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De Giotto à la Renaissance

Publié le 26/02/2010

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Si l'on compare la peinture italienne de la fin du XIIIe siècle et celle du Quattrocento, on est frappé par la différence qui existe entre les manières de penser et de voir, malgré la persistance des dogmes et des thèmes. Ce changement fut attribué au seul Giotto, dont on faisait jadis " proles sine matre ". Les nombreuses études publiées depuis cinquante ans ont prouvé que, si profonde qu'ait été l'action de cet artiste, les causes étaient plus complexes et les influences plus diverses. Dès les XIe et XIIe siècles, la peinture italienne devait ses caractères non seulement à la tradition romaine, mais aux apports byzantins, carolingiens, othoniens et même musulmans. L'Orient méditerranéen avait fourni des techniques ­ celles de la fresque, de la tempéra, de la mosaïque de verre ­, des thèmes ­ dont les uns, issus de la Byzance savante, étaient théologiques, idéalistes, liturgiques, les autres, venus des couvents de la Syrie et de la Cappadoce, réalistes et populaires ­, un mode de dessin au trait et de peinture par zones, une manière schématique de suggérer la nature, sans souci de la profondeur ni de la perspective. A l'art carolingien et othonien, l'Italie devait quelques thèmes iconographiques, quelques motifs ornementaux, aux Musulmans sannites, un décor géométrique, aux Musulmans chiites, le sens d'une vie élégante, des scènes de chasse, des représentations d'animaux, etc. Au XIIe siècle, les étroites relations de la France et de l'Italie enrichirent le vieux fonds iconographique de thèmes occidentaux, comme le Couronnement de la Vierge, ou comme les sujets empruntés aux chansons de geste, et lui infusèrent une sensibilité due à la poésie courtoise. Toute la chrétienté ne se contentait plus d'écouter un enseignement dogmatique, elle éprouvait un immense besoin d'amour. La prédication de saint François d'Assise avait été précédée en Orient comme en France par les mystiques effusions d'orateurs populaires, parfois entachées d'hérésie. À ses compatriotes, François apprit la valeur du sentiment, la sympathie pour les créatures, pour les oiseaux, les ânes, les humbles fleurs et nos soeurs les étoiles. L'écho de ses sermons retentit bien vite chez les peintres de Lucques et de Pise ; la Theotokos s'humanise ; elle est la Vierge qui s'attendrit devant son Bambino, se lamente devant les souffrances du Christ crucifié.

« scientifique que Brunelleschi découvrira un siècle plus tard ; il ne sait pas faire converger toutes les lignes de fuite,mais il impose à ses tableaux une perspective sentie.

Il abandonne les alignements rigides, les registres superposésde ses prédécesseurs ; il s'essaie même à la perspective sur l'angle.

Sans jamais trouer le mur, car il a le sens de laparoi et le sentiment du décoratif, il suggère la troisième dimension.

Il devine même le rôle de la lumière, la dirige et,comme Cavallini, oppose aux ombres sa clarté. A la peinture italienne, Giotto donna le sens du réel, du drame, de la noble ordonnance.

Il marque le moment où l'artmoderne, qui est imitation, qui est fauteur d'illusions, succède à l'art théologique, symboliste, évocateur d'idées.

Cechangement ne fut pas l'oeuvre unique de cet homme.

À la même époque, travaillèrent des artistes, tels queMaestro Stefano, que d'aucuns déclaraient supérieur à lui, mais dont les oeuvres sont perdues, Buffalmaco, dont lesfresques retrouvées montrent le réalisme pittoresque, mais nul ne sut, comme Giotto, unir tant de qualités et créerun style qui sera pendant deux siècles celui de nombreux peintres italiens. Ce style, cependant, ne fut pas le seul en cette Italie où les diversités furent toujours grandes, où la vie communaleet le particularisme furent intenses, où survécurent des traditions : celle de Byzance qui, prépondérante dans le sudde la péninsule et dans ce port oriental qu'était Venise, se mêle aux formes gothiques chez les Siennois, celles deCavallini et de l'école romaine, accueillie dans le Latium, la Campanie, les Marches ; mais l'influence de Giotto fut laplus forte et la plus féconde ; elle s'exerça sur des peintres ombriens, sur des Siennois, tels que Barna et lesLorenzetti et, parfois, sur des Lombards.

Bien que plusieurs de ses compatriotes florentins demandent quelquestraits aux Siennois, ils suivent surtout ses traces : Bernardo Daddi, le prétendu Gioltino, Taddeo Gaddi et ses fils,Orcagna, le plus original d'entre eux, bien d'autres encore peuvent être considérés comme issus de son école. Un autre courant, venu du Nord, se répandit bientôt sur l'Italie.

Le réalisme franco-flamand donna le goût des sujetsprofanes, des scènes de chasse, de récits comme Le Dit des trois vifs et des trois morts, de types, comme ceux despreux et des preuses, des archanges-chevaliers, le goût aussi des attitudes élégantes, un peu maniérées, desriches vêtements, des paysages aérés.

Des Flandres à l'Italie, de la Bourgogne à la Bohême, régna une écoleinternationale.

Le Piémont, la Lombardie, les provinces alpines, la Romagne, des régions plus éloignées commel'Ombrie, s'éprirent de ce style qui, de 1375 environ à 1435, exerça son prestige sur des peintres tels que Avanzo,Altichiero, Michelino da Besozzo, Gentile da Fabriano, Pisanello, Stefano da Zevio. Et pourtant, la tradition giottesque ne fut pas submergée par ce courant.

Au XVe siècle le réalisme plastique,synthétique de Giotto se mêla à ce réalisme pittoresque du Nord.

Cette persistance giottesque est même si fortechez certains artistes, que Vasari a fait de Spinello Aretino, qui travaillait entre 1385 et 1410, un disciple direct deGiotto, mort en 1337, et que certains auteurs ont vu en don Lorenzo Monaco (vers 1370-vers 1425) un simplecontinuateur de Giotto, alors qu'il est encore autre chose.

A cette lignée giottesque appartiennent des artistespersonnels comme Masolino da Panicale et Masaccio, décorateurs du Carmine, et même Fra Angelico qui, pours'inspirer des miniaturistes et des gothiques, n'en subit pas moins l'influence des oeuvres d'Orcagna et, commeGiotto, composa par groupes et eut le goût du drame et de l'expression sobrement exprimée. Cet héritage giottesque, le Quattrocento va le transformer et en tirer le style qui sera celui de la Renaissance. La peinture italienne demeura éprise de plastique.

Tout comme la sculpture pisane et française avait agi sur Giotto,la sculpture florentine imposa son prestige à la peinture.

Beaucoup d'artistes n'étaient-ils pas, comme jadis Giotto etOrcagna, à la fois peintres et sculpteurs ? On n'a pas assez remarqué l'influence que la sculpture de cette époqueexerça dans toute l'Europe, une influence qui a produit des effets divers, parce que la sculpture sur bois n'est pastraduite par les artistes comme les van Eyck, comme Fouquet, comme l'auteur de la Pietà d'Avignon, de la mêmemanière que la sculpture sur pierre d'un Sluter, qui inspire les peintres rhénans ou Conrad Witz, que la sculpture surbronze dont on pourrait noter le souvenir en certaines oeuvres de Mantegna, ou surtout que la sculpture sur marbrede Florence, aux contours moins secs, aux formes élégantes.

Masaccio était lié avec Ghiberti et Donatello qui, dansleurs bas-reliefs, établissaient des perspectives architecturales et qui détachaient leurs figures quasi en rondebosse.

Certains peintres veulent rivaliser avec les sculpteurs : Paolo Uccello dresse, à la manière d'une statue,l'effigie équestre de John Hakwood en 1436 ; Donatello donne en 1442 son projet pour le monument d'Alphonsed'Aragon, sculpté en 1446 son Gattamelata ; Andrea del Castagno peint en 1455 son Nicolo da Tolentino, que suiten 1479 le Colleone de Verrocchio.

Aussi comprenons-nous le modelé par masses de Masolino, de Masaccio, deDomenico Veneziano, de Paolo Uccello ou de Piero della Francesca. Ce modelé toutefois n'est pas, dans la première moitié du siècle, un modelé par opposition violente d'ombres et delumières ; les formes ne se fondent pas encore dans le clair-obscur.

Beaucoup de ces peintres ont débuté dans desboutiques d'orfèvres ; ils ont appris à manier le burin, à nieller ; ils exécutent des fresques et, à la façon italienne,dessinent au clou dans le mortier frais ; ils incisent au stylet le plâtre dont sont revêtus leurs panneaux.

Aussi lecontour est-il toujours nettement souligné.

La vieille calligraphie du Dugento s'est transformée, mais cerne encore lerelief ; le trait sinueux ou volontaire court le long des corps, des plis, des édifices.

Cette double recherche duvolume et de la silhouette, à quoi se livrent aussi les sculpteurs florentins de cette époque, caractérise l'art despeintres.

Les uns, comme Masaccio, insistent davantage sur la masse, les autres, comme Andrea del Castagno,Botticelli, sur le contour, mais la conception est la même.

Quelques-uns, enfin, ont pratiqué la mosaïque et le vitrail,tel Paolo Uccello, et l'on ne saurait négliger l'influence de cet apprentissage sur son oeuvre : le dessin plusgéométrique, les tons plus soutenus en sont l'effet. Le goût de la plastique et du beau dessin explique un autre caractère de cette école, la noblesse, la grandeur, dont. »

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