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KANT: sortir de la minorité

Publié le 19/03/2009

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kant
Accéder aux Lumières consiste pour l'homme à sortir de la minorité où il se trouve par sa propre faute. Être mineur, c'est être incapable de se servir de son propre entendement sans la direction d'un autre. L'homme est par sa propre faute dans cet état de minorité quand ce n'est pas le manque d'entendement qui en est la cause mais le manque de décision et de courage à se servir de son entendement sans la direction d'un autre. Sapere aude! [Ose savoir!] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Telle est la devise des Lumières. [...] Il est donc difficile pour chaque homme pris individuellement de s'arracher à la minorité, qui est presque devenue pour lui une nature. Il y a même pris goût et il est pour le moment réellement incapable de se servir de son propre entendement, parce qu'on ne lui en a jamais laissé faire l'essai. Préceptes et formules, instruments mécaniques permettant un usage raisonnable ou plutôt un mauvais usage de ses dons naturels, sont les entraves qui perpétuent la minorité. Celui-là même qui les rejetterait ne franchirait le plus étroit fossé que d'un saut encore mal assuré, parce qu'il n'est pas habitué à une semblable liberté de mouvement. C'est pourquoi il n'y a que peu d'hommes qui soient parvenus à s'arracher à la minorité en exerçant eux-mêmes leur esprit et à marcher malgré tout d'un pas sûr. KANT

Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme, progressivement, s'arrache de la "minorité". L'état de "minorité" est un état de dépendance, d'hétéronomie (1). Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loi qu'il s'est lui-même prescrite mais au contraire vit sous la tutelle d'autrui. Altérité aliénante empêchant l'individu de se servir de son propre entendement. Autrement dit, le principe d'action subjectif de l'individu n'est plus sa propriété, son œuvre propre mais l'œuvre d'un autre. Que l'on songe ici aux implications politiques d'un tel renoncement à la pensée et à l'action. Tous les despotismes n'ont-ils pas pour soubassement l'abdication des sujets soumis?

Le texte ne porte pas de façon évidente sur une notion précise du programme. Certes, il y est question de la raison (ligne 6), de la liberté (lignes 11 et 17), du travail (ligne 12), et de l'activité de penser. Mais c'est surtout de l'état de minorité qu'il est question. Le terme de minorité a d'abord un sens juridique qui l'oppose à l'état de majorité. Mais ici ces notions ont un sens philosophique, il faut donc s'appliquer à mesurer le déplacement de sens que leur imprime la réflexion kantienne. Implicitement, Kant définit la majorité comme l'état de celui qui pense par lui-même (cf. fin du texte). La minorité n'est donc pas cet état où l'individu n'est pas considéré comme juridiquement responsable, c'est l'état de celui qui est « incapable de se servir de son propre entendement«. Or, l'enfant n'est pas seul dans ce cas : ils sont « peu nombreux ceux qui sont arrivés (...) à s'arracher à la minorité «. Ce qui d'un point de vue chronologique est une phase normale du développement de l'être humain apparaît comme une atteinte à la liberté lorsque l'individu reste fixé à un stade qu'il aurait dû quitter. En redéfinissant les termes de minorité et de majorité, Kant pose le problème de la conquête par la pensée de sa propre autonomie : comment cette conquête est-elle possible ? L'opposition entre les deux paragraphes du texte est à cet égard significative : si l'individu seul ne peut pas accéder à l'état de majorité, il le peut avec les autres. Le plan pourra reprendre cette opposition.

kant

« tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysseaimaient leur abrutissement.

S'il y a donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclavescontre nature.

La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués. " Mais ne nous y trompons point, il ne s'agit , ni pour Rousseau , ni pour Kant , de légitimer le fait de l' " esclavage " ou de la " minorité ", mais, de reveiller les consciences de leur somnambulisme du renoncement, de leur léthargie de l'acceptationde l'inacceptable. On l'aura compris la maxime (2) des Lumières est de susciter cette reprise en mains de soi par soi, et ce, enaccomplissant cet acte de courage de penser par soi-même en toutes les circonstances de l'existence:"Sapere aude ! ", "Ose te servir de ton entendement ! ". En effet, qu'est-ce que l'entendement sinon cette faculté de connaissance, capable de juger le vrai du faux,le bien du mal et de se positionner par rapport à eux.

L'entendement, capable d'activité, de délibérationfonde au plus haut point notre humanité et indissociablement notre dignité (3): " Or je dis : l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle outelle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ces actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en mêmetemps comme un fin.

Tous les objets des inclinations n'ont qu'une valeur conditionnelle ; car, si lesinclinations et les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait sans valeur.

Mais les inclinationsmêmes, comme sources du besoin, ont si peu une valeur absolue qui leur donne le droit d'être désirées pourelles-mêmes, que, bien plutôt, en être pleinement affranchi doit être le souhait universel de tout êtreraisonnable.

Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par notre action est toujours conditionnelle.

Lesêtres dont l'existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais de la nature, n'ont cependant,quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu'une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi onles nomme des choses ; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leurnature les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas êtreemployé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d'autant toute faculté d'agir commebon nous semble (et qui est un objet de respect) ". (" Fondements de la métaphysique des mœurs "). En sommant l'homme de sortir des nimbes d'un sommeil que l'on pourrait qualifier de dogmatique, les"Lumières " affirme le primat de la détermination pratique (5) sur le savoir théorique (5) .

Passage de la contemplation à la responsabilisation. (1) Hétéronomie : Condition d'un individu ou d'un groupe obéissant à une loi reçue de l'extérieur.

Kant nomme principes hétéronomiques de la moralité les déterminations de la volonté faisant appel à d'autresressorts que la seule idée de loi en général: éducation, constitution civile, sentiment (physique ou moral),idée de perfection ou volonté de Dieu - tous ayant en commun de situer l'existence morale soit trop bas(épicurisme), soit trop haut (morales théologiques), mais jamais au niveau requis. (2) Principe : au sens normatif, règle ou norme d'action. (3) Dignité : En morale, caractère de la personne humaine ayant une valeur telle qu'elle doit toujours être traitée comme une fin et jamais simplement comme un moyen.

Alors que les choses n'ont qu'une valeurrelative, autrement dit un prix, les personnes, qui sont supérieures à tout prix, " ont une valeur intrinsèque, cad une dignité " (Kant ). (4) Pratique : est pratique tout ce qui est possible du fait de la liberté Les principes pratiques sont des propositions renfermant une détermination générale de la volonté: ils sont considérés par un sujet commevalant seulement pour sa volonté; ils sont objectifs et sont des lois pratiques, lorsqu'ils sont valables pour lavolonté de tout être raisonnable.

La connaissance pratique est la connaissance par laquelle je me représentece qui doit exister. (5) Théorique : La connaissance théorique est la connaissance non pas de ce qui doit être, mais de ce qui existe.

L'usage théorique de la raison est celui par lequel je connais a priori, nécessairement etuniversellement que quelque chose est.. »

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