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Le désir peut-il être désintéressé ?

Publié le 04/02/2004

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Bien au contraire, l'effort pour être et le désir qui le signifie ou l'exprime sont un mouvement vers l'accroissement de la puissance ; non pas certes de la domination, mais de la puissance d'exister, et du pouvoir d'affirmation. Spinoza renverse encore une fois l'ordre des termes : ce n'est pas pour connaître que l'homme désire (comme chez Platon) ; c'est pour déployer son désir (c'est-à-dire son existence affirmative) que l'homme s'efforce d'imaginer ou de connaître. S'il poursuit la perpétuation de son existence, c'est donc et comme corps et comme esprit. Le désir n'est pas pour Spinoza le domaine inférieur de la sensibilité, qui serait source du mal et de l'esclavage et qu'il conviendrait de réprimer par la raison et la morale. Cette perspective platonicienne et kantienne est aux antipodes du spinozisme. Ici, au contraire, le désir est le mouvement existentiel du corps et de l'esprit ; c'est un mouvement unique qu'on appellera modification du corps ou idée de l'esprit, suivant le point de vue et le registre adoptés. Les passions et les sentiments (termes non spinozistes), ou plutôt les affects (affectus) ne sont rien d'autre que la conscience des transformations du corps, l'idée des affections (affectiones) du corps. Ce mouvement unitaire du désir est originel et premier. Mais comme le pouvoir qu'il manifeste peut aller en s'accroissant ou en diminuant, l'homme peut vivre la joie ou au contraire la tristesse, bien qu'il poursuive essentiellement toujours la réalisation et la perpétuation de son désir, c'est-à-dire la joie. De ces deux « passions « fondamentales (trois, si, comme Spinoza le fait lui-même, on y ajoute le désir, qui est en réalité la source des deux autres) découleront tous les affects humains : amour, générosité, « force d'âme «, courage, ou bien, au contraire, envie, haine, jalousie, ambition.

  • Les termes du sujet

 Le désir :  -> tendance générale à obtenir ce que l'on n'a pas.  -> tendance irrépressible, physique et/ ou psychologique.    Désintéressé :  -> idée d'indifférence à l'égard de son profit ou bien-être personnel.  -> idée de générosité, de don : contraire d'«égoïste«, d'«individualiste«.

  • Il est difficile d’imaginer un sujet qui ne soit pas intéressé par ce qu’il désire, le désir vise un objet qu’il souhaite s’approprier ou s’incorporer. On distingue le désir du plaisir esthétique comme l’a fait Kant dans la Critique de la faculté de Juger, qui ne cherche pas à s’approprier l’objet ou à la consommer. De fait, le désir apparaît de facto comme intéressé. L’intérêt semble ici se réduire aux plaisirs sexuels ou de la table et exclut d’avance tout possibilité de désir intellectuel, désir d’être plus heureux etc. Il s’agit de se demander ce que vise le désir, s’il vise à une satisfaction particulière, ce qu’il cache en son sein et si, toujours il n’a pour but que de satisfaire les intérêts particuliers de l’homme.

 

 

 

 

 

« [Introduction] Le désir est une réalité riche en paradoxes, sinon en contradictions : il est bien recherche d'une satisfaction – etparaît impliquer un manque ou une souffrance tant qu'il n'est pas satisfait – mais il ne se contente pas, par ailleurs,de ce qu'il obtient : à peine satisfait, il se reforme à propos d'un autre objet.

S'il quête la satisfaction, c'est parceque le sujet désirant y trouve son intérêt, ne serait-ce que dans l'espoir (mêmes est fugace) de combler le manqueinitial, mais certains désirs, apparemment plus « nobles » qu'à l'ordinaire, semblent susceptibles de concerner desvaleurs supérieures, ou des personnes autres, de telle sorte qu'ils pourraient être d'une certaine façondésintéressés, puisque leur réalisation ne toucherait pas directement le sujet qui les ressent.

Reste à savoir si cedésintérêt apparent correspond bien à la réalité, ou s'il n'est qu'un leurre, capable de masquer un intérêt plusprofond ou secret du sujet. [I.

Le désir dans sa version la plus haute] Lorsque Platon retrace, dans Le Banquet, l'origine mythique d'Éros, c'est pouren faire le fils de Pénia (Pauvreté) et de Poros (Richesse) : le désir est ainsilancé dans une recherche qui hésite ou se situe entre le dénuement et laplénitude.

S'il consent à trouver ses satisfactions dans le monde sensible, ilbascule du côté d'une insatisfaction répétée : c'est Pénia qui l'emporte.

Aussile désir doit-il s'orienter, pour mieux répondre à son hérédité « paternelle »,très au-delà des corps érotisés et de la beauté physique, vers l'idée du Beau: c'est pour lui la seule manière d'atteindre une plénitude toute spirituelle, ense réalisant dans la contemplation.De manière plus générale, le désir peut en effet avoir des buts qui paraissentbien éloignés de l'intérêt immédiat du sujet.

On peut légitimement évoquer, dece point de vue, l'existence du désir de vérité ou de sagesse qui anime, dit-on volontiers, le philosophe, ou d'un désir de compréhension qui suscite lavocation du scientifique.

La satisfaction de tels désirs, loin d'être rapide,semble condamner celui qui les ressent à un trajet difficile et complexe, car lavérité (philosophique ou scientifique) ne se livre pas sans mal.

Quant à lasagesse elle-même, peut-être constitue-t-elle en elle-même un but impossibleà atteindre...

Ainsi la satisfaction du désir serait-elle cette fois toujoursdifférée, l'intérêt du sujet paraissant en conséquence hors de cause.À ceci près néanmoins que, dès la version platonicienne de ces désirs orientésvers de hautes valeurs, le sujet trouve un intérêt supérieur à se consacrer auBeau, au Vrai, et Bien, etc., puisqu'il y va de sa propre réalisation en tantqu'esprit, et du choix qui doit diriger sa vie : le spirituel plutôt que le corporel.

Et le désir qui anime la quêtephilosophique ou scientifique – si dégagée s'affirme-t-elle des intérêts médiocres –, n'est peut-être pas réellementdésintéressé : ce qui s'y trouve aussi en jeu, c'est la satisfaction éprouvée à se sentir du nombre de ceux quisymbolisent la version la plus noble de la vie humaine.Il convient ici de rappeler les sarcasmes que Nietzsche à réservés à tous ceux qui, sous prétexte de réaliser en euxles valeurs les plus subtiles et les plus raffinées, obéissent en fait à un ressentiment profond et défendent en fait lesintérêts de la faiblesse.

Le désir du spirituel ou de l'intellectuel pourrait n'être que la conséquence d'une luttehypocrite contre les valeurs de la vie dans ce qu'elle a de plus effervescent.

Dans ce cas, la prétention des espritspurs à n'obéir qu'à des désirs désintéressés ne serait rien d'autre qu'un masque dissimulant la réalité des intérêts lesplus vils... [II.

Désirer pour autrui] La mère de famille qui désire la réussite pour ses enfants, l'amoureux qui désire le bonheur de l'être aimé, sont-ilseux aussi des hypocrites de ce genre ? En apparence, ils se soucient peu des valeurs de l'esprit, et se cantonnent àdésirer une réussite matérielle, ou un bonheur quotidien, dans lequel le confort acquis peut venir seconder lesentiment.On peut remarquer que de tels désirs obéissent à leur manière au même principe que le désir tourné vers soi : ilssont pris dans une sorte de fuite en avant, toute réussite dans leur avancée n'apparaissant que comme parcellaireet exigeant la relance immédiate de la recherche d'une autre satisfaction, d'un indice supplémentaire de réussite oude bonheur.

La mère (ou le père) a le sentiment de n'en avoir jamais fait assez, l'amant craint inlassablement ne pasêtre suffisamment attentionné.

En sorte qu'ils sont bien engagés dans une alternance de joies et de déceptions, et. »

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