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DESCARTES: Intérêt général et intérêt particulier

Publié le 17/04/2009

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descartes
Il y a une vérité dont la connaissance me semble fort utile : qui est que, bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion, car on aurait tort de s'exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu'on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n'aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu'en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d'exposer sa vie pour le service d'autrui, lorsque l'occasion s'en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s'il se pouvait, pour sauver les autres. DESCARTES

Descartes montre ici, en pesant le pour et le contre, pourquoi il faut faire passer l'intérêt général avant l'intérêt particulier. Loin de sacrifier sa personne, chacun y trouvera des avantages : en effet, la prise en compte du bien commun contribue non seulement à assurer la coexistence des individus au sein d'une communauté mais aussi à procurer à chacun du plaisir par la mise en œuvre de ses vertus.  

  • éléments de réflexion

• Comment comprendre la dernière phrase du texte ? Il ne semble pas qu'on doive y voir une profession d'utilitarisme non plus qu'une condamnation de l'héroïsme puisque Descartes ajoute dans cette Lettre à Elisabeth (15 septembre 1645), d'où est tiré ce passage, que « en se considérant comme une partie du public on prend du plaisir à faire du bien à tout le monde et même on ne craint pas d'exposer sa vie pour la survie d'autrui, lorsque l'occasion s'en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s'il se pouvait, pour sauver les autres ; en sorte que cette considération est la source de toutes les plus héroïques actions que fassent les hommes «. • La vision de Descartes n'est-elle pas celle d'un monde hiérarchisé ? Pourquoi ? • Ne peut-on éclairer ce texte en reprenant la distinction de Malebranche entre les rapports de grandeur (la partie est plus petite que le tout) et les rapports de perfection (la partie vaut plus que le tout).

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