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À qui reconnaît-on des droits : à l'individu ou au citoyen ?

Publié le 16/02/2004

Extrait du document

individu

Les droits fondamentaux que nous reconnaissons à chacun figurent dans la « Déclaration des droits de l'homme et du citoyen «. Le titre de ce texte est lui-même ambigu: il mentionne à la fois « l'homme « et le « citoyen «, si bien qu'il ne nous permet pas déterminer ce qui, en chacun, est source de droit. A-t-on des droits parce que l'on est un être humain individué, c'est-à-dire qui possède une unité, une indivisibilité et une identité propre qui fait qu'il n'est pas identique à un autre homme? Ou bien a-t-on des droits parce que l'on est citoyen, c'est-à-dire que nous participons à la vie d'un Etat?  Le droit doit être différencié de la simple capacité. En effet, nous disons que nous avons la capacité, par exemple de diriger un pays, lorsque nous en avons la force, l'intelligence ou le courage. La capacité est donc un pouvoir de fait. Le droit est lui aussi un pouvoir, mais fondé sur la reconnaissance d'une légitimité. Nous disons que nous avons le droit de diriger un pays lorsque nous reconnaissons que chaque membre d'un Etat peut légitimement prétendre participer à la vie politique, indépendamment des capacités qu'il possède en fait. Un droit est donc toujours un droit reconnu, il suppose alors un système législateur qui l'englobe: nous n'avons de droit que par rapport à un loi qui le garanti. En ce sens, il peut d'abord sembler que nous ne reconnaissons de droit qu'au citoyen. En effet, avant la création de l'Etat, et donc de la loi, il n'existe aucun interdit et aucun droit. Ce n'est donc qu'en tant qu'il fait partie d'une communauté politique que l'homme acquiert des droits. Cependant, devons-nous dire alors que les seuls droits que possèdent les hommes sont ceux qui leurs sont accordés par la loi civile? Cette position a des conséquences fâcheuses: elle implique qu'aucun peuple ne peut se révolter lorsqu'il sent bafoués des droits qui lui semble « fondamentaux «. Nous faisons en effet l'expérience de situation où la loi d'un pays nous semble être en contradiction avec le droit de ses membres. Par exemple, lorsqu'un dirigeant exerce la justice de manière arbitraire. Dans ce cas, nous faisons aussi l'expérience d'un droit indépendant de la loi civile et qui la précède, d'un droit qui doit valoir pour tout homme quelle que soit sa situation politique. Peut-on alors dire qu'il s'agit d'un droit des individus? Un autre problème se pose alors: il existe des individus qui ne sont pas des hommes (les animaux, les végétaux, voire tout être même non-vivant qui possède une unité et une singularité). Est-ce alors vraiment l'individualité qui est source de droit? Si oui, devons accorder des droits aux individus de tous genres? La démarche que nous proposerons pour répondre à ce sujet a pour enjeu de rompre l'alternative qu'il présuppose: nous ne sommes pas ou bien individu selon l'état de nature, ou bien citoyen selon l'état civile, mais également personne. Nous montrerons que c'est à la personne que nous reconnaissons des droits. Problématique: Tout droit dépend-t-il d'une législation civile positive, au quel cas nous ne reconnaissons de droit qu'au citoyen? Ou bien, existe-t-il un autre fondement du droit, fondement universel, qui nous permettrait de reconnaître des droits à tous les hommes, indépendamment de leur situation politique? Et dans ce cas, est-ce réellement l'individualité qui constitue cette source universelle du droit?

POUR DÉMARRER    Est-ce l'être humain distinct de tout autre ou bien, au contraire, le sujet dans le cadre de la cité qui détient la possibilité d'agir conformément à une règle ou à une loi véritable ? Cet intitulé oppose apparemment la personne sous sa forme sociale et sous sa forme isolée : il est bien entendu impossible de séparer réellement ces deux aspects du sujet humain.    CONSEILS PRATIQUES    L'intitulé traite des droits « : vous pourrez donc organiser votre devoir en examinant les différentes sortes de droits : droits politiques, droits civils, droits pénaux, etc. Vous constaterez ainsi qu'ils s'adressent aux différents aspects de l'homme dès lors qu'il est en société. Enfin, il existe des droits propres à la personne indépendamment de toute autre considération, comme ceux décrits par la Déclaration des droits de l'homme.

individu

« I) Nous reconnaissons des droits au citoyen.

- Un droit suppose un système d'évaluation qui l'englobe et au sein duquel il est reconnu.

Or, avant la naissance del'Etat, aucun système n'existe de cette sorte.

Aucun individu n'est donc susceptible d'avoir des droits en dehors del'Etat.

Au chapitre 13 du Leviathan , Hobbes imagine un état fictionnel dans lequel les hommes vivent avant la naissance des premiers États,: l'état de nature.

Dans cet état, aucun système de lois instituées ne permet dedistinguer le juste de l'injuste, le tien du mien.

Avant les lois civiles, il n'existe donc aucun interdit ni aucun droit.Chacun peut user de ses capacités propres pour satisfaire tous ces désirs.

Il n'existe de limite aux actes d'un individu que celle de sa propre force.

Cet état n'est pas immoral, mais amoral, au sens où aucune morale n'existe quipourrait en juger. - Ce n'est qu'avec l'apparition des lois qu'apparaissent également les droits.

La naissance de l'Etat et des loiscorrespond également à un changement de statut en l'homme: de simple individus il devient citoyen.

C'est donc lecitoyen qui possède des droits, là où l'individu ne possédait que sa force.

En effet, puisque l'état de nature estamoral, « Les règles (…) du bon, mauvais, licite et illicite, dans les actions des sujets, sont les lois civiles »(Leviathan , chap 18).

Le droit est le verso dont la loi est le recto.

C'est parce que l'Etat impose des interdits et prescrit certaines conduites que quelque chose peut nous être garanti comme un droit.

Prenons par exemple lapropriété.

Dans l'état de nature, chacun a des possessions qu'il peut sauvegarder, perdre ou étendre au détriment des autres en fonction de sa force.

Une fois l'Etat civil institué, des lois déterminent ce qui appartient en propre àchacun, et interdit à tout autre d'user de ce que nous pouvons maintenant appeler propriété d‘autrui.

Le droit de propriété est donc corrélatif de ces lois: c'est parce que la loi punit ceux qui usurpe les biens d'autrui qu'elle peutgarantir au citoyen un droit de propriété.

- Nous avons établi une corrélation stricte entre la loi civile et le droit, c'est-à-dire que nous ne reconnaissons dedroit à l'homme qu'en tant qu'il est citoyen.

Cette position a des conséquences quant au statut de ces droits.

Eneffet, si le droit n'est que l'envers de la loi, alors il n'existe pas de droit avant la loi, et il n'existe de droit que dans lamesure où la loi choisit de les reconnaître.

Les droits des citoyens sont totalement dépendant du contenu de la loicivile et aucune contestation n'est possible.

En effet, lorsque nous contestons une loi, nous le faisons au nom d'undroit fondamental, nous accusons la loi d'être injuste et de bafouer ce droit.

Or si il n'existe aucun droit avant la loi,il est impossible d'accuser une loi d'être injuste.

Dans un état où la loi interdit, par exemple, la libre expression, alorsil n'existe pas de droit d'expression et rien ne permet d'établir qu'il devrait en exister un.

C'est d'ailleurs à cettesituation qu'aboutit Hobbes: il affirme en effet au chapitre 18 du Leviathan que les sujets ne peuvent en aucun cas remettre en question les décisions du souverain, ni les juger injustes ou illégitimes: «quoi qu'il fasse, cela ne peutconstituer une injustice pour ses sujets, pas plus qu'il ne peut être accusé d'injustice par aucun d'eux ».

Notreconception du droit comme droit du citoyen justifie donc le despotisme.

Transition: La nécessité d'un système législateur préexistant au droit nous a d'abord fait penser que seule la loi civile pouvaitreconnaître des droits.

Ces droits ne seraient donc reconnus que pour les hommes en tant qu'ils sont citoyens.Cependant, nous avons ensuite constaté que cette conception du droit ne nous permettait pas de penser unesituation où les citoyens pourraient contester une loi au nom de son injustice.

Ils sont donc totalement soumis àl'arbitraire de la loi civile, qui ne leur accorde que les droits qu'elle choisit.

Or nous sommes parfois indignés face àl'injustice de certaines lois.

Nous considérons qu'elle va à l'encontre de certains droits fondamentaux.

Dans cettesituation se révèle notre croyance en des droits qui ne doivent donc pas être droits du citoyen: ils doivent êtreindépendants des lois qui régissent tel ou tel pays et devraient valoir également dans le cas fictif de certainsindividus qui n'appartiendraient à aucune communauté politique.

Ces droits sont donc des droits de l'individu, quiprécèdent son statut de citoyen. II) Nous reconnaissons des droits à l'individu. - Pour pouvoir penser une résistance des individus à certains abus du pouvoir, il nous faut différencier le légal du légitime , les droits politiques des droits fondamentaux.

Ce qui est légal est ce qui est permis par la loi, ce à quoi nous avons droit au sens de droit politique.

Ce qui est légitime est ce qui est moralement acceptable, ce à quoinous pouvons prétendre avoir droit, même si cela n'est pas effectivement le cas dans tel ou tel Etat.

On dira, parexemple que le droit à être défendu par un avocat est un droit politique: il est accordé ou non selon les lois dupays.

Au contraire, le droit à la liberté nous semble être un droit fondamental: il doit être respecté par tous danstous les États, et les lois qui y dérogent peuvent être contestées comme illégitimes.

Il existe donc un systèmed'évaluation plus large qui englobe la législation civile et qui octroie aux individus certains droits, indépendamment deleur situation politique. - Ce système est souvent appelé la « loi naturelle ».

C'est cette loi qui permet de penser des « droits naturels » oufondamentaux.

Ils sont inaliénables, même un souverain ne peut contraindre un sujet à y renoncer.

Ainsi Locke, auchapitre 2 du Second traité du gouvernement civile, explique que les hommes avant même d'être citoyen d'aucun Etat possèdent par nature le droit à la vie, à la liberté et à la propriété.

Déjà dans l'état de nature, il est illégitimede contrevenir à ces droits: « L'état de nature est régi par un droit de nature qui s'impose à tous et, rien qu'en seréférant à la raison, qui est ce droit, l'humanité entière apprend que, tous étant égaux, nul ne doit léser autrui danssa vie, sa santé, sa liberté, ni ses biens ».

L'existence de ces droits fondamentaux est ce qui donne également ledroit aux citoyens de résister à la loi lorsque celle-ci s'y oppose.

En effet, toute loi s'attaquant la vie, la liberté ou la. »

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