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A quoi tiennent les illusions de la conscience ?

Publié le 07/08/2005

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conscience
Le psychique ne coïncide pas en toi avec le conscient : qu'une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose. A l'ordinaire, j'en conviens, le service d'information fait à ta conscience peut suffire à tes besoins. Tu peux te bercer de l'illusion que tu apprends tout ce qui est le plus important. Mais dans bien des cas, par exemple à l'occasion de l'un de ces conflits pulsionnels, il te fait faux bond, et alors ta volonté ne va pas plus loin que ton savoir. Mais, dans tous les cas, ces renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs ; bien souvent encore il se trouve que tu n'es informé des événements que lorsqu'ils sont accomplis et que tu n'y peux plus rien changer. Qui pourrait, même lorsque tu n'es pas malade, estimer tout ce qui se meut dans ton âme dont tu ne sais rien ou sur quoi tu es faussement renseigné ? Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. » C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie pulsionnelle de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

La conscience désigne la connaissance immédiate que chacun possède de son existence, de ses états affectifs et représentatifs, de ses actions, ou encore du monde extérieur. Mais, si elle se caractérise par une certaine connaissance de soi ou du monde, elle est aussi le lieu propre d’une égale méconnaissance. En effet, le sujet conscient peut être trompé ou leurré, alors même qu’il pense avoir une connaissance vraie de son objet. Nous dénonçons communément cet état comme une illusion de la conscience. Il s’agit d’une méprise des sens ou de l’esprit qui se laissent abuser par l’apparence, bien que le sujet soit par ailleurs pleinement conscient de l’objet qu’il vise. Dès lors, déterminer à quoi tiennent les illusions de la conscience nous confronte à une difficulté fondamentale. En effet, les illusions ne semblent pas toutes relever du même ordre. Par exemple, une illusion d’optique telle qu’une rame plongée dans l’eau, apparaissant brisée alors qu’elle est droite, est-elle comparable à l’illusion de Swann, dans le roman de Proust A la recherche du temps perdu, qui croit aimer une femme alors qu’il découvrira par la suite qu’il n’en est rien ? Ainsi, toutes les illusions de la conscience ont-elles la même origine ?

 

conscience

« b.

C'est à Spinoza que l'on doit d'avoir formulé pour la première fois une conception positive de l'illusion.

Aussi considère-t-il, dans la préface du Traité Théologico-politique , les superstitions comme les plus grandes illusions humaines.

Il apparaît qu'elles résultent de craintes motivées par le désir etl'incertitude de la fortune, et sont donc irréductibles à une déficience dusavoir.c.

Précisons ces deux points consécutifs.

Tout d'abord, les illusions de laconscience résultent des passions, que Spinoza définit comme des affectionsnécessaires, dont l'individu n'est pas cause adéquate (cf.

Définitions du livreIII de l' Éthique ).

En outre, elles sont bien des idées fausses, mais ces dernières ne consistent pas en un simple manque de savoir.

L'idée fausse aune réalité positive, en tant qu'idée, c'est-à-dire que sa positivité ne peutêtre ôtée par la présence du vrai, seul un affect peut supprimer un affect.Dans l' Éthique (IV, prop.32), Spinoza en donne l'exemple suivant : le soleil est distant 600 fois du diamètre terrestre et pourtant cela ne l'empêche pasd'être près de nous.d.

Nous avons dégagé la positivité des illusions : elles ne tiennent pas à unmanque de savoir, mais à un affect, que Spinoza définit comme passion.

Ilappartient alors à l'homme de s'en libérer en faisant de son affect passif unaffect actif. III.

Les illusions de la conscience tiennent à la raison, mais aussi à des facteurs historiques etpsychologiques a.

Les illusions de la conscience ne se limitent pas aux seules superstitions.

Certaines idées posées par la raisonpeuvent paraître illusoires.

Dans la Critique de la raison pure (Dialectique transcendantale, « De l'usage régulateur des Idées de la raison pure »), Kant peut ainsi montrer que les illusions sont internes à la raison.

A cet effet, il distingue deux facultés humaines : l'entendement, qui ramène le divers del'expérience phénoménale à l'unité du concept (par exemple la causalité), etla raison qui ramène les concepts à l'unité de principes généraux, qui formentdes Idées inconditionnées (le Moi, le Monde et Dieu).

Le problème que poseKant est alors celui de la légitimité de l'usage de ces Idées.

Or, elles ont unusage régulateur et non constitutif, c'est-à-dire qu'elles peuvent servir derègle pour l'accroissement de nos connaissances, mais on ne peut pasaffirmer la réalité de leur contenu (on ne peut pas établir la réalité de l'âme,du monde et de Dieu, mais seulement la postuler).

L'illusion inhérente à laraison consiste à affirmer la réalité de ces Idées : « la raison est poussée par un penchant de sa nature qui n'est autre que son intérêt pratique,l'établissement du souverain bien, à sortir de l'expérience pour s'élancer,dans un usage pur et à l'aide des simples idées, jusqu'aux extrêmes limitesde toute connaissance » .

Les illusions tiennent à la nature de la raison elle- même ; c'est donc en limitant son usage que nous pouvons nous en prémunir.b.

Cependant, si Kant définit la raison comme le lieu même des illusions, il nesemble pas en expliquer l'origine.

Le matérialisme historique répond à cettelacune en montrant qu'elles sont des produits sociaux, qui échappent à toutelogique rationnelle.

Dans L'Idéologie allemande , Marx montre ainsi que les idées sont produites par d'autres puissances (les individus divisés en classes),et non par elles-mêmes.

Le mécanisme propre de l'idéologie consiste alors àfaire oublier la condition de production des idées, afin de les ériger en entitésautonomes (par exemple, la Justice, le Droit, l'Homme). c.

En outre, la psychanalyse montre que les illusions de la conscience tiennent aussi à l'existence de l'inconscient.Dans la Métapsychologie (« Le Moi et le Ça »), Freud peut montrer que le Moi conscient est séparé par clivage de l'inconscient.

Dès lors, le sujet n'a pas pleinement conscience des motivations psychologiques qui l'animent.

Ainsi, lepersonnage de Proust vit dans l'illusion d'aimer une femme pour des motifs inconscients qui lui échappent.

Conclusion Les illusions de la conscience ne semblent tenir qu'à un défaut de savoir, dans la mesure où nous pensonspouvoir nous en libérer par la connaissance.

En vérité, la puissance propre de l'illusion consiste à se jouer de nouscomme du savoir qui voudrait trop rapidement la dissiper.

La conscience est le lieu d'une multiplicité d'illusions : leseffets d'optiques, les idées, certains états affectifs, tiennent en définitive à des instances différentes.

Mais, par-delà cette multiplicité et ces différences, il apparaît que les illusions de la conscience tiennent toutes à des réalitésqui lui échappent, de l'ordre du désir, qu'on les nomme passions, « penchant naturel de la raison », ou motivationspsychologiques inconscientes.. »

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