présent n'est tout à fait possible puisque le phéno­ mène concerné évolue plus vite que tout recensement éventuel.

Il ne saurait donc être question de mentionner toutes les revues qui existent ou ont existé : il y en a trop et beaucoup d'entre elles sont susceptibles d'avoir disparu au moment même où 1' on cherche à les inventorier.

Cependant, la revue dite «de poésie» paraît être un phénomène relativement récent qui se constitue comme prolongement et différence par rapport à la plus ancienne et traditionnelle « revue littéraire».

A cet égard, les publications qui se situent dans la mouvance du surréa­ lisme jouent un rôle décisif.

Mais si la revue de poésie est bel et bien une réalité actuelle, remonter de la consta­ tation empirique de l'existence du phénomène à sa défi­ ni ti on est chose malaisée.

Pour cerner ce qu'est une revue de poésie, il importerait en effet de pouvoir répon­ dre à la question : qu'est-ce que la poésie? Plus que jamais sans doute, cette question est ardue et il semble que la prolifération actuelle des revues qui se réclament de la poésie soit proportionnelle aux difficultés que sou­ lève une telle réponse.

A partir de là et au-delà, il est tout de même possible d'esquisser une description glo­ bale, voire une typologie des revues de poésie contem­ poraines.

Les mots et les noms Pour déterminer, sinon ce qu'est une revue de poésie, en tout cas quelles revues sont des revues de poésie, l'on peut tout d'abord se fier à la terminologie qu'elles utilisent pour se désigner : titres, sous-titres ou textes de présentation offrent un premier point de repère.

Or l'apparition massive, dans ce domaine, du terme « poé­ sie » ou de ses dérivés est un fait récent et qui prend de l'ampleur.

Dès 1939, P.

Seghers fonde une revue qu'il intitule Poètes casqués, puis P.C.

40 et enfin Poésie 40, 41, etc.

Mais ces publications disparaissent après la guerre et c'est surtout à partir des années 70 que le moL poésie fournit matière à un grand nombre de titres de revues, comme, par exemple, Poésie 1 (n° 1 : 1969), Poé­ sie présente (n° 1 : 197 1 ), Poésie (n° 1 : 1977, fondé par M.

Deguy), le Poémier (n° l : 1978), Poémonde (n° 1 : 1978), la revue Poésie de P.

Seghers qui reprend depuis 1984, etc.

Le même phénomène se produit pour les sous­ titres : Prisme (n° 1 : 1976) est une « revue de création et de recherche poétique », la Sape (n° 1 : 1975) une «revue d'expression poétique», Solaire (n° 1 : 1973) une. »

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