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« Amas d'épithètes, mauvaises louanges. Ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter. » Vous expliquerez cette pensée de La Bruyère et vous en montrerez, par des exemples, toute la vérité.

Publié le 16/02/2012

Extrait du document

Cette pensée est extraite du chapitre premier des Caractères, consacré aux Ouvrages de l'esprit; elle s'applique à l'histoire. Celle-ci, d'après La Bruyère, « embellit les actions des héros « — tout comme la poésie et l'éloquence — et, par une certaine « manière de raconter « les faits, elle ajoute à la gloire des grands hommes. Cette conception, pour être incomplète n'est cependant pas fausse. L'auteur envisage ici l'histoire sous un aspect bien défini; il précise le devoir de l'historien vis-à-vis de ses héros et le fait en termes heureux. Mais en serrant de près ce jugement on en peut dégager une opinion plus large. Il en ressort que La Bruyère, d'accord avec Bossuet, et contrairement à la plupart de ses contemporains, ne considère pas" l'histoire comme une .....

« nous manquent et, pour ne pas rester court, nous accumulons des adjectifs ronflants.

On nous demande : « Que pensez-vous de cet ouvrage?...

» Nous rayons parcouru distraitement, on nous l'avons &yore sans prendre la peine d"analyser notre plaisir, ou encore nous ne le connaissons que par oui-dire. Pour nous eviter un aveu penible, nous repondons sans sourciller...

c bath, nmehe, marrant, barbant, chic, epatant, passionnant, formidable...

» -- « Mais encore? ) insinuera un interlocuteur avise, « cela ne me renseigne pas, ne m'apprend pas en quoi consistent le merite et le charme de cette oeuvre mirifique...

ou les faiblesses de ce livre detestable.

» Amas d'epithetes, mau- vaises louanges!...

Le meme procede Berta dissimuler, l'embarras oft nous plongent parfois des Bens faut loner a tout prix et qui, personnages incolores, ne nous effrent qu'une pietre matiere.

Comment celebrer des vertus inexistantes, tout en respectant la verite? En ces occasions, l'epithete banale vient oppor- tunement a notre secours.

Celui, pent-etre, a qui s'adresse la louange, se laisse prendre a ce subterfuge; ma's les autres?...

Yen doutez pas, ils redisent in petto : c Amas d'epitlietes, mauvaises lononges 3.

Vous ayes rend:etre, au moires une fois dans votre vie, le Monsieur qui exagere dans tons les sans et ne suit pas dire : *raime ced; j'aime moires cela...

Cet artiste me plait; cet autre me plait moires.

» II Int faut, pour bien s'exprimer, noyer ces propositions si simples dans un flot crepithetes.

Le void engoue du peintre impressionniste a /a mode...

dans tin certain monde.

No risquez pas une critique, n'exprimes pas votre predilection pour les contours nettement dessines...

« C'est stupide, e'est inepte de decrier ainsi an artiste merveffieux, an genie aussi original, un coloriste incomparable, etc-, etc.

a L'epithete adruirative abonde stir ses levres et...

ne prouve rien en faveur du peintre ni du genre...

Celui-la an moires est sincere.

Mais que dire du flatteur qui, sciemment, froidement, altere lu verite? La fable fe Corbeau et to Renard n'a rien perdu de son actuante : Que vows etes jolt! Que vows me semblez beau!... Vous etes le Phenix des hates, de ces hots...

3 Les hommes sont peine phis difficiles a enjoler eta tromper -clue « Monsieur du Corbeau 3.

Deux ou trois bonnes epithetes, servies a point, et qui chatouillent l'amour-propre, la va- nite, suffisent encore.

Combien de fois le refectoire, les abords de la « bon- bonniere n'ont-ils pas ate temoins de ces manceuvresinteresseesl.- «T'es un bon type, passe-m'en un peu! » ou bien, d'un air Mad* an glisse an voi- sin : « II a bon cceur, n'est-ce pas? 3 Et celui qui vient de recevoir les gate- ries maternelles ou de faire emplette de comestibles se laisse toucher ne vent pas faire mentir le flagorneur qui, en croquant la friandise extorquee, ne se defend pas de penser : « C'est egaL elle a in gout de poise! Les, epithetes les plus elogieuses n'ont aucun prix si elks ne sont renforcees par des preuves; la valeur, le merite se revelent par des faits : « ce sont les faits qui louent Bossuet le comprit en face du cercueil de Conde : 1 Nous ne pouvons rien, faibles orateurs, pour la &Dire des Ames, extraordinaires; le sage a.

raison de dire que leurs seules actions les peuvent totter a.

Une analyse de cette °raison funebre montre goo l'orateur se tint parole : tons les eloges qu'il adresse au hems portent sur des faits précis.

Pour prouver son courage, it nous peint Conde dormant de sa personae a Rocroi et a.

Fri- bourg.

pour prouver sa modestie, it nous le.

represente a la cour, au lende- Maim de ces vietoires, repoussant les « louanges comme des, offenses 3.

Vante- t-il son genie militaire? il le suit a Senef, a Steinkerque, a Lens; ii le met en Parallele avec Turenne.

Veut-il enfin loner sa pike? Il nous, raconte sa vie de recueillement a Chantilly et surtout ses derniers moments : le moribond faisant repeter par, trois fois les « saintes prieres des agonisants 3; se con- fessant avec humilite, componction et eonfianee; arretant amoureusement nous manquent et, pour ne pas rester court, nous accumulons des adjectifs ronflants. On nous demande: « Que pensez-vous de cet ouvrage?...» Nous Ifavons parcouru distraitement, ou nous Pavons dévoré sans prendre la peine cPanàîyser notre plaisir, ou encore nous ne le connaissons que par ouï-dire.

Pour nous éviter un aveu pénible, nous répondons sans sourciller...

« batk, moche, marrant, barbant, chic, épatant, passionnant, formidable...

» — « Mais encore? » insinuera un interlocuteur avisé, « cela ne me renseigne pas, ne m'apprend pas en quoi consistent le mérite et le charme de cette œuvre mirifique... ou les faiblesses de ce livre détestable. » Amas d'épithètes, mau­ vaises louanges!..* Le même procédé sert à dissimuler l'embarras où nous plongent parfois des gens qu'il faut louer à tout prix et qui, personnages incolores, ne nous offrent qu'une piètre matière. Comment célébrer des vertus inexistantes, tout en respectant la vérité? En ces occasions, l'épithète banale vient oppor­ tunément à notre secours. Celui, peut-être, à qui s'adresse la louange, se laisse prendre à ce subterfuge; mais les autres?...

N'en doutez pas, ils redisent im peito : «Amas d'épithètes, mauvaises louanges».

Vous avez rencontré» au moins une fois dans votre vie, le Monsieur qui exagère dans tous les sens et ne sait pas dire : « J'aime ceci ; f aime moins cela— Cet artiste me plaît; cet autre me plait moins.

» Il lui faut, pour bien s'exprimer, noyer ces propositions si simples dans un flot d'épithètes. Le voici engoué du peintre impressionniste à la mode...

dans un certain monde.

Ne risquez pas une critique, n'exprimez pas votre prédilection pour les conteurs nettement dessinés... « (Test stupiàe, c'est inepte de décrier ainsi un artiste merveilleux, un génie aussi original, un coloriste incomparable, efe^ etc.

» L'épithète adroîrative abonde sur ses lèvres et...

ne prouve rien en faveur du peintre ni du genre...

Celui-là au moins est sincère. Mais que dire du flatteur qui, sciemment, froidement, altère la vérité? La fable le Corbeau et le Renard n'a rien perdu éei son actualité : « Que vous êtes joli! Que vous me sembiez beauf...

Vtous: êtes te Phêmx des hôtes, de ces bois...

» Les hommes sont à peine plus difficiles à enjôler et à tromper que « Monsieur du Corbeau ».

Deux ou trois bonnes épithètes, servies à point, et qui chatouillent l'amour-propre, la va­ nité, suffisent encore.

Combien de fois le réfectoire, les abords de la « bon­ bonnière» n'ont-ils pas été témoins de ces manœuvres intéressées !..* « T'es un bon type, passé-m*en un peut » ou bien, d'un air détaché, on glisse au voi­ sin : « Il a bon cœur, n'est-ce pas? » Et celui qui vient de recevoir les gâte­ ries maternelles ou de faire emplette de comestibles se laisse toucher i M ne veut pas faire mentir le flagorneur qui, en croquant la friandise extorquée, ne se défend pas de penser : « C'est égal, elle a un goût de poire! » t Les.

épithètes les plus élogieuses n'ont aucun prix si elles ne sont renforcées par des preuves; la valeur, le mérite se révèlent par des faits : « ce sont les faits qui louent ».

Bossuet le comprit en face du cercueil de Condé : « Nous ne pouvons rien, faibles orateurs, pour la gloire des âmes extraordinaires; te sage a raison de dire que «leurs seules actions les, peuvent louer». Une analyse de cette oraison funèbre montre que l'orateur se tint parole : tous les éloges qu'il adresse au héros portent sur des faits précis^ Pour prouver son courage, il nous peint Condé donnant de sa personne à Rocroi et à Fri- ttourç,; pour prouver sa modestie, il nous le représente à la cour, au lende- inain de ces victoires, repoussant les « louanges comme des offenses ».

Vante- t-il son génie militaire? il le suit à Senef, à Steinkerque* à Lens; il le met en parallèle avec Turenne. Veut-il enfin louer sa piété? Il nous raconte sa vie de recueillement à Chantilly et surtout ses derniers moments : le moribond faisant répéter par.trois fois les «saintes prières des agonisants»; se con­ fessant avec humilité, componction et confiance; arrêtant amoureusement. »

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