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Tocqueville (1805-1859) écrivait à propos des lecteurs de son temps : « Ils ont besoin d'émotions vives et rapides, de clartés soudaines, de vérités ou d'erreurs brillantes qui les tirent à l'instant d'eux-mêmes... » Vous reconnaissez-vous dans ce type de lecteur ?

Publié le 30/03/2011

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tocqueville

   L'écrivain, à moins qu'il ne soit guidé par un souci commercial, n'écrit pas en fonction d'un public déterminé. Néanmoins, définir un certain « profil « de lecteur est intéressant, au niveau individuel tout d'abord, car connaître nos goûts à travers la lecture nous permet de nous mieux percevoir et historiquement ensuite, car cela peut indiquer des permanences ou au contraire des changements dans la psychologie du lecteur. Suis-je, par exemple, comparable aux lecteurs définis par Tocqueville dans la première moitié du XIXe siècle : ai-je « besoin d'émotions vives et rapides, de clartés soudaines, de vérités ou d'erreurs brillantes qui [me] tirent à l'instant de [moi-même] ? «

tocqueville

« intellectuellement honnêtes, qu'elles apportent une authentique réflexion et non un vain brassage d'idées, unclinquant de mauvais aloi, enclin à séduire au mauvais sens du terme.

Méfions-nous de ces essais apparemmentbrillants qui, en réalité, ne font que développer avec quelques variantes un même paradoxe dénué d'intérêt, de cesfausses audaces artistiques qui choqueraient à peine un bourgeois caricaturé par Daumier...

Romans à la mode,petits essais creux et répétitifs permettent justement de percevoir la différence avec d'authentiques ouvrages derecherche.

Au faux brio, je préfère alors les œuvres volontairement ternes, qui puisent leurs personnages, leursintrigues, et parfois même leur style, dans l'absolu quotidien.

A la lecture de ces œuvres, nous nous retrouvons,mais notre réalité est transfigurée, quoique toujours présente, par le pouvoir d'analyse de l'auteur.

Les romans enton mineur de Patrick Modiano, l'infinie souffrance murmurée de La Dentelière de P.

Lainé, la blessure des héros deLa Vie fantôme de Danièle Sallenave appartiennent à cette catégorie.

C'est notre vie, telle qu'un véritable auteur,sans clinquant, sans concession à la facilité, à l'emphase, peut la retranscrire en évitant toutefois l'écueil duréalisme absolu. Le dernier critère invoqué par Tocqueville pour définir le lecteur type est l'émotion.

Celui-ci aime être saisi, emporté,captivé : « des émotions vives et rapides (...) qui les tirent à l'instant d'eux-mêmes ».

Le pouvoir d'évasion est eneffet une valeur habituellement reconnue au livre.

Telle est la vertu du roman qui nous fait vivre une autre vie, telest même le sens légèrement péjoratif selon les contextes de l'adjectif « romanesque ».

Une publicité pour le livre etla lecture datant d'il y a quelques années représentait des personnages en ballon et le slogan était : « le livre, leschemins de l'évasion ».

Le livre, roman, théâtre ou poésie, nous fait vivre par procuration une multiplicitéd'existences merveilleuses dans tous les endroits dont nous rêvons, dans toutes les époques que nous souhaitons.Nous pouvons à la fois être Vautrin, Rastignac, le Comte de Monte-Cristo, le Grand Meaulnes ou l'un des enfants deSa Majesté des Mouches de W.

Golding. Les romanciers de souffle mettent à profit cette tendance du lecteur pour créer de véritables univers parallèles à laréalité, le monde des Rougon-Macquart de Zola ou de La Comédie humaine de Balzac.

Cependant face à cesfresques grandioses, où se développe le génie épique d'un auteur (songeons aux Misérables par exemple), il fautdistinguer les feuilletons, les innombrables séries, suites où l'auteur fort d'un succès commercial invente d'autresépisodes à des sagas familiales plus ou moins intéressantes, qui n'ont que le mérite de nous faire vivre les mêmesaventures légèrement transposées sous d'autres cieux.

Comme elles deviennent alors fastidieuses, selon moi, cesinterminables histoires d'amour, d'héritage, de maison sur des toiles de fond historiques : guerre de Sécession (sansjamais atteindre l'originalité d'Autant en emporte le vent), Amérique Sudiste au temps florissant des grandesplantations, guerre de 1939-1945 en zone libre, en zone occupée, du côté des résistants ou des collaborateurs...Que de redites, que de fausses évasions, que de châteaux, que de réceptions, que de lunes de miel, que dedésespoirs amoureux.

Contrairement à Madame Bovary, je délaisse ces romans qui ne procurent que des émotions,que des rêves stéréotypés, mensongers, dictés par le conformisme.

Comme au cinéma, l'amateur éclairé préfère le néo-réalisme italien qui succéda aux films hollywoodiens présentant des stars blondes platinées jouant avec destéléphones blancs dans des salons luxueux, je ne recherche pas dans la lecture un négatif à ma vie quotidienne : lesidylles et les conventions de la collection Harlequin me laissent de marbre.

L'évasion dans le stéréotype devient unnon-sens. * ** Tocqueville décrivait au début du siècle dernier le lecteur comme avide de rapidité, de brio et d'évasion.

Ces troiscritères jouent en effet un rôle fondamental dans le choix et l'appréciation de mes lectures.

J'aime les livres courts,denses, qui me séduisent de prime abord par leur intelligence qui fait travailler la mienne, par leur pouvoir d'évasion,de rupture avec la vie quotidienne.

Cependant, j'aime également les œuvres longues qui se découvrent plusdifficilement, qui analysent notre univers sur le ton de la confidence en demi-teintes.

Finalement, lecteurs du XIXeet du XXe siècles ont beaucoup de points communs, ce qui est rassurant quant à la permanence de la lecture etdes œuvres.... »

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