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La raison est-elle haïssable ?

Publié le 11/08/2004

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La raison est une faculté de l’esprit. On la considère souvent comme une faculté supérieure. Elle est à l’origine de nos connaissances, de notre savoir, et de l’ensemble de nos savoir-faire. Elle est donc source de progrès et de développement. Comment comprendre le développement d’une haine de la raison ? La haine est une passion qui est une répulsion contre ce qui nous est nuisible. Comment la raison pourrait-elle être nuisible ? Si l’on parle des implications de la raison et du progrès qu’elle suscite, on pourrait effectivement abhorrer la raison par l’aliénation qu’elle produit ou la technique désenchanteresse qu’elle met en exergue. De même, la haine de la raison pourrait se comprendre comme misologie, c’est-à-dire comme haine des arguments ne réussissant jamais à la sureté de la vérité voire conduisant au scepticisme. Cependant est-ce bien la raison que l’on hait ou l’homme qui fait usage de la raison ? A parler de haine de raison, on pourrait faire de la raison une entité à part entière alors qu’elle n’est qu’une faculté. La question porte donc sur la cause de cette haine, ainsi que son sens, sa valeur et son fondement.

« Nietzsche nous enseigne que la vérité relève d'un choix décisif, et que nouspouvons refuser de la vouloir.

On peut en somme présenter la vérité commeun jeu.

Nul ne peut être contraint d'y jouer, mais s'il le fait, il faut qu'il ensuive les règles.

Le pire serait de tricher.

Le menteur triche, puisqu'il veutêtre cru, mais le sophiste triche aussi en usant de la raison et du discoursnon pour la vérité, mais pour l'apparence de la vérité : pour captiverl'auditoire sans scrupule à l'égard du vrai.

C'est ce que Platon reprochera auxsophistes grecs : de cette perversion du discours rationnel, le risque est devoir naître une méfiance envers le projet même de vérité et, en définitive, unehaine de la raison (« misologie »). La « misologie », ou haine du raisonnement (du discours rationnel) est commela misanthropie (haine des hommes).

Celle-ci vient de notre déception devantl'inconstance des hommes ; de même, celle-ci vient de notre désarroi devantdes raisonnements peu fiables ou inconstants (qui nous paraissent tantôtvrais, tantôt faux).Or, cela ne signifie pas qu'il faut se méfier du raisonnement en général (pasplus qu'une relation déçue avec autrui n'implique que l'humanité estméchante), mais qu'il faut soi-même être moins crédule et savoir distinguerl'authentique rationalité des raisonnements fallacieux, c'est-à-dire larecherche de la vérité de la sophistique.Car ce sont les sophistes qui usent du discours non pour établir la vérité deschoses, mais pour controverser.

Leur dialectique ne vise à rien d'autre qu'à démontrer successivement une thèse etson contraire (c'est pourquoi les mêmes raisonnements apparaissent tantôt vrais, tantôt faux) ; elle veut ainsipersuader qu'il n'y a aucune vérité stable et universelle susceptible de régler le discours (allusion à la doctrined'Héraclite du « mobilisme universel » — « flux et reflux continuels » — qui a influencé les sophistes grecs, etparticulièrement l'affirmation de Protagoras selon laquelle « l'homme est la mesure de toute chose »).Ce n'est donc pas la raison qu'il faut haïr, mais son usage, ou mésusage, sophistique ; non la vérité, mais samascarade. • Il en va de même lorsqu'on demande à la raison de résoudre des questions qui ne sont pas de son ordre, mais quiconcernent par exemple la foi ou l'art.

Si par nature elle est incompétente dans ces domaines, pourquoi le lui entenir rigueur? • Le plus souvent, la misologie résulte d'une frustration devant l'incapacité de la raison à nous procurer certaineschoses, notamment le bonheur.

Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant explique ainsi que le lienentre l'une et l'autre est extrinsèque.

Il ne faut donc pas remettre en question la raison sous prétexte que sonusage ne nous rend pas heureux.

Surtout, il faut distinguer le «véritable» bonheur, qui résulte de la pratique de lavertu, d'un bonheur sensuel éphémère dont la raison est par définition incapable. Puisque, en effet, la raison n'est pas suffisamment capable de gouverner sûrement la volonté à l'égard de sesobjets et de la satisfaction de tous nos besoins (qu'elle-même multiplie pour une part), et qu'à cette fin un instinctnaturel inné nous aurait plus sûrement conduits; puisque néanmoins la raison nous a été départie commepuissance pratique, c'est-à-dire comme puissance qui doit avoir de l'influence sur la volonté, il faut que sa vraiedestination soit de produire une volonté bonne, non pas comme moyen en vue de quelque autre fin, mais bonne ensoi-même; c'est par là qu'une raison était absolument nécessaire, du moment que partout ailleurs la nature, dansla répartition de ses propriétés, a procédé suivant des fins.

Cette volonté ne peut être l'unique bien, le bien toutentier; mais elle doit nécessairement être le bien suprême, car elle est la condition dont dépend tout autre bien,même toute aspiration au bonheur.

Dans ce cas, il est parfaitement possible d'accorder avec la sagesse de lanature le fait que la culture de la raison, indispensable pour la première de ces fins qui est inconditionnée, limite debien des manières, et même puisse réduire à rien, au moins dans cette vie, la réalisation de la seconde, lebonheur, qui est toujours conditionnée.

En cela, la nature n'agit pas contre toute finalité ; car la raison, quireconnaît que sa plus haute détermination pratique est de fonder une bonne volonté, ne peut trouver dansl'accomplissement de ce dessein qu'une satisfaction qui lui convienne, c'est-à-dire qui résulte de la réalisation d'unefin que seule encore une fois elle détermine, même si cela ne va pas sans porter quelque préjudice aux fins del'inclination." KANT Les Fondements de la métaphysique des moeurs explorent l'élément rationnel propre à l'action humaine, c'est-à-direce qui constitue le concept d'une volonté souverainement bonne en elle-même, indépendamment de touteinclination intéressée.

De cette façon, « l'autonomie de la volonté, principe suprême de la volonté » devra, selonKant, se ranger sous les lois d'une raison pratique, que récapitule le célèbre « impératif catégorique ». Le début de ce texte conteste la capacité de la raison à assurer la conservation, le bien-être, le bonheur del'homme.

En la matière, l'instinct eût été mieux indiqué.

Kant semble verser dans la misologie (ou haine de la raison)telle qu'on peut la rencontrer chez Pascal (« cette belle raison corrompue a tout corrompu », Pensées, Lafuma, 60)ou chez Rousseau, pour qui l'usage de la raison nous éloigne du premier sentiment de l'Humanité.Mais Kant invoque la sagesse de la nature qui nous a doté d'une raison.

Il faudra donc bien que la raison ait unedestination supérieure à la simple détermination des moyens de satisfaire nos inclinations sensibles (ce à quoi elle semontre d'ailleurs bien mauvaise conseillère).. »

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