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AUTRUI (cours de philosophie)

Publié le 27/01/2020

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philosophie

Rien de bien étonnant à cela. Il suffit de se rappeler que «nous avons été enfants avant que d’êtres hommes » (Descartes).

Né immature, le petit enfant ne vit que nourri, langé, soigné par un autre, son semblable qu’il ne connaît ni ne reconnaît immédiatement pour tel : mais aussi bien ne se connaît-il pas comme étant lui-même. Conscience, conscience de soi et conscience d’autrui vont, semble-t-il, de pair : le premier objet de la conscience n’est sans doute pas une «chose», pas même le corps, mais un autre chéri, craint, voire détesté, parfois le tout ensemble, la mère selon la nature ou la situation, c’est à dire biologique ou adoptive. En ce sens on pourrait dire que le premier objet de la conscience de l’homme, c’est l’homme lui-même: il faut préciser que cet homme-objet n’est pas une généralité comme lorsqu’on parle du genre humain, c’est à dire de tous les hommes, un universel anonyme, mais un individu unique et sexué: la mère. Il n’est pas certain que cette relation primitive à deux suffise à constituer la conscience d’autrui : à un certain stade du développement de la conscience infantile, la dualité est peut-être même un obstacle à surmonter au profit de l’intégration d’une relation triangulaire permettant la reconnaissance d’autrui en général. Ainsi renoncer à l’amour exclusif de sa mère et pour sa mère, intérioriser sa situation de fils du père, et par là se voir contraint d’abandonner la quiétude du bonheur tout imaginaire d’être entre-soi, tel est pour le petit garçon le sens de la crise « oedipienne» analysée par S. Freud : faut-il ajouter qu’aussi bien mythes, contes, romans mettent en scène la même nécessité, celle d’en finir avec l’enfance? Pourtant un fait essentiel paraît acquis : la co-présence d’autrui à la conscience du sujet qui sans lui n’est pas vraiment une conscience de soi. Comme si Je n’était que par un autre Je, celui d’autrui.

Simplement vécue, cette relation semble poser peu de problèmes, à ceci près qu’elle n’est jamais simplement vécue. En effet autrui, qui apparaît d’abord sous des espèces familières car familiales, est tout aussi bien un sujet d’inquiétude et d'angoisse. Perçu par la conscience, il lui est aussi extérieur car autre ou différent. La conscience sait bien qu’il est le même, c’est à dire une autre conscience de soi, mais précisément il n’est pas elle-même, puisqu’il est autre. En ce sens autrui est ce qui empêche la conscience de soi - moi c’est moi - de se sentir chez elle puisqu’elle loge en elle-même un double, un étranger ; l’aspect rassurant du chez soi s’en trouve deux fois troublé : 1) par la découverte que l’autre est différent, même si c’est un autre Je, l’autre est un « moi »; 2) par la saisie simultanée que le Je propre est affecté de la même étrangeté pour l’autre Je et donc pour lui-même, puisque ce dernier est lui-même. En d’autres termes, le fait que le Je soit Je par l’autre implique la découverte contradictoire et de la familiarité et de l’étrangeté, au sens propre des termes du Je et de l’autre. C’est ce couple contradictoire qui met fin aux évidences rassurantes énoncées ci-dessus et fait apparaître la nécessité de poser le problème philosophique de l’Autre.

1. Sciences humaines et philosophie: un exemple, le racisme.
La précision est d’importance puisque les « sciences humaines », psychologie, psychanalyse, histoire, mais aussi le droit, prétendent toutes à une expression rigoureuse, voire scientifique du problème d’autrui, et par là même mettent en question, sinon en cause, la légitimité d’un discours philosophique sur ce thème. La « concurrence » porte sur les abstractions dont nous venons de parler: les sciences humaines, le droit ne parviendraient-ils pas à énoncer des solutions théoriques et pratiques là où la philosophie doit se contenter modestement de formuler un problème ? Un exemple concret permettra de cerner les contours de la difficulté.
Le racisme est un fait de société tout comme l'antisémitisme: Ils sont des figures exemplaires du jeu dialectique de la familiarité et de l'étrangeté propre à la conscience de soi dans ses rapports avec l’autre comme différent et comme étant eile-même. Les sciences humaines donnent des explications de ces phénomènes : on le rapportera qui à une conscience psychologique «faible », qui à une situation sociale fragilisée par la « crise », qui à une situation juridique privilégiant celui-ci aux dépens de celui-là. On aura raison : pourquoi les mêmes ouvriers des chantiers navals qui avaient fait de Kiel une forteresse rouge pendant les années tumultueuses qui suivirent la défaite de 1918, accueillent triomphalement le chancelier A. Hitler qu'ils ont élu en 1933 ? La réponse n’est pas à chercher seulement dans une violence qui imposerait cette faveur : ils ont voté massivement pour lui ; est-elle à découvrir dans une « psychologie de masses » transformant les groupes sociaux structurés en « foules » moutonnières ? La question est plus intéressante encore que les réponses qu’on lui a parfois données. On en dira autant des cols blancs : les « cols blancs » dans l’Allemagne hitlérienne répondent assez bien à ce syndrome que l’on trouve également chez les « petits blancs » de l’époque coloniale. On aboutit ainsi à une banalité, voire à une banalisation : les phénomènes raciste et antisémite révèlent les médiocres et ceux-ci se manifestent particulièrement lorsque leur médiocrité se trouve rabaissée plus bas que terre par des contextes économiques défavorables. Que ces explications soient insuffisantes saute aux yeux : le racisme et l’antisémitisme ne sont pas nécessairement le fait des médiocres, dans la mesure où ils ont pu et peuvent caractériser des sociétés entières, dont on aurait tort d’affirmer qu’elles étaient constituées de médiocres, ou alors ce dernier terme ne signifie rien. On n’a pas tort de se méfier de ce genre de schémas, qui particularise un phénomène tel que le racisme en le limitant à une catégorie sociale ou psychologique, procédure rassurante puisqu’elle donne facilement bonne conscience à tous ceux (Ils sont légion I) qui ne se sentent pas médiocres.

AUTRUI

Introduction: l’existence d’autrui pose-t-elle un problème philosophique?

1. Pour la philosophie moderne, un problème de connaissance :

Descartes juge des chapeaux ambulants. Sciences humaines et philosophie: un exemple, le racisme.

2. La reconnaissance d’autrui:

a. l’approche affective : Rousseau et la pitié.

b. l’approche polémique: Hobbes.

c. du sujet de droit à la personne universelle : la dialectique hégélienne et la personne universelle.

Conclusion : par-delà droit et morale, vers le concret.

le « Je pense, je suis », être à la première personne du singulier et penser sont réciproques, car leur connaissance ne suppose aucune cause extérieure tout le temps que s’effectue cette pensée ou Cogite. On peut appeler suffisance épistémologique et ontologique cette indépendance du sujet découverte dans le Cogite. Elle exclut le corps : Hobbes avait cru devoir objecter à Descartes :

« Car ce raisonnement ne me semble pas bien déduit, de dire : je suis pensant, donc je suis une pensée; ou bien je suis intelligent, donc je suis un entendement, car de la même façon je pourrais dire : je suis promenant, donc je suis une promenade. »

(111° Objections 2° Objection)3.

C’était là ne point prendre au sérieux la démarche cartésienne et en particulier la mise hors circuit des corps frappés de doute depuis la Première Méditation. Dans le Cogito, le sujet se découvre comme pensée pure, c’est à dire pensée qui n’est pas corps et n’en dépend point. A cette pensée, il appartient de juger et non point de voir, car pour voir il faut des yeux, donc un corps, donc l’union de l’âme et du corps qui est substantielle, mais dans la IIe Méditation on est loin du compte. Aussi, Descartes qui veut montrer que l’esprit humain «est plus aisé à connaître que le corps » (c’est le sous-titre de la II° Méditation), disqualifie-t-il la perception sensible, en montrant que les qualités sensibles d’un morceau de cire échauffé sont si contradictoires qu’il ne lui reste d’unité que celle, jugée, d’un fragment d’étendue géométrique et de ses modifications (figure et mouvement). Le sens commun disait avec la sensation : la cire est dure, molle, inodore, odorante, etc. ; le jugement identifie la cire géométriquement du moins quant à son essence, puisque rien n’assure qu’il existe quelque chose comme de la cire. De la même façon, (la réflexion de Descartes sur les hommes-chapeaux est introduite à la faveur d’une comparaison avec la vue de la cire) si le sujet juge correctement qu’il s’agit, non d’automates, à l’apparence d'hommes, mais d’hommes véritables, c’est précisément parce qu’il n’en croit pas ses yeux : ceux-ci sont incapables de faire la différence parce qu’ils n’en ont pas les fondements : ce n’est pas leur fonction ! L’identification d’autrui repose donc sur le jugement non, comme on pouvait l’attendre, sur la preuve de simple vue qui n’en est pas une.

Descartes ne donne guère de détails sur ce jugement qui me fait conclure aux hommes distincts de chapeaux ambulants. Mais l'essentiel n’était point là pour lui : il voulait simplement mettre en garde contre l’apparente facilité qu’il y a à identifier autrui au simple vu de son corps : en concurrence avec celui d’un automate coiffé d’un chapeau, il n’est pas de critère sensible de sa distinction ; seul le jugement peut distinguer, non la perception4. C’est que le corps d’autrui, en dépit de sa massivité qui s’impose à mes sens, est tout aussi douteux que mon propre corps, du moins quant à son existence envisagée théoriquement. Il n’y aura donc pas de connaissance immédiate d’autrui puisque le seul être que je puisse connaître immédiatement, c’est par intuition mon propre être comme substance pensée, donc indépendamment de mon propre corps. La rencontre avec autrui ne pourra se faire qu’analogiquement lorsqu’on possession des termes permettant d’établir une proportion, je trouverai que ce qu'est mon âme à mon corps visible, l’âme d’autrui doit l’être à son corps. L’enchaînement peut paraître long, voire inutile, lorsqu’il s’agit d’une « évidence » aussi massive, mais cette objection est sans force; car elle repose sur la négligence de l’ordre de la connaissance, et il s’agit d’elle lorsqu’on pose la question philosophique : qu’est-ce que connaître autrui ? Si c’est un sujet qui pose la question et y répond, il ne pourra le faire qu’en sujet, et autrui apparaîtra se retirer de la périphérie de son propre corps pour signifier sa différence par cette absence, son identité devenant le produit de l’identification d’un jugement qui distingue l’homme de l’automate porteur de chapeau. Conséquence : jamais autrui n’est apparu aussi éloigné, jamais le sujet n’a été aussi solitaire, voire solipsiste5. Conclusion qu’il faut assortir d’une restriction: du moins du point de vue de la connaissance.

Or le solipsisme n’est pas seulement insupportable pratiquement (ce ne serait pas un argument), il est incompatible avec la constitution de la vérité qui pour Descartes constitue la téléologie des Méditations Métaphysiques. La vérité implique (on l’a dit ci-dessus) la présence des autres : sinon elle ne serait pas universelle. Je puis bien être certain de mon existence, cette

4. Du moins dans l’ordre théorique propre aux Méditations et qui met le sujet découvert dans le Cogito dans une situation sans alterego. Dans l’attitude pratique un critère d’identification apparaît immédiatement à qui examine, il est vrai : le langage. Ainsi Descartes écrit-il au marquis de Newcastle le 23 novembre 1646:

« Enfin il n’y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu’il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent sans se rapporter à aucune passion. »

Mais pour parler ou écouter, il faut être sûr du corps, de l’union de l’âme et du corps, et ceux-ci ne sont point encore fondés dans la Seconde Méditation.

5. Le solipsisme caractérise, dans l’ordre théorique, l’attitude du sujet vis à vis de ses représentations : traitées comme des idées, elles ne peuvent jamais se transformer en réalités ; en ce sens les représentations que le sujet a des autres ne lui délivrent pas autrui mais seulement des idées, il se retrouve donc tout seul. Descartes n’est pas menacé par le solipsisme, parce que celui-ci n’apparaît qu’au cours de l’extraordinaire machine des Méditations ; pratiquement, le sujet a affaire à des sujets parlants, ce qui lui donne un critère d’identification parfaitement suffisant.

3. Comme on sait, les Méditations furent à la demande de Descartes l’objet de discussions publiques et donnèrent lieu à la rédaction d’objections par des philosophes ou théologiens célèbres, tels que Gassendi, Hobbes ou Arnauld. Descartes y répondit séparément et ces Réponses constituent le meilleur commentaire du texte des Méditations qu’elles accompagnent presque toujours dans les bonnes éditions classiques et scolaires. Ici III0 Objections signifie l’ensemble des objections adressées par Hobbes à Descartes, la 2° étant la seconde des 15 adressées par l’illustre philosophe anglais.

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Pour la philosophie moderne, un problème de connaissance : Descartes juge des chapeaux ambulants. Sciences humaines et philosophie: un exemple, le racisme.

2.

La reconnaissance d'autrui: a.

l'approche affective : Rousseau et la pitié. b.

l'approche polémique: Hobbes. c.

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