C'est quand nous sommes aux prises avec l'adversité, que nous pouvons apprécier la sincérité de ceux qui se disaient nos amis

« 1.76 RECUI!:IL Il faut bien avouer que ces amitiés fondées uniquement sm· l'estime et le sentiment naturel qui portent deux per­ sonnes l'une vers l'autre, sont assez rares, et que ce que nous appelons vulgairement de ce nom ne sont, comme dit le même auteur, qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité.

L'occasion ne se présentant pas, les avantages d'un commerce amical n'existant plus, l'amitié ne sc forme pas ou elle dispa­ t•aît avec sa raison d'être.

Les gens riches ou élev{~s en dignité, au miliru des nombreux courtisans de la fortune ou du pouvoir qui les entourent, semblent devoir rencontrer de véritables amis plus difficilement encore que les personnes moins favo­ risées du sort.

Certes, s'ils sc contentent des témoignages extérieurs de l'amitié, ils seront largement satisfaits.

Il ne manque pas de gens intéressés qui, pour mériter leur bienveillance, leur prodigueront les offres de dévouement, et se diront prêts it tous les sacrifices.

Il y a même plus de sincé!rité qu'on ne croit dans ces sentiments.-Il est si facile, en ef­ fet, de se dévouet· en imagination seulement; ct puis le pouvoir et la richesse nous donnent une si haute opinion de ceux qui les possèdent, que nous sommes naturelle­ ment disposés à leur accorder tous les genres de mérite et de vertu.

De lil à la plus chaude amitié il n'y a pas loin.

Comment ceux qui en sont l'objet poun·aicnt-ils distinguer parmi tant d'amis ceux ,que guide un sentiment désinté­ ressé pour leur personne? Cela est bien diftîcile, sinon impossible, à moins toutefois qu'ils ne perdent ou leur fortune ou leurs dignités : c'est quand nous sommes aux prises avec l'adversité que nous pouvons apprécier la sincérité de ceux qui se disaient nos amis.

Personne alors n'a plus à feindre à notre égard des. »