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PASCAL Les Pensées (édition Le Guern) Fragment 94 Justice, force

Publié le 03/09/2012

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b) avec un peu de lucidité certains comprennent que cette supériorité des nobles n’est qu’une illusion car elle repose sur le hasard de la naissance. Ces « demi-habiles « se croient alors autorisés à mépriser les nobles. c) en réfléchissant davantage « les habiles « comprennent que pouvoir des nobles est indispensable à l’ordre social donc ils respectent les nobles. d) au-delà du politique les hommes très religieux, « les dévots «, qui ne réfléchissent pas suffisamment, se croient autorisés à mépriser les nobles au nom de la religion et de Dieu face auquel toutes les supériorités humaines sont misérables. e) enfin on trouve l’attitude la plus valable, celle des « chrétiens parfaits «; qui respectent les nobles non pas par ce qu’ils croient à leur supériorité comme le peuple, ni seulement parce que ce respect garantit l’ordre social, comme les habiles ont raison de le penser, mais parce que Dieu a voulu qu’il en soit ainsi. Bien sûr on peut appliquer cette progression au jugement de toute l’organisation de la société : on voit que pour Pascal l’analyse ne doit pas s’arrêter à la logique rationnelles des rapports entre force et justice mais intégrer une perspective métaphysique : toute réalité doit se penser sous le regard de Dieu.

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« Le compromis peut se réaliser de deux façons : 1) « faire que ce qui est juste soit fort » :Dans le premier cas on donne l'avantage à la justice qui reste alors souveraine, dominant la société.

La force lui est associée comme un instrument qui garantitl'efficacité.

La justice est alors la fin de l'organisation sociale et la force un simple moyen à son service.

Officiellement c'est ainsi que se présentent les institutions eten particulier l'institution judiciaire : on considère comme une évidence que les lois et les juges incarnent l'idéal de justice. 2) « ou que ce qui est fort soit juste » :Dans le second cas c'est au contraire la force qui est souveraine : la violence reste son essence, sa fin, mais elle utilise la justice comme un moyen.

Ainsi elle faitréférence aux valeurs morales pour avoir plus d'efficacité et éviter d'être contestée.

On le voit dans les Etats totalitaires qui cachent la violence derrière de bellesjustifications On a donc le choix entre donner l'efficacité à la justice et donner une façade de légitimité à la force. IV La solution effective : le triomphe de la force A) les causes 1) « la justice est sujette à dispute » :Dans plusieurs fragments Pascal insiste sur la relativité des valeurs.

On ne trouve nulle part un principe absolu, une conception universelle de la justice maisseulement des coutumes qui varient suivant les sociétés.

Il y a donc une relativité des valeurs parce que celles-ci sont subjectives.

Cela affaiblit considérablement lacause de la justice. 2) « la force a contredit la justice » :Pascal emploie trois fois le verbe dire (ou d'un composé) pour bien montrer que la force, dont le principe est physique et pratique, envahit le domaine de la justicepuisque le langage est un instrument intellectuel, théorique.

Il y a donc une ambiguïté du langage dans la mesure où il manifeste la dimension spirituelle de l'homme,être de conscience et de raison, et qu'en même temps il peut être mis au service de la force contre les valeurs revendiquées par notre conscience.

On le voitconcrètement dans toutes les manipulations que les différents pouvoirs peuvent exercer, les pressions médiatiques, l'endoctrinement idéologique etc..

Le danger etl'efficacité de la force tiennent donc à sa capacité de se déplacer sur le terrain opposé et d'utiliser les armes mêmes de la justice.

A l'inverse cette dernière n'a pas lesmoyens d'intervenir dans le domaine pratique de la force : « ne pouvant faire ».Dès lors cette inégalité de moyens conduit inévitablement à la défaite de la justice qui consiste moins en un écrasement de la justice qu'en une contestation interne,qui aboutit d'abord à une dénégation (puisque la force réussit à faire croire que la justice « était injuste ») puis à une substitution : la force se présente elle-mêmecomme étant la justice .

On assiste à une sorte de coup d'Etat : la force prend la place (et le titre) de la justice. B) l'aboutissement 1) « on a fait que ce qui est fort fût juste » :La tournure impersonnelle « on a fait » marque le caractère collectif de ce processus : il ne faut pas accuser tel ou tel personnage historique mais c'est la conséquencede la nature même de l'homme ; nous en sommes donc tous responsables.

Cette tournure impersonnelle montre aussi que le problème politique et social est celui dugroupe pris comme une unité (et non comme la juxtaposition de millions d'individus) : le pouvoir est face à une opinion publique et il est indispensable que cetteopinion reconnaisse la légitimité du pouvoir : d'où l'importance de l'image que l'opinion publique se fait du pouvoir.

On retrouve là le thème, majeur chez Pascal, del'imagination : dans la réalité de la société la justice repose uniquement sur des apparences.

Le pouvoir appartient à la force qui utilise la justice comme un masque,une façade.

Concrètement cela signifie que les institutions (les lois, le tribunal, le pouvoir politique) n'incarnent pas les valeurs qu'elles prétendent représenter : lajustice reste irréductible au droit. 2) double acceptation : le conservatisme de Pascal- Pascal n'est pas un contestataire qui pousse à des réformes : il prétend simplement expliquer.

Surtout il voit un immense avantage qui justifie qu'on ne change rien :si l'on remettait en cause la légitimité du pouvoir on déclencherait des guerres permanentes et on aboutirait à l'anarchie, comme le montre le fragment 56.

Aucontraire, le fait que le pouvoir donne l'illusion d'être juste garantit la paix sociale.

C'est-ce qu'indique le fragment 76 : afin « que la paix fût, qui est le souverainbien ».

Somme toute la pire des injustices c'est la guerre, même si elle est faite au nom des valeurs.- Mais le but plus général de Pascal est de rappeler la misère de l'homme.

Il s'agit donc de mettre en question les prétentions de l'homme qui croit que dans la sociétéil a été capable d'établir un monde de justice.

En réalité cette justice n'est qu'une comédie, mais c'est l'ordre voulu par Dieu, suite à nos péchés.

Dès lors dans lefragment 83 Pascal peut distinguer 5 regards sur la réalité sociale selon le degré de compréhension de l'individu.

Il en fait l'application sur la question particulière desprivilèges de la noblesse :a) la naïveté consiste à croire que l'organisation sociale est juste, comme elle le prétend ; c'est l'attitude du peuple qui respecte les nobles, ce qui garantit l'ordre et lapaix.b) avec un peu de lucidité certains comprennent que cette supériorité des nobles n'est qu'une illusion car elle repose sur le hasard de la naissance.

Ces « demi-habiles » se croient alors autorisés à mépriser les nobles.c) en réfléchissant davantage « les habiles » comprennent que pouvoir des nobles est indispensable à l'ordre social donc ils respectent les nobles.d) au-delà du politique les hommes très religieux, « les dévots », qui ne réfléchissent pas suffisamment, se croient autorisés à mépriser les nobles au nom de lareligion et de Dieu face auquel toutes les supériorités humaines sont misérables.e) enfin on trouve l'attitude la plus valable, celle des « chrétiens parfaits »; qui respectent les nobles non pas par ce qu'ils croient à leur supériorité comme le peuple,ni seulement parce que ce respect garantit l'ordre social, comme les habiles ont raison de le penser, mais parce que Dieu a voulu qu'il en soit ainsi.Bien sûr on peut appliquer cette progression au jugement de toute l'organisation de la société : on voit que pour Pascal l'analyse ne doit pas s'arrêter à la logiquerationnelles des rapports entre force et justice mais intégrer une perspective métaphysique : toute réalité doit se penser sous le regard de Dieu. Conclusion Pascal montre à la fois la grandeur et la misère de l'homme : sa misère vient ici de ce que la société ne présente qu'une façade de justice puisqu'en réalité le pouvoirappartient toujours au plus fort.

Mais on voit aussi la grandeur de l'homme : d'abord parce qu'il a le sens des valeurs, qu ‘il manifeste une exigence de justice.

Ensuiteparce qu' il a le pouvoir de réfléchir, d'utiliser ce que Pascal appelle « la pensée de derrière », qui lui permet de dissiper les illusions, donc ici de prendre consciencede la réalité du pouvoir social, même si pour Pascal il faut, en dernière analyse, l'accepter.. »

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