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Chrysippe

Publié le 22/02/2012

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" Sans Chrysippe il n'y aurait pas de portique. " Les témoignages des anciens s'accordent sur ce jugement, d'autant plus remarquable qu'il n'est pas vrai à la rigueur. Troisième directeur de l'École, Chrysippe semble plutôt se contenter de prendre la suite. Il continue l'oeuvre de Zénon de Cittium, le fondateur en titre qu'il n'a pas connu, et de Cléanthe, esprit peu puissant dont il accepte de rester l'élève pendant de longues années, jusqu'à accéder, après sa mort, au scholarchat ; il a dépassé alors la cinquantaine. Il est vrai qu'il s'écarte sur certains points de ses prédécesseurs, mais dans l'ensemble il fait figure de conservateur et de défenseur, se soumettant le premier à cette orthodoxie qu'il devait systématiser lui-même et fixer définitivement aux yeux des générations suivantes. C'est un fait assez rare dans l'histoire des idées que le " second fondateur " d'une doctrine, joignant l'originalité à la fidélité, donne à son travail de restauration un tour personnel. Le fait s'explique en partie par le stoïcisme même qui a toujours su rassembler des hommes fort différents et autoriser des divergences sans compromettre son unité fondamentale. Mais il a sa raison aussi dans la personnalité de Chrysippe qui, résistant à l'attrait des doctrines adverses et à la tentation de fonder une secte dissidente, s'est exprimée, avec toute sa ferveur et son intelligence, dans l'adhésion aux dogmes de Zénon.    Quand Chrysippe, venant de sa Chypre natale, débarque à Athènes, le Portique est en difficulté avec les écoles environnantes et, surtout, avec lui-même. Parmi les disciples de Zénon, les uns affaiblissent la doctrine à force de médiocrité, d'autres, en exagérant tel trait, la simplifient et l'altèrent ; d'autres enfin l'abandonnent ouvertement. Au dehors, Cléanthe résiste mal aux attaques redoutables de la Nouvelle Académie et à la pression des écoles rivales qui, elles aussi, mais par des voies plus directes ou plus riantes, garantissent à leurs adeptes l'accès au bonheur : cyrénaïsme, cynisme et Jardin d'Epicure. Si Chrysippe sauve le stoïcisme de la décomposition interne et l'empêche d'être absorbé par les établissements concurrents, c'est qu'il renouvelle l'organisation de l'école et que, du vivant encore de Cléanthe, il prend la direction du combat contre le scepticisme académique. Mais la raison véritable de son succès est d'avoir repensé entièrement la doctrine de Zénon et de l'avoir inventée, si l'on peut dire, par ses propres moyens. Ce disciple de la troisième génération n'a rien d'un épigone ; son enseignement procède d'une conviction que seule peut donner la découverte personnelle, et c'est à bon droit que les anciens l'ont considéré, selon le mot d'Athénée, comme " le chef du Portique ".   

« " Sans Chrysippe il n'y aurait pas de portique.

" Les témoignages des anciens s'accordent sur ce jugement, d'autant plus remarquable qu'il n'estpas vrai à la rigueur.

Troisième directeur de l'École, Chrysippe semble plutôt se contenter de prendre la suite.

Il continue l'oeuvre de Zénon de Cittium , le fondateur en titre qu'il n'a pas connu, et de Cléanthe , esprit peu puissant dont il accepte de rester l'élève pendant de longues années, jusqu'à accéder, après sa mort, au scholarchat ; il a dépassé alors la cinquantaine.

Il est vrai qu'il s'écarte sur certains points de ses prédécesseurs,mais dans l'ensemble il fait figure de conservateur et de défenseur, se soumettant le premier à cette orthodoxie qu'il devait systématiser lui-même etfixer définitivement aux yeux des générations suivantes.

C'est un fait assez rare dans l'histoire des idées que le " second fondateur " d'unedoctrine, joignant l'originalité à la fidélité, donne à son travail de restauration un tour personnel.

Le fait s'explique en partie par le stoïcisme mêmequi a toujours su rassembler des hommes fort différents et autoriser des divergences sans compromettre son unité fondamentale.

Mais il a saraison aussi dans la personnalité de Chrysippe qui, résistant à l'attrait des doctrines adverses et à la tentation de fonder une secte dissidente, s'estexprimée, avec toute sa ferveur et son intelligence, dans l'adhésion aux dogmes de Zénon.

Quand Chrysippe, venant de sa Chypre natale, débarque à Athènes, le Portique est en difficulté avec les écoles environnantes et, surtout, aveclui-même.

Parmi les disciples de Zénon, les uns affaiblissent la doctrine à force de médiocrité, d'autres, en exagérant tel trait, la simplifient etl'altèrent ; d'autres enfin l'abandonnent ouvertement.

Au dehors, Cléanthe résiste mal aux attaques redoutables de la Nouvelle Académie et à la pression des écoles rivales qui, elles aussi, mais par des voies plus directes ou plus riantes, garantissent à leurs adeptes l'accès au bonheur :cyrénaïsme, cynisme et Jardin d' Epicure .

Si Chrysippe sauve le stoïcisme de la décomposition interne et l'empêche d'être absorbé par les établissements concurrents, c'est qu'il renouvelle l'organisation de l'école et que, du vivant encore de Cléanthe , il prend la direction du combat contre le scepticisme académique.

Mais la raison véritable de son succès est d'avoir repensé entièrement la doctrine de Zénon et de l'avoirinventée, si l'on peut dire, par ses propres moyens.

Ce disciple de la troisième génération n'a rien d'un épigone ; son enseignement procède d'uneconviction que seule peut donner la découverte personnelle, et c'est à bon droit que les anciens l'ont considéré, selon le mot d'Athénée, comme" le chef du Portique ".

Malgré sa renommée de philosophe, nous ne savons presque rien sur sa vie.

La tradition, pourtant si friande d'anecdotes édifiantes etd'apophtegmes frappants, a retenu peu de détails pittoresques et ne connaît aucun récit pathétique sur sa mort ; elle ne lui attribue même pas le" suicide raisonnable " qu'avaient pratiqué ses deux prédécesseurs.

On nous parle surtout de son activité de professeur et de savant.

De sonérudition aussi, qui était prodigieuse, et de sa capacité de travail : à en croire sa vieille femme de ménage, il se serait astreint à rédiger cinq centslignes tous les jours.

Il aurait écrit sept cent cinq livres (dont même le catalogue ne nous a pas été conservé intégralement et dont nous neconnaissons que des " fragments " d'après des citations faites par des écrivains postérieurs) ; on ajoute que le tout était composé avec uneentière négligence de la forme et du style.

D'autres récits indiquent une conscience très forte de sa propre valeur, jointe à l'indépendance à l'égarddes pouvoirs établis, à Athènes ou ailleurs.

Il accepte le droit de cité, mais sans en faire aucun usage ; contrairement à une coutume alors fortrépandue, il ne dédie pas ses traités à des rois et il refuse, malgré les encouragements de Cléanthe H1056 , de représenter le stoïcisme à la cour du roi Ptolémée P2391 .

Ce dernier trait n'est pas sans rappeler la célèbre lettre de Spinoza H049 à Fabritius P1569 , et sans doute pourrait-on prolonger cette comparaison (" il vivait pauvrement, dit un texte, tout en possédant de la fortune "), si nos sources étaient plus abondantes.

Elles suffisenten tout cas pour nous faire deviner, derrière une vie consacrée à la philosophie et à l'enseignement, cette disponibilité stoïcienne, à laquellemanquait seulement l'occasion pour se manifester avec éclat et dans des gestes propres à étonner les chroniqueurs.

On ne comprendrait pas, sanscela, qu'un Epictète H017 ait pu vivre ce même stoïcisme dont Chrysippe avait fait la théorie.

La restitution exacte des apports de Chrysippe est la tâche encore inachevée d'une érudition que le peu d'abondance et l'imprécision des sourcesne favorisent guère.

Il apparaît, en tout cas, que le rôle principal de Chrysippe a été de constituer en un système cohérent les intuitions globales,parfois rudimentaires, de ses devanciers ; de les illustrer aussi par des observations concrètes et de les défendre avec une vigueur dialectique etune subtilité qui faisaient dire aux anciens que " si les dieux faisaient de la dialectique, ce serait celle de Chrysippe ".

C'est lui également quioriente décidément la doctrine vers un monisme, et son nom est attaché à des pièces maîtresses du système, comme la théorie des passions, cellede l'individualité, l'anthropologie ; l'élaboration de la logique paraît tout entière son oeuvre, et c'est surtout sous la forme que lui a donnéeChrysippe, que nous connaissons la célèbre doctrine du Destin.

Ce mot même de destin a assuré de tout temps la popularité du stoïcisme et a porté son influence bien au-delà desécoles et des philosophes de métier.

Rien de plus naturel.

Le précepte stoïcien : suivre de bon gré, plutôt que de se laisser traîner de force, est rejoint par la sagesse populaire : " Faire contre mauvaise fortune bon coeur ", " Faire de nécessité vertu ".

La mauvaise fortune nous impose au moins le simulacre des courbettes, et le tempérament lemoins porté au défaitisme éprouve la pression de la nécessité.

En ce sens, nous sommes tous stoïciens par nature,le renard de la fable qui fit mieux que de se plaindre, et le loup de la poésie romantique qui fit preuve de " stoïquefierté ".

Mais il y a bien des manières de " suivre " et bien des motifs pour se laisser traîner : le désir de sauver la face, lavanité, l'orgueil, le dédain et le " froid silence ", le mépris ; et aussi la modestie, le plaisir de s'humilier, l'abandon,l'attrait de l'échec et la délectation de jouer perdant, le recours absolutoire à la " fatalité ".

Toutes ces attitudes,selon les sujets, sont à portée de main et elles sont à l'égard du stoïcisme authentique ce que le psychologisme està l'idée de la logique pure.

Les Stoïciens qui, en général, ont exigé " l'absence des passions ", ont noté plusieurs deces motivations passionnelles qui aident à produire le geste du consentement, sans vertu véritable : " l'humeursombre ", la " pose tragique ", " l'esprit d'opposition ", " l'habitude ".

Mais le consentement au Destin doit procéderde la seule raison et il suppose un savoir théorique, celui précisément que promet la philosophie.

Toutes ces variétés de ce qu'on pourrait appeler le stoïcisme spontané ou populaire se font du destin une idée fortdifférente de celle de Zénon ou de Chrysippe.

C'est une force mystérieuse ou, plus souvent, un personnage muetauquel on prête un rôle et des sentiments : on l'imagine indifférent, jaloux, malveillant, arbitraire, fantasque,capricieux ou cruel, voire absurde.

C'est que la passion doit susciter une autre passion pour lui donner la réplique ; ilest difficile de monologuer face à un mur.

Mais chez les Stoïciens, c'est à une raison que répond la raison du sage.. »

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