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L'art a-t-il un sens ?

Publié le 25/01/2004

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  En ce sens, il imite le sensible pour en redonner un nouveau (=>Imitation créatrice). Exemple : la perspective albertinienne n'est pas  un donné, mais c'est une mise en forme spécifique du sensible dont l'invention peut être datée.  C-      Les oeuvres d'art répondent à des critères de composition, comme autant de principes, que l'ont peut objectivement décrire (la façon de peindre de Van Gogh ou encore le style d'écriture de Proust).  Wölfflin parlait pour la peinture de « principes optiques », et en distinguait seulement deux dans toute l'histoire de cet art, d'où découlaient par la suite tous les styles artistiques individuels. Des psychologues comme Herbart ont voulu expliquer le plaisir que le sujet a devant une oeuvre d'art d'un point de vue strictement formaliste (dans le cas de Herbart, le plaisir est celui de synthétiser du sensibles hétérogènes, d'unifier du divers sensible).   II - L'oeuvre d'art a un sens, une dimension intelligible A-     Cependant, tous ces critères de composition expriment quelque chose. La forme est inséparable du fond, qui la justifie. La forme artistique est une « forme symbolique » pour reprendre l'expression de Panofsky : il ne s'agit pas seulement de savoir ce que la forme présente, mais ce qu'elle représente. Les traits d'une peinture, l'harmonie d'une musique, etc.  ont une dimension intelligible.

« Les oeuvres du XXe siècle ont souligné un aspect immémorial de l'art : la gratuité du geste, qui soustrait uneactivité aux processus utilitaires de production, tout en suscitant l'attention concentrée et le plaisir.

L'indépendancede la mise en forme artistique est réduite parfois à une technique de provocation (« Un tableau qui ne choque pasn'en vaut pas la peine », dit Duchamp) ; la laideur, l'obscénité ou la stupidité s'allient pour induire plus sûrement lesentiment d'absurdité et retournent l'ironie de l'art contre lui-même.

La création artistique exalte sa propreautonomie par une mise en cause de sa propre essence.

C'est la question du sens de l'art qui est ainsi posée.

Aquelles conditions la marginalité de l'art est-elle féconde ? Comment s'entrecroisent dans l'oeuvre la réussite etl'échec ? Est-elle en quelque manière un signe ? L'intérêt de l'art est sa force d'expression. • Une justification de l'art se présente immédiatement à l'esprit : il serait le porteur d'un message ; « Écrire, c'estdonc à la fois dévoiler le monde et le proposer comme une tâche à la générosité du lecteur » (Sartre, Qu'est-ce quela littérature ? p.

67).

Encore faut-il savoir comment il y parvient : car c'est justement pour échapper aux formesordinaires de la communication que l'artiste se propose de créer une oeuvre dont les règles de fabrication sontinouïes et dont les caractéristiques finales ne peuvent être enfermées dans aucune catégorie.

Dans l'écritureencore, « tout l'art de l'auteur est pour m'obliger à créer ce qu'il dévoile, donc à me compromettre » (ibid., p.

68).L'oeuvre sollicite donc la liberté d'une manière paradoxale, car elle reste à l'écart des procédures normales del'action, tout en suscitant une responsabilité renouvelée, de sorte « [qu'] au fond de l'impératif esthétique nousdiscernons l'impératif moral » (ibid., p.

69).

Un désengagement et un retrait, qui livrent souvent l'artiste à une sortede solitude, mais qui l'amènent aussi à participer d'une manière plus forte au monde et à l'histoire.

Il y a là commeun miracle, où l'oeuvre « parle » par-delà son « obscurité ». Cela se traduit souvent par la tentative d'exprimer un engagement d'ordre politique ou moral.

Il s'ensuit unedialectique difficile, un conflit parfois très stimulant entre ces finalités disparates que sont, d'une part, la créationd'une oeuvre, convaincante par sa beauté ou sa nouveauté, et, d'autre part, la cause plus ou moins bonne qu'elleest destinée à soutenir.

Par exemple, l'expérimentation poétique et lyrique, qui est détachée de tout devoir dereprésentation, a pu entrer en résonance avec les vibrations de la démocratie des temps nouveaux.

Ainsi W.Wordsworth voit-il en 1790, sur les routes de la France révolutionnaire, dans la nature et dans le ciel et les nuages,les signes d'une humanité libre et nouvelle, des « leçons de vraie fraternité » indissociables du paysage même (cf.Prélude, VI, 547).

L'instauration d'une communauté rationnelle unifiée par des enjeux de liberté (la République)trouve en quelque sorte sa vérification dans l'expérience universellement communicable de la beauté (selon laprésentation kantienne du jugement de goût).

Plutôt que d'un conflit, il s'agit donc, dans le poème qui accompagnela marche du poète, d'une synthèse problématique entre le visible (le nuage) et le sens (la liberté), ou encore entrela sensibilité et l'idée. Cependant, il est rare que l'identification d'un sens ne fasse pas courir à l'art le risque d'une adultération de sonpropos.

Voulant proclamer un sens, l'art devient idéologie, comme le montre la tradition des « avant-gardes ».

Cemot, utilisé par Saint-Simon dès 1825, acclimate en art des projets politiques de progrès social et industriel appuyéspour l'essentiel sur l'invention technique.

Romantisme, réalisme, futurisme, etc., se sont justifiés en proclamant qu'ilsfrayaient la voie aux découvreurs, et qu'ils voulaient entraîner l'histoire sur des voies modernes.

Mais la « modernité» n'est jamais que « la moitié de l'art » (l'autre moitié est « l'éternel et l'immuable ») ; de plus, elle est la conscienceaiguë de la fugacité, et pas du tout l'impatience du progrès, « religion des imbéciles et des paresseux » (Baudelaire,Le peintre de la vie moderne).

C'est pourquoi l'art doit se garder de toute intention de signifier, fût-ce pour appelerl'aurore de la liberté.

Ainsi, pour Mandelstam, l'an 1918, c'est le « crépuscule de la liberté / La grande annéecrépusculaire / [...] soleil, juge, peuple ! ».

Sa responsabilité de poète, c'est alors de libérer le mot des pièges dusymbolisme (qui capture le poème dans des correspondances toutes faites, de même que l'État capture la révolution!), de lui redonner sa consistance propre et sa distance par rapport aux choses et de soustraire l'art à la dévorationpar la « culture ».

« C'est seulement dans la nuit propre au poème " la nuit de la séparation" que les signifiants de laliberté peuvent être libérés » (J.

Rancière, La chair des mots, chap.

I, Éd.

Galilée).

Le poème réveille les promessesdu passé que l'histoire n'a pas tenues. Le contenu propre à l'art est irréductible à des significations. • En effet, l'art a pour intérêt propre la forme sensible en tant que telle : certains courants dits « formalistes » ontmême explicitement souligné l'aspect articulatoire et « transmental » du mot « poétique », dont la jouissance nerepose sur aucune signification convenue.

La forme artistique est le contenu de l'art ; dans cette mesure, il faut ladistinguer du langage, y compris et surtout dans le cas de la poésie qui est « faite » des mêmes mots que la prose :« Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage » (Sartre, op.

cit., p.

18), mais se placent dans unesituation analogue au peintre, pour qui les couleurs et les motifs « n'expriment » jamais les sentiments, car « ils ensont imprégnés [...].

Cette déchirure jaune du ciel au-dessus du Golgotha, le Tintoret ne l'a pas choisie poursignifier l'angoisse, ni non plus la provoquer ; elle est angoisse, et ciel jaune en même temps » (ibid., p.

15).

Ainsi, «lorsque le poète se sent accordé par toute sa vie au ton pur de l'impression originaire, et qu'il regarde le monde,celui-ci lui est nouveau et incompris.

Tout se montre à lui pour la première fois.

Tout est incompris et indéterminé[...] Que la nature et l'art tels qu'il les a appris et qu'il les voit, ne parlent pas avant que pour lui une langue soit là» (Hölderlin, Oeuvres, « La Pléiade », p.

630).

« Le monde est en dialogue avec lui-même, à travers la voixpoétique» (H.

Maldiney, L'art, l'éclair de l'être, p.

71).. »

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