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Commentaire - Montesquieu - Esprit des lois : la non-confusion des pouvoirs

Publié le 23/03/2015

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montesquieu

Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.

Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État. [...]

Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté ; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.

Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur.

 

Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.

montesquieu

« Textes commentés 41 Dans cette page de L'Esprit des lois, Montesquieu dit retracer le modèle 1 constitutionnel de l'Angleterre, puisque, selon lui, cette nation du monde a la liberté politique «pour objet direct de sa Constitution ».

Loin des préjugés et des partis pris, il examine donc, fidèle à sa méthode de travail, « les principes » sur lesquels cette Constitution fonde la liberté car, dit-il, ils y apparaissent « comme dans un miroir ».

Mais cette page illustre a donné lieu -et, alors que deux cent cinquante années ont passé, donne encore lieu - à controverse.

On a reproché à Montesquieu de ne pas avoir analysé scientifiquement - objectivement -la Constitution anglaise et d'avoir plutôt exposé ses idées personnelles en matière de législation constitutionnelle et de réformisme politique.

Ce grief n'est pas tout à fait sans fondement car la Constitution de l'Angleterre hanovrienne que Montesquieu a prise comme modèle était loin d'être aussi rationnellement construite qu'il le croyait.

Au demeurant, le reproche a assez peu de portée puisque Montesquieu n'entend pas faire œuvre d'historien mais cherche les conditions juridiques qui rendent possible la liberté politique.

En revanche, beaucoup plus important est le débat auquel donne lieu la lecture, nécessairement interprétative, du fameux chapitre sur la Constitution d'Angleterre que, bien souvent, les commentateurs ont réduit à la première phrase - ne respectant pas de surcroît sa littéralité -pour y déchiffrer la thèse de la « séparation des pouvoirs » dont s'alimente généralement la théorie constitutionnelle et, spécialement, le constitutionnalisme français.

Or, cette lecture est au cœur de la controverse dont il faut ici rappeler la teneur.

Selon la lecture « séparatiste » - que Ch.

Eisenmann a appelée « l'interprétation juriste du xxe siècle » - les trois pouvoirs étatiques, législatif, exécutif et judiciaire, sont distribués entre trois organes différents, distincts et absolument indépendants les uns des autres, de sorte que chacun d'eux reçoive et exerce sans réserve le monopole de ses prérogatives.

La séparation des pouvoirs qu'aurait préconisée Montesquieu, peut-être en se souvenant de Locke, serait donc à la fois matérielle et fonctionnelle et elle serait fondée sur l'idée que chaque organe doit avoir une compétence propre absolument « séparée » de celle qui est impartie aux autres organes institutionnels : de la sorte, la puissance législative appartiendrait au corps législatif et n'appartiendrait qu'à lui ; la puissance exécutive serait dévolue au monarque ou au chef d'État sans empiétement possible sur les autres pouvoirs ; la puissance judiciaire ne relèverait que de tribunaux indépendants.

Selon Carré de Malberg, qui défend cette interprétation, « le principe de la séparation des pouvoirs se fonde sur un concept suivant lequel les citoyens ne. »

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