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Vous résumerez ou vous analyserez à votre choix ce texte de Jean-Paul Sartre, vous en dégagerez un thème que vous jugerez essentiel et vous le commenterez.

Publié le 16/02/2011

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   Nos critiques sont des cathares : ils ne veulent rien avoir à faire avec le monde réel sauf d'y manger et d'y boire et, puisqu'il faut absolument vivre dans le commerce de nos semblables, ils ont choisi que ce soit dans celui des défunts. Ils ne se passionnent que pour les affaires classées, les querelles closes, les histoires dont on sait la fin. Ils ne parient jamais sur une issue incertaine et comme l'histoire a décidé pour eux, comme les objets qui terrifiaient ou indignaient les auteurs qu'ils lisent ont disparu, comme à deux siècles de distance la vanité de disputes sanglantes apparaît clairement, ils peuvent s'enchanter du balancement des périodes et tout se passe pour eux comme si la littérature tout entière n'était qu'une vaste tautologie et comme si chaque nouveau prosateur avait inventé une nouvelle manière de parler pour ne rien dire. Parler des archétypes et de « l'humaine nature «, parler pour ne rien dire ? Toutes les conceptions de nos critiques oscillent de l'une à l'autre idée. Et naturellement toutes deux sont fausses : les grands écrivains voulaient détruire, édifier, démontrer. Mais nous ne retenons plus les preuves qu'il ont avancées parce que nous n'avons aucun souci de ce qu'ils entendent prouver. Les abus qu'ils dénonçaient ne sont plus de notre temps ; il y en a d'autres qui nous indignent et qu'ils ne soupçonnaient pas ; l'histoire a démenti certaines de leurs prévisions et celles qui se réalisèrent sont devenues vraies depuis si longtemps que nous avons oublié qu'elles furent d'abord des traits de leur génie ; quelques-unes de leurs pensées sont tout à fait mortes et il y en a d'autres que le genre humain tout entier a reprises à son compte et que nous tenons pour des lieux communs. Il s'ensuit que les meilleurs arguments de ces auteurs ont perdu leur efficience ; nous en admirons seulement l'ordre et la rigueur ; leur agencement le plus serré n'est à nos yeux qu'une parure, une architecture élégante de l'exposition, sans plus d'application pratique que ces autres architectures : les fugues de Bach, les arabesques de l'Alhambra.    Jean-Paul Sartre, Situations, II (Gallimard).   

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« souvenirs tout récents de l'extermination des Juifs, la mauvaise conscience que nous en gardons, font que nousnous sentons concernés au premier chef par ce roman, que nous ne pouvons pas l'envisager seulement sous unangle esthétique.

Cet ouvrage est encore vivant pour nous dans la mesure où l'émotion que nous ressentons à salecture est liée à des questions que nous nous posons en dehors de lui. En revanche, certains sermons de Bossuet, qui eurent un si grand retentissement à son époque, ne nous parlentplus, nous semblent venus d'un autre monde.

Relisons un passage du Sermon sur Véminente dignité des pauvresdans l'Eglise : « Riches, portez le fardeau du pauvre, soulagez sa nécessité, aidez-le à soutenir les afflictions sous lepoids desquelles il gémit ; mais sachez qu'en le déchargeant, vous travaillez à votre décharge.

» Nous ne pouvonsplus y trouver qu'une sorte de vœu pieux, qui, même s'il incite certains à le traduire en acte, ne peut aider vraimenttous les pauvres.

Avec le recul des siècles, nous savons que les discours de ce type furent nombreux à toutes lesépoques, quoique souvent moins réussis, et qu'ils n'ont jamais amélioré vraiment la condition sociale des travailleurs.Nous opposons donc d'emblée un certain scepticisme à son argumentation ; seule, la beauté du discours noustouche encore. Certaines parties des Pensées de Pascal, écrivain auquel on ne peut refuser l'originalité, nous apparaissent commedes lieux communs.

Lisons en particulier le passage où il dénonce l'arbitraire de la justice et de la morale : « ...On nevoit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat.

Trois degrés d'élévation du pôlerenversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité.

» Cette idée nous paraît évidente et peu digned'une longue réflexion. II.

- SAVOIR LIRE Et pourtant, si nous étudions bien les réactions de maints lecteurs, nous nous rendons compte que ceux-là mêmesqui trouvent cette idée de Pascal évidente, sont persuadés du bien-fondé de leur justice.

On dirait qu'ils n'ont pas lule texte, tant ils prêtent peu d'attention au message qu'il transmet.

Peu de gens savent, en effet, s'astreindre àpousser jusqu'au bout les conséquences d'une idée.

Ils se contentent d'énoncer des phrases toutes faites qui leurdonnent bonne conscience.

Telle personne qui prétend reconnaître que bien des lois et coutumes ne sont pasjustifiables, déclare avec horreur qu'une coutume étrangère est «contre-nature».

C'est dire qu'il est difficile desavoir porter attention à la pensée des autres. De même, bien peu tirent une sincère réflexion de certaines pages des Essais de Montaigne.

Au chapitre « Descoches », à propos des massacres d'Indiens après la découverte du Nouveau Monde, il écrit : « Qui mit jamais à telprix le service de la mercadence et de la trafique? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant demillions de peuples passés au fil de Tépée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour lanégociation des perles et du poivre : mécaniques victoires.

Jamais l'ambition, jamais les inimitiés publiques nepoussèrent les hommes les uns contre les autres à si horribles hostilités et calamités si misérables.

» Cette pagecontient l'un des plus virulents réquisitoires contre le colonialisme.

La lecture approfondie d'un tel passage peutamener certains à réfléchir : dans la mesure où l'épisode évoqué se situe au xvie siècle, le lecteur n'est pas troppassionné pour s'aveugler.

Mais comme le colonialisme et ses répercussions sont encore un sujet -brûlant del'actualité, un lecteur de bonne foi se sent forcément concerné, impliqué dans cette entreprise.

S'il a une véritablehonnêteté intellectuelle, il peut alors s'interroger sur sa propre position à propos du colonialisme actuel. CONCLUSION L'apport des écrivains morts peut être réel à deux conditions : la plus importante est certainement celle del'intelligence et de l'honnêteté du lecteur.

Celui-ci peut, s'il est de mauvaise foi, laisser s'émousser sa sensibilité autexte.

Sinon, il établit un rapport entre sa lecture et ce qu'il connaît du monde actuel et de son évolution.

Laseconde condition est que le texte traite d'un problème compréhensible pour nous, sous son aspect historique ounon.

Bien des études des « philosophes » du XVIIIe siècle, par exemple, nous montrent la formation d'unebourgeoisie en train de se penser au moment où elle est près d'accéder au pouvoir politique.

Même s'ils commettentdes erreurs, leurs remarques demeurent intéressantes pour nous.

Mais alors il est nécessaire de refuser la mauvaisefoi intellectuelle dont Sartre accuse les critiques.. »

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