Une pièce de théâtre livre-t-elle tout son sens si elle est lue ou si elle est représentée ? Vous appuierez votre argumentation d’exemples précis.

« Le théâtre est un art singulier : en effet, on le trouve à la fois sous forme de pièce écrite, mais aussi lors de représentations.

On peut donc s'interroger sur la manière dont on doit envisager une pièce de théâtre, si elle livre tout son sens lorsqu'elle est lue ou lorsqu'elle est vue.

Dans un premier temps, il semble qu'une pièce doit être nécessairement représentée, puis nous verrons quels arguments peut-on trouver au fait de la lire.

Enfin, nous comprendrons alors à quel moment une pièce livre tout son sens. Le théâtre est avant tout un art de scène.

Le mot même de « théâtre » est issu du grec θέατρον , «le lieu où l'on se voit ».

Si l'on connaît si peu les auteurs antiques, c'est précisément parce que leurs œuvres ne nous sont presque pas parvenues.

Dans toutes les civilisations (Europe, Asie, Afrique), on observe que le théâtre est alors un genre presque entièrement un art improvisé autour d'une trame récurrente.

Au Moyen-Âge, ce genre continue de se perpétrer sous la forme de la farce, dont La Farce de Maître Pathelin. Selon la Poétique d'Aristote, le théâtre remonte aux dithyrambes, chants en l'honneur du dieu grec Dionysos.

Or ces derniers ne possédaient aucun support écrit.

Ainsi, historiquement, le théâtre est presque entièrement représenté. La représentation permet aussi une virtuosité de la part des acteurs ou du metteur en scène.

En effet, les acteurs peuvent pleinement exercer leur art grâce à toute la finesse et la subtilité qu'ils peuvent placer dans leur jeu.

Le metteur en scène peut, lui, choisir tous les éléments qui vont composer la future scène, en choisissant d'actualiser la pièce ou non.

La mise en scène des Oiseaux d'Aristophane par Alfredo Arias était ainsi truffée de référence à la société moderne.

Tout cela confère à une représentation un caractère unique que l'on ne retrouve pas dans une œuvre écrite.

De plus, les didascalies d'une pièce prennent tout leur sens lorsqu'il s'agit de porter sur scène une œuvre théâtrale.

Ainsi, des troupes théâtrales comme celles de la Commedia dell'arte insistent sur la mise en scène par le biais de leurs masques et déguisements. Ainsi, une œuvre riche en indications et en action est plus plausible s'il elle est portée sur scène.

C'est le cas d'un bon nombre de pièce comme Le Cid de Corneille, Les Fourberies de Scapin de Molière ou encore Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand.

Les scènes triviales (bastonnades, injures) n'ont de sens que si elles sont jouées.

Mais encore une fois, le problème de l'actualisation se pose, avec celui de la mise en scène vraisemblable.

C'est même l'une des obligations d'un dramaturge obéissant à l' Art Poétique de Nicolas Boileau. Ainsi, une pièce de théâtre revêt de nombreuses qualités lorsqu'elle est jouée.

Mais toutefois, depuis plusieurs siècles, certaines pièces théâtrales sont reportées par écrit.

C'est ainsi que l'on connaît certaines pièces antiques : en effet, ces dernières faisaient partie de concours vernaux jugées par un jury.

Fixer une œuvre par écrit lui permet donc d'assurer sa postérité.

Une pièce écrite n'est pas non plus soumise à des contraintes temporelles.

Certes, certaines indications nous permettent de dater une œuvre, telles que le langage, ou les agissements de certains personnages, mais cette dernière peut totalement s'acquitter de contraintes d'actualisation. Une œuvre théâtrale écrite concède aussi au lecteur une expérience personnelle par rapport à l'œuvre, expérience plus difficilement accessible lors d'une représentation.

De plus, le lecteur possède l'avantage de pouvoir plus facilement naviguer à travers le texte, et de saisir ainsi plus facilement le sens implicite ou explicite d'une œuvre.

Il est alors à-même de pouvoir saisir la beauté du texte à travers sa sensibilité et son analyse personnelle. Certaines pièces semblent être écrites pour traduire une ambiance et une psychologie.

Ainsi, dans le Misanthrope de Molière, Bérénice de Racine, La Cerisaie de Tchekhov, ou encore Les Bonnes de Genet, l'absence presque totale d'action ou de. »