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Un mathématicien et homme d'esprit du XVIIIe siècle se serait écrié, après avoir vu une tragédie de Racine : « Qu'est-ce que cela prouve ? » A la lumière de cette boutade, vous vous demanderez si une oeuvre littéraire doit « prouver » quelque chose pour retenir l'attention.

Publié le 20/02/2011

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esprit

• Boutade certes, mais plutôt agressive. • Un scientifique contre les littéraires, donc contre la littérature. • Veut qu'on « prouve « les vérités simples, universellement valables. • C'est que les preuves scientifiques démontrent que quelque chose est vrai. • Or l'art, donc la littérature : domaine du beau. • De plus littérature : subtile, nuancée. • « Qu'est-ce que ça prouve ? « rejoint l'idée d'utilité de l'art — et va plus loin. • Or certains esprits et artistes vont en ce sens : l'art serait beau seulement inutile — donc la littérature aussi. • Est-il vrai qu'ils ne retiennent l'attention qu'en ce cas ? • ... que la littérature n'est ni utile ni probante ?

esprit

« • Or si certains lecteurs goûtent de telles œuvres, d'autres sont entraînés par elles à répéter : un écrivain ne sert àrien.

Celui qui écrit ne travaille pas.

L'intellectuel est un paresseux.

Cf.

attitude des père et frères de Julien Sorel(Le Rouge et le Noir).• De même faire un livre pour faire un livre (Mallarmé) ne prouve rien.

Et l'on parvient à un véritable désengagement,ce qui est d'ailleurs une des séductions pour un certain public, qui veut en faire autant.• Ainsi A.

de Musset raille-t-il les prétentions utilitaires de la poésie dans Namouna, Dupuis et Cotonnet et prendcette position politique qui consiste à rejeter tout acte politique pour l'artiste :« Je n'ai jamais chanté ni la paix ni la guerre.Si mon siècle se trompe, il ne m'importe guère.

Tant mieux s'il a raison et tant pis s'il a tort.

»• Bref pour eux et pour toute une partie des lecteurs qui le demandent précisément, la littérature n'a rien à prouverni n'a à faire actes (engagement), mais à faire beau, à émouvoir, à retenir l'attention, ou à projeter dans le rêve,l'imaginaire, l'évasion.• position extrême : J.-P.

Sartre en 1968 (cf.

Révolution culturelle chinoise) en arrive à rejeter l'art et la littératureparce que n'étant pas utiles, pas engagés, ne prouvant rien n'ont pas besoin d'exister (la littérature estmême dangereuse avec son absence de « côté bien assis » qui est celui des sciences : « La culture ne sauve rien nipersonne, elle ne se justifie pas.

»• Idem Rimbaud cessant d'écrire et le mouvement Dada qui souhaite une véritable désagrégation de toute lalittérature; autodestruction. II.

N'existe-t-il pas pourtant une « preuve » littéraire ? • D'abord certains écrivains veulent vraiment prouver quelque chose.• Ainsi polémistes, ou penseurs au raisonnement serré : grands orateurs, Pascal, philosophes du XVIIIe siècle, P.Valéry, A.

Gide, existentialistes...• D'Alembert lui-même n'est pas qu'homme de science, il est aussi « philosophe », esprit rationnel, il veut une prosequi démontre les idées qui servent à éclairer après avoir aidé à supprimer ce qui ne va pas dans l'esprit et la sociétéde son siècle.• Idem Montesquieu traitant la poésie lyrique d'« harmonieuse extravagance ».• De même certains auteurs utilisent l'art littéraire pour faire passer le message : romans ou théâtre à thèse(Bourget, F.

de Curel), poésie philosophique (Sully Prudhomme), drame bourgeois de Diderot, ou littérature decirconstance, de commande (Cholokov : Le Don paisible, superbe roman pourtant).• Presque tous représentent un cas extrême où ce que l'on veut prouver l'emporte sur la séduction formelle que lalittérature devait leur apporter pour qu'ils frappent davantage.

La thèse débordant sur la beauté, l'oeuvre n'est plusartistique, au sens plein et harmonieux du terme.• Mais la plupart des oeuvres qui veulent prouver quelque chose, si elles sont le fait de grands artistes retiennentl'attention par la somme de leurs qualités des deux types : probantes et esthétiques.• « La poésie n'est pas un ornement, mais un instrument », affirme V.

Hugo.

L'oeuvre doit se mettre au serviced'idéaux, les diffuser, être guide, comme l'écrivain est « écho sonore » de son époque, dénonce les injustices,l'intolérance, les abus de pouvoir, fait de Jean Valjean, Gavroche, Cosette les porte-parole symboliques de sacampagne contre la misère et « une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers ».• Cf.

la thèse du poète qui entraîne (Pléiade, Ronsard : Ode à Michel de l'Hôpital, d'Aubigné : Les Tragiques où lamagie verbale soutient la véhémence du plaidoyer).• Presque tous les romantiques deviennent aussi peu à peu participants des événements et leurs poésies ou romansou théâtre (même Vigny, mais sauf Musset) s'y inscrivent.

Cf Lamartine : A Némésis, La Marseillaise de la Paix, LaChute d'un ange ; V.

Hugo : Les Châtiments, Les Misérables...• Les écrivains mettent alors toutes les ressources formelles de leur art à la disposition de leur responsabilité, etparviennent parfaitement à une œuvre artistique, dans leur engagement, s'ils savent éviter le didactisme, les prisesde position trop passagères, affirmations trop lapidaires qui tuent l'art par la volonté abusivement démonstrative :trop vouloir démontrer = contrainte donc anti-artistique.• L'écrivain engagé et qui prend à parti le lecteur pour l'engager à sa suite, retenir son attention pour le séduire ensa voie.• Ainsi A.

Camus croit-il au rôle privilégié de l'artiste.

Pour lui comme pour le dispensateur des « Lumières » (XVIIIesiècle) le créateur a le rôle de guide.• Idem la poésie d'Eluard ou d'Aragon, le théâtre de Brecht montrent que, si l'union dans l'art du beau et de l'utileest difficile, elle est cependant réalisable.• Les philosophes du XVIIIe siècle luttaient contre les préjugés, la tradition sclérosante, les injustices et lesfanatismes, éveillaient le sens critique par des écrits qui raisonnaient, démontraient, prouvaient : Zadig, Candide(Voltaire), Lettres persanes (Montesquieu), Neveu de Rameau, Jacques le Fataliste (Diderot), Nouvelle Héloïse(Rousseau) tout en attirant par leur piquant, entraînant par leur ironie, sapant par leur humour, charmant par leurpoésie.• Enfin, qu'il le veuille ou non l'artiste réfléchit toujours la vie et les aspirations de son temps.

« Il peut accepter lasociété, la combattre ou la fuir ; il peut la servir ou la mépriser ou lutter pour la détruire ; son oeuvre n'en sortirapas moins inévitablement du monde social qui lui aura été imposé et elle portera l'empreinte.

» (Th.

Maulnier).Preuve donnée.• Car cette 1re preuve littéraire, bien que diffuse et non pas nette comme une preuve mathématique est quel'oeuvre tente toujours positivement ou négativement de répondre, implicitement ou explicitement, aux questionsposées par son époque.• Tout en n'étant pas toujours aussi appuyée que dans les Contes du XVIIIe siècle ou le Théâtre de Sartre, par. »

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