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La vérité historique : le problème du négationnisme

Publié le 22/02/2012

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1- Comment opère l'historien négationniste dans sa reconstitution des faits ? Le négationniste, au regard du troisième paragraphe du texte, recourt à une falsification méthodique reposant d'une part sur la mise à l'écart de tout témoignage « plus ou moins gênant » et d'autre part sur la lecture littérale de toutes les formes d'expression atténuées induites tant par la censure administrative que par l'horreur du propos. Cette lecture littérale nie le caractère euphémistique de documents codés à destination d'un public averti. L'exemple par excellence de ce codage réside dans la traduction de Sonderaktion : « sonder » signifie littéralement « spécial », « particulier » et ne désigne l'extermination que dans le contexte précis du régime nazi. Pour un public non averti, il ne doit nulle part être question d'extermination d'où le recours à des formules atténuées, opaques au public.

« 6) La question de l'extermination par les chambres à gaz s'inscrit sous le signe d'une preuve non ontologique : de même que chezDescartes l'existence de Dieu est contenue dans son essence (si Dieu se définit par la perfection alors, l'existence étant à compterparmi les perfections, il faut nécessairement que Dieu existe), pour les révisionnistes l'inexistence des chambres à gaz est contenuedans leur définition (« par définition elles n'existent pas »).

Ce postulat d'inexistence des chambres à gaz entraîne un jeu subtil detraduction : Vergasung signifie gazage lorsque le mot est accompagné d'une négation (ex.

: keine Vergasung ) et se transforme en carburation lorsqu'il est employé positivement (ex.

: Vergasungskeller devient, au lieu de chambre à gaz, chambre de carburation !). 7) Tout ce qui confirme l'extermination est, sinon discrédité au nom des principes précédents, du moins simplement ignoré etpassé sous silence.

Le recours aux écrits d'Hoess susceptibles d'expliciter le propos sibyllin de Kremer est péremptoirementrejeté, au nom d'une évidence tacite. 8) La mauvaise foi est de règle : il s'agit de relever consciencieusement toute coquille, tel un chiffre de victimes surévalué, ouencore de rejeter la réalité de l'extermination sous couvert de sa parfois scandaleuse exploitation idéologique [Vidal-Naquelpense ici à une mythification de la shoah par des factions sionistes extrémistes.

Voir à ce sujet les récents travaux de l'historienneisraélienne Idith Zertal, La nation et la mort. ] 2- Quelle critique en fait Georges Wellers ? L'article de Georges Wellers dans Le Monde du 21 février 1979 « répond » à la publication par le même quotidien le 29 décembre 1978 d'un article de Robert Faurisson qui mettait en question l'existence des chambres à gaz comme moyend'extermination pendant la seconde guerre mondiale.

Wellers refuse d'accorder le statut d'historien au négationniste – qu'il nenomme jamais directement – et préfère l'assimiler à un romancier.

Le romancier construit une fiction autour d'une thèse dans unsouci de cohérence interne plutôt que de concordance avec la réalité : il s'agit de construire une vraisemblance, aucunement detranscrire la vérité.

Wellers souligne le caractère inventif, pour ne pas dire délirant, des lectures négationnistes : elles brodentautour des faits mentionnés, en inventent des explications.

Ainsi les trois femmes suppliant qu'on leur laisse la vie sauvedeviennent-elles sans justification historique aucune des condamnées à mort dont il est superflu d'énumérer les crimes (« Normal,n'est-ce pas ? »).

On pourra s'interroger sur l'évidence de cette condamnation (« par qui, quand et pourquoi ? » demandeWellers). Dans les travaux négationnistes la conclusion précède les preuves et sert de grille de lecture, d'instrument de sélection et d'interprétation des documents historiques.

La construction qui en découle n'a plus vocation de travail historique mais de roman,dicté par une source d'inspiration : la muse négationniste – Rassinier aux nombreux émules.

Ainsi retrouve-t-on cette assimilationà du « roman inspiré » dans un texte de Vidal-Naquet à propos des Comptes fantastiques de Paul Rassinier .

De même Vidal- Naquet reprend l'opposition histoire/ roman à propos du film de 1979 Holocauste qui, à son sens, se détourne du souci de vérité historique pour créer une fiction cohérente et vraisemblable autour de l'extermination, ravivant la crise révisionniste en Occident.Ce film serait à l'origine d'une « spectacularisation du génocide », de sa « transformation en objet de consommation de masse »,dès lors soumis aux modes et au relativisme.

Au spectaculaire d' Holocauste il préfère la sobriété signifiante de Shoah par Lanzmann.

[Un Dvd d'extraits de Shoah accompagné d'un livret est disponible au cabinet d'histoire]. L'entreprise révisionniste tente donc d'apparaître pour ce qu'elle n'est pas, à savoir un effort pour écrire et penser l'histoire.

Or, là réside le danger : le négationniste brigue l'autorité d'un courant dissident, s'inscrivant en marge de l'histoireofficielle ; Wellers nous met en garde : « s'il le fait avec autorité et habileté, le truc risque de réussir », au point qu'il devient délicatd'exercer un droit de réponse face aux négationnistes.

Lorsque Wellers s'insurge dans Le Monde du 21 février 1979, il se garde bien de s'adresser directement à Faurisson et autres négationnistes, de même que Vidal-Naquet réaffirme son refus de dialogueravec eux : « un dialogue entre deux hommes, fussent-ils adversaires, suppose un terrain commun, un commun respect, enl'occurrence de la vérité.

Mais avec les révisionnistes , ce terrain n'existe pas.

Imagine-t-on un astrophysicien qui dialoguerait avec un « chercheur » qui affirmerait que la lune est faite de fromage de Roquefort ? (Vidal-Naquet, ibid ., page 9).

Répondre aux révisionnistes, ce serait par un mécanisme insidieux leur accorder la légitimité d'un courant historique marginal et opposer dèslors deux « thèses » historiques à propos du génocide : l'une « exterminationniste », affirmant la réalité de l'extermination, et l'autrenégationniste, niant cette même réalité.

Dès lors le public n'aurait plus qu'à choisir…Or, il n'y a pas là lieu d'un choix entre deuxthèses, mais éradication d'un mensonge et de discours délictueux.

C'est pourquoi il est bon de substituer au terme de« révisionnistes » (qu'utilise Vidal-Naquet ) celui de « négationnistes » : la révision pourrait se targuer d'un esprit critique de. »

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