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Dans le Prospectus de l'Encyclopédie, Diderot insiste sur la valeur des arts « mécaniques » ou techniques et sur la nécessité de former de bons artisans : « Nous avons vu, dit-il, des ouvriers qui travaillent depuis quarante ans sans rien connaître à leurs machines. » Il faut donc les instruire par le livre, par l'expérience, par le dessin, la gravure, les figures, les planches, dont l'Encyclopédie même va donner le modèle dans ses derniers tomes. « De plus — ajoute Diderot dans l'arti

Publié le 10/02/2011

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diderot

1. Manière dont il est posé: « Pensez-vous que l'Encyclopédie a atteint -ce double but? « On voit aussitôt deux questions : 1° « Ce double but a-t-il été vraiment poursuivi par l'Encyclopédie? « 2° « A-t-il été atteint du vivant des Encyclopédistes, et, d'une façon générale, par la suite? « Mais les deux parties de notre développement ainsi déterminées ne se suivront pas automatiquement, c'est-à-dire lorsque l'une aura été achevée et conduite méthodiquement jusqu'au bout : ce serait s'exposer à d'inévitables répétitions et, de plus, méconnaître la liaison qui existe entre les deux citations du même auteur, tirées l'une du Prospectus, l'autre, de l'article Encyclopédie.

diderot

« 1° Leur rôle dans la société du XVIIe siècle. On sait qu'au XVIIe siècle, le travail, de façon générale, est considéré comme dégradant.

Il y a de la distinction, del'honneur à y être soustrait.

Or, parmi les travaux, ceux qui dégradent le plus, ce sont les besognes matérielles,celles qui sont exercées mécaniquement, qui mettent en œuvre nos instruments naturels : les organes de notrecorps.

Le dictionnaire de Richelet (1680) définit mécanique par « bas, vilain et peu digne d'une personne honnête etlibérale », celui de l'Académie, par « sordide, mesquin ».

La Bruyère lui-même associe vil à mécanique (Caractères,XII, 20). C'est l'oisiveté qui est la vraie condition de l'homme supérieur et surtout de l'honnête homme tel que l'ont définiPascal et le Chevalier de Méré.

On peut, à la rigueur, exercer une profession libérale, de robe ou de plume; mais lanoblesse d'épée méprise ces parvenus.

Au dernier rang viennent les marchands, les artisans, les laboureurs, c'est-à-dire les professions mécaniques. La Bruyère, cependant, le premier, ose protester : « Il y a des créatures de Dieu qu'on appelle des hommes, qui ontune âme qui est esprit, dont toute la vie est occupée et toute l'attention est réunie à scier du marbre : cela estbien simple, c'est bien peu de chose.

Il y en a d'autres qui s'en étonnent, mais qui sont entièrement inutiles et quipassent leurs jours à ne rien faire : c'est encore moins que de scier du marbre » (Des Jugements, 102).

Ainsi, lephilosophe peut regretter que l'esprit soit appliqué entièrement à des besognes matérielles; mais ce qu'il ne sauraitadmettre, c'est que des inutiles osent porter ce jugement. Il faudra donc que les idées fassent encore bien du chemin, jusqu'à ce qu'on arrive à la véhémente protestation d'unRousseau : « Abaissez-vous à l'état d'artisan, pour vous élever au-dessus du vôtre.

De roche parasite, de seigneur,devenu, comme Emile, menuisier, ou, si vous ne pouvez, scieur de marbre : ainsi, vous serez bon à quelque chose etvaudrez du moins un peu plus que vous ne valez.

» (L'Emile.) 2) Réformes envisagées par les Encyclopédistes. a) La réhabilitation des arts mécaniques.

— Cette tendance apparaît nettement dans le Discours Préliminaire : «'Ona trop écrit sur les sciences; on n'a pas assez écrit sur la plupart des arts libéraux; on n'a presque rien écrit sur lesarts mécaniques.

» Or L'Encyclopédie veut avant tout faire apparaître la solidarité des sciences et des arts, lessecours mutuels que les unes prêtent aux autres, les liaisons, les entrelacements du savoir et de la technique, cequi conduit à une vue philosophique de l'esprit humain dans tous les genres et tous les siècles.

C'est principalementDiderot qui se livre à cette étude, la plus minutieuse, la plus difficile et la plus ingrate.

Ainsi, pour l'explication dechaque art particulier, il suit toujours la même méthode, traitant : 1° de la matière, des lieux où elle se trouve; 2°des principaux ouvrages qu'on en fait; 3° des outils et des machines nécessaires; 4° de la main-d'œuvre.

Cependant« ...

Un dictionnaire pur et simple de définitions, quelque bien qu'il soit fait, ne peut se passer de figures sanstomber dans des descriptions obscures ou vagues...

» D'où l'idée de recourir au dessin et à la gravure, d'une façongénérale aux planches, «car ...

un coup d'œil sur l'objet ou sur sa représentation en dit plus qu'une page dediscours.

» (Discours préliminaire). Ainsi les arts sont amplement réhabilités par la place même qu'ils occupent dans le dictionnaire.

Mais qui s'agit-ild'instruire? En premier lieu les artisans. b) La réhabilitation des artisans.

— Il s'agit en effet de réhabiliter et d'éclairer les artisans dont le rôle est jugé siimportant pour le progrès du bien-être et partant pour la civilisation.

Or, la plupart « de ceux qui exercent les artsmécaniques ne les ont embrassés que par nécessité et n'opèrent que par instinct » (Discours préliminaire).

Les plusmodestes métiers témoignent de la beauté du travail bien fait et de l'éminente dignité de l'ouvrier qui comprend etaime son labeur.

Dans cet ordre d'idées, l'Encyclopédie fut une œuvre éminemment démocratique, dissipant lespréjugés de classe, éclairant les esprits et les consciences, apprenant aux Grands à estimer ceux auxquels ilsdevaient les multiples agréments de leur vie.

En ce qui concerne les ouvriers eux-mêmes, l'éducation fut toujours lemoyen le plus sûr de relever la dignité humaine. Mais il y a plus : les Encyclopédistes défendent hardiment la thèse que l'artisanat a une utilité sociale, estindispensable à la vie de la nation; car « l'avantage que les arts libéraux ont sur les arts mécaniques, par le travailque les premiers exigent de l'esprit et la difficulté d'y exceller, est suffisamment compensé par l'utilité supérieure queles derniers nous procurent pour la plupart ».

Ainsi Diderot commence, dans l'article Forges par exemple, par insistersur l'importance nouvelle de l'industrie.

Puis il regrette que les fourneaux et les forges soient, pour la plupart, à ladisposition d'ouvriers ignorants.

Or, d'après lui, la distinction que méritent des manufactures de cette espèce devraitêtre particulière : « elles mettent dans la société des matières nouvelles et nécessaires ; il en revient au roi unproduit considérable, et à la nation un accroissement de richesses égal à ce qui excède la consommation duroyaume, et passe chez l'étranger ».

C'est donc chez les artisans qu'il faut aller chercher, en fin de compte, lespreuves les plus admirables de la sagacité de l'esprit, de sa patience et de ses ressources.

Ainsi seule compteral'utilité sociale et sans doute l'exercice des métiers et le perfectionnement de l'outillage sont plus utiles à la sociétéque les conversations de salon sur les problèmes de psychologie amoureuse. Enfin, dans l'ordre des métiers, il s'agit de donner une place de choix à l'agriculture, à répandre les procédés d'uneculture rationnelle : car c'est la culture qui fonde la richesse d'un pays.. »

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