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ROUSSEAU: N'allons pas surtout conclure avec Hobbes…

Publié le 27/02/2008

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N'allons pas surtout conclure avec Hobbes que, pour n'avoir aucune idée de la bonté, l'homme soit naturellement méchant ; qu'il soit vicieux, parce qu'il ne connaît pas la vertu ; qu'il refuse toujours à ses semblables des services qu'il ne croit pas leur devoir ; ni qu'en vertu du droit qu'il s'attribue avec raison aux choses dont il a besoin, il s'imagine follement être le seul propriétaire de tout l'univers. Hobbes a très bien vu le défaut de toutes les définitions modernes du droit naturel : mais les conséquences qu'il tire de la sienne montrent qu'il la prend dans un sens qui n'est pas moins faux. En raisonnant sur les principes qu'il établit, cet auteur devait dire que, l'état de nature étant celui où le soin de notre conservation est le moins préjudiciable à celle d'autrui, cet état était par conséquent le plus propre à la paix et le plus convenable au genre humain. Il dit précisément le contraire, pour avoir fait entrer mal à propos dans le soin de la conservation de l'homme sauvage le besoin de satisfaire une multitude de passions qui sont l'ouvrage de la société, et qui ont rendu les lois nécessaires. Le méchant, dit-il, est un enfant robuste. Il reste à savoir si l'homme sauvage est un enfant robuste. Quand on le lui accorderait qu'en conclurait-il ? Que si, quand il est robuste, cet homme était aussi dépendant des autres que quand il est faible, il n'y a sorte d'excès auxquels il ne se portét ; qu'il ne battît sa mère lorsqu'elle tarderait trop à lui donner la mamelle ; qu'il n'étranglét un de ses jeunes frères lorsqu'il en serait incommodé ; qu'il ne mordît la jambe à l'autre lorsqu'il en serait heurté ou troublé : mais ce sont deux suppositions contradictoires dans l'état de nature qu'être robuste et dépendant. L'homme est faible quand il est dépendant, et il est émancipé avant que d'être robuste. Hobbes n'a pas vu que la même cause qui empêche les sauvages d'user de leur raison, comme le prétendent nos jurisconsultes, les empêche en même temps d'abuser de leurs facultés, comme il le prétend lui-même ; de sorte qu'on pourrait dire que les sauvages ne sont pas méchants, précisément parce qu'ils ne savent pas ce que c'est qu'être bons ; car ce n'est ni le développement des lumières, ni le frein de la loi, mais le calme des passions et l'ignorance du vice qui les empêchent de mal faire (...).ROUSSEAU

La question qui fournit la toile de fond de ce texte est classique : les xviie et xviiie siècles lui ont fait une grande place dans leurs traités de « philosophie politique «, en l'absence d'une véritable théorie de l'histoire. C'est celle de l'état de Nature — Rousseau l'indique nommément au passage. Ici, il convient de la replacer dans une double perspective. D'une part, le problème du droit Naturel qui lui est étroitement lié, où se rencontrent juristes et théologiens, constitue l'axe de référence auquel il faut rapporter certaines allusions du texte pour les éclairer. D'autre part, on ne peut la séparer d'une interrogation qui parcourt toute l'oeuvre de Rousseau : comment comprendre la nature humaine, dès lors qu'elle a une histoire, celle de la raison (à ne pas confondre avec la conscience), de l'enfant à l'adulte, du sauvage au citoyen? Dans cette grande affaire, les interlocuteurs de Rousseau ne sont pas de moindre importance : Hobbes d'abord, dont le De Cive (1642) et surtout le Léviathan (1651) n'ont cessé, depuis leur publication, d'alimenter les débats les plus âpres; les Jurisconsultes ensuite, c'est-à-dire (pour ne citer que les deux plus célèbres) Grotius (avec son De jure belli et pacis, 1625) et Pufendorf (avec son De jure naturae et gentium, 1672). Mais on ne saurait oublier Locke (et son Deuxième Traité du gouvernement civil, 1690), ni non plus Spinoza (et son Traçtatus theologicopoliticus, 1670).  

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« (comme user de leur raison à abuser de leurs facultés) : on voit comment se trame la nécessité d'une conséquence.Mais celle-ci semble réactualiser une vieille histoire : Justin l'écrivait déjà des Scythes, sous les Antonins (traduit dulatin : « Chez eux, l'ignorance des vices est plus efficace que ne l'est chez les autres la connaissance de la vertu.»).

Le témoignage de l'historien ne contredit pas la déduction du logicien. 3.

Sur le fond du débat, maintenant, on voit tout ce qu'il faut éclairer, et comment procéder : on ne peutcomprendre la sévérité de Rousseau envers Hobbes qu'à la lumière de ce qui sépare Hobbes des tenants du droitnaturel classique (les Jurisconsultes).

C'est là le point sensible, puisque Rousseau loue Hobbes pour la perspicacitécritique dont il a fait preuve à l'égard de leurs définitions (il en a très bien vu le défaut), mais lui reproche de leur enavoir substitué une autre tout aussi fautive (comme on peut en juger aux conséquences « qu'il a tirées de la sienne»).a) Pour l'école du droit Naturel, il s'agissait d'affranchir la politique de la théologie, de libérer de la tutelle de l'Églisela science de l'État, sans pour autant séparer la politique de la morale (comme avait pu le faire Machiavel).

D'où lasupposition d'un état de Nature précédant l'état civil (dont la fonction est de lier plus fortement, aux termes d'uneconvention ou d'un contrat, ce qui est déjà lié à l'état de Nature) et caractérisé par les propriétés suivantes : tousles hommes y sont naturellement libres et égaux, les lumières de la droite raison rendent immédiatement perceptiblesles règles de droit et de devoir qui découlent de l'immanence des lois naturelles, enfin et surtout, les hommespossèdent tous, bien qu'isolés, un penchant naturel à !a bienveillance, un « instinct » de sociabilité qui les pousse às'unir (idée héritée d'Aristote et des Stoïciens).

Ainsi, l'état de Nature est un état de Paix.b) Pour Hobbes au contraire, au principe de l'état de Nature, aucun homme n'est naturellement sociable, chacunn'étant mû que par l'instinct de conservation et un instinct d'appropriation lui-même fonction des besoins naturels.Seulement, « plusieurs cherchent en même temps la même chose », comme l'écrit Hobbes, ou chacun veut être plusque les autres.

Il en résulte, conséquence d'un droit que chacun a sur tout (voilà le droit Naturel redéfini parHobbes), un état de concurrence et de crainte réciproque généralisées, qui font de tout Sauvage un méchant,parce que l'état de Nature n'est plus en lui-même qu'un état de guerre de tous contre tous (auquel le « contratsocial » a pour fonction de mettre fin, les lois civiles devant assurer la sécurité de chacun).

ROUSSEAU (Jean-Jacques). Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux Charmettes chez Mme de Warens, àMontmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par lesprotestants, son voyage en Angleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.Non plus que la mise à l'Assistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avecGrimm et Diderot.

Jean-Jacques Rousseau fut seul, chassé de partout, et c'est en méditant sur son existencemalheureuse, qu'il a pu énoncer sa doctrine de philosophe.

Sa philosophie n'est pas un système, mais une vision dela condition humaine.

— Contrairement aux Encyclopédistes, l'homme, pour Rousseau, est naturellement bon etjuste.

Il fut heureux lorsqu'il vivait sans réfléchir, au milieu de la nature, uniquement préoccupé des soins matérielsde la vie quotidienne.

Puis, il a cherché à paraître, à dominer.

Il a inventé la propriété.

Sont venus l'inquiétuded'esprit, le goût du luxe, l'ambition, l'inégalité, les vices, la philosophie.

La société a corrompu l'homme, en l'élevant àla moralité.

La vie idéale n'est pas le retour à l'état de nature ; mais elle doit se rapprocher le plus possible de la vienaturelle.

C'est le coeur qui fournit à l'homme la preuve des vérités morales et religieuses, qui lui permet de goûteraux plaisirs de la générosité, de la bienfaisance, de l'amitié.

L'enfant, naturellement bon, doit être éduqué de façon«négative».

Il faut laisser libre cours à son propre développement.

Rousseau prône les vertus de l'intuition et del'émotion.

— Le fondement de toute société, c'est le contrat social, par lequel chaque contractant renonce à sapropre liberté au profit de la communauté, et se soumet à la volonté générale.

Rousseau pose ainsi le principe de lasouveraineté populaire.

Tant en littérature qu'en philosophie ou en politique (la Révolution française le revendiqua),l'influence de Rousseau fut considérable.

Il a véritablement transformé la sensibilité humaine.. »

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