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DESCARTES: L'éducation d'un honnête homme.

Publié le 16/04/2005

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descartes
Un honnête homme n'est pas obligé d'avoir vu tous les livres, ni d'avoir appris soigneusement tout ce qui s'enseigne dans les écoles : et même ce serait une espèce de défaut en son éducation, s'il avait trop employé de temps en l'exercice des lettres. Il y a beaucoup d'autres choses à faire pendant sa vie, le cours de laquelle doit être si bien mesuré, qu'il lui en reste la meilleure partie pour pratiquer les bonnes actions, qui lui devraient être enseignées par sa propre raison, s'il n'apprenait rien que d'elle seule. Mais il est entré ignorant dans le monde, et la connaissance de son premier âge n'étant appuyée que sur la faiblesse des sens et sur l'autorité des précepteurs, il est presque impossible que son imagination ne se trouve remplie d'une infinité de fausses pensées, avant que cette raison en puisse entreprendre la conduite : de sorte qu'il a besoin par après d'un très grand naturel, ou bien des instructions de quelque sage, tant pour se défaire des mauvaises doctrines dont il est préoccupé, que pour jeter les premiers fondements d'une science solide, et découvrir toutes les voies par où il puisse élever sa connaissance jusqu'au plus haut degré qu'elle puisse atteindre. DESCARTES

• Dans un premier moment (depuis « Un honnête homme... « jusqu'à « s'il n'apprenait rien que d'elle seule «), Descartes envisage la formation de « l'honnête homme «, et relativise une éducation qui serait trop exclusivement livresque. La conduite de l'action doit relever surtout de la raison, entendue comme faculté de juger propre à chacun.  • Dans un second moment (de « Mais il est entré... « jusqu'à « entreprendre la conduite «, Descartes signale les obstacles qui préexistent à l'intervention de la raison : l'enfant est assujetti au témoignage de ses sens et à l'autorité des précepteurs. Il n'est donc pas encore véritablement autonome.

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« ce défaut consiste en un manque : un manque de temps ("s'il avait trop employé de temps" ; "apprissoigneusement").

Il ne s'agit pas d'apprendre mais de vivre, comme le disait LUCRECE.

La connaissance estdu temps démesuré, un temps hors de mesure avec les exigences d'une vie proprement humaine ("le coursde laquelle doit être si bien mesuré"), laquelle doit être tournée vers les actions bonnes ("pour pratiquer lesbonnes actions").

Il ne s'agit pas d'opposer la connaissance à la vie, mais une certaine connaissance, surlaquelle le texte s'expliquera, à un certain exercice de la vie : vivre bien.

La critique de cette érudition estsurprenante en cela qu'elle porte sur les "lettres", - sur la connaissance des humanités dont le lecteurpourrait penser qu'elles sont plus propres que d'autres disciplines à éclairer le sens d'une vie.

Peut - être,faut - il se souvenir du projet cartésien de substituer une philosophie toute pratique à la philosophiespéculative des écoles dont le discours ne change effectivement rien.

Mais il semble que l'auteur récusemoins les lettres que : "l'exercice des lettres".

Il ne s'agit pas de s'exercer dans les lettres, - mais des'exercer dans la vie : "pour pratiquer les bonnes actions".

La durée de la vie n'est pas seulement tropcourte selon un autre adage antique, elle est encore inégale : "la meilleure partie" doit être consacrée àl'action et aux actions bonnes.

Mais si l'érudition et le savoir scolastique sont inutiles, pourquoi les hommesne servent - ils pas de leur propre raison ? En effet, la pratique des "bonnes actions" serait pour l'auteur le fait de la raison de chacun ("enseignées parsa propre raison").

Faut - il comprendre par là qu'une action est bonne quand elle provient de la raison dechacun ? ou bien fait - il comprendre qu'une action est bonne quand elle est déterminée par la raison tandisque l'érudition n'enseignerait qu'un savoir irrationnel de sorte qu'il serait vain de l'écouter ? Il semble que ladernière réponse soit celle de DESCARTES.

"s'il n'apprenait rien que d'elle seule", l'homme ne pourrait jamaisse méprendre sur les bonnes actions à pratiquer.

Mais voilà le malheur : "il est entré ignorant dans lemonde".

Si la raison est universelle, l'exercice de la raison a une évolution et il a une histoire : "avant quecette raison en puisse entreprendre la conduite" d'autres facultés ont été sollicitées et fortifiées.

L'exercicede la raison a une évolution parce que la raison n'apparaît pas telle MINERVE tout armée de la cuisse deJUPITER.

La raison est précédée par d'autres facultés : la "connaissance de son premier âge n'étantappuyée que sur la faiblesse des sens".

L'enfant n'a pour appui que ses sens.

Faible appui en vérité que cessens dont le témoignage est changeant et trompeur,- DESCARTES sait se souvenir des Sceptiques.

Cetteévolution est naturelle : elle est conforme à la nature de l'homme et à sa temporalité.

Mais la raison a unehistoire, - et là réside le vrai danger.

Cette histoire consiste dans la singularité de chaque enfance.

Certes,tout enfant, du moins tout enfant de bonne naissance, connaîtra "l'autorité des précepteurs", mais chacunde ces précepteurs avec ses goûts, ses humeurs, ses connaissances plus ou moins étendues ("il est presqueimpossible" semble apporter cette nuance) pèsera sur l': "imagination" de chacun.

Et cette influence seradéterminante : elle remplira la raison : "d'une infinité de fausses pensées".

Non seulement parce que lesprécepteurs seront ignorants ou seulement médiocres, parce qu'ils sont précepteurs : parce qu'ils imposentdes connaissances qui viennent de l'extérieur et par autorité dans l'esprit de l'enfant.

Ce hasard de l'enfancequi placera tel enfant dans les mains d'un précepteur plus ou moins avisé et savant sera le destin de l'adulte: ces "fausses pensées" pèseront comme préjugés dans la vie de la raison.

Il est : "presque impossible"d'éviter cela et il faudra, s'il faut en croire ce texte, un pareil heureux effet de la chance pour parer à cettesujétion de la raison. Si par hasard, l'enfant peut échapper aux fausses pensées de l'imagination, il ne pourra pas guère échapperaux faiblesses des sens : "de sorte qu'il a besoin par après...".

DESCARTES va proposer une réparation à desmaux inévitable.

Il faudra faire un recours mais ce recours apparaît si chanceux qu'il est permis de douter deson efficacité.

Il faudra en effet : "très grand naturel", une disposition naturelle très grande pour remédieraux défauts de la nature.

Ici, la nature guérit de la nature : la faiblesse des sens peut parfois êtrecompensés par une capacité innée à se défaire de la croyance en leur fiabilité.

Que peut être cette capacité? - une défiance innée, une capacité d'attention plus grande, une volonté qui sait résister aux incitationspressantes des sens ? Comme il y a une magnanimité en morale, il y aurait une force naturelle et innée àdisposer de sa raison.

L'autre recours est plus chanceux encore en cela qu'il dépend d'une rencontre d'unepart, et que cette rencontre pourrait tout aussi bien s'inverser et produire des résultats néfastes d'autrepart.

"des instructions de quelque sage" : ici, l'histoire guérit de l'histoire.

L'histoire a donné tels précepteursà l'enfant ; elle pourra donner à l'adulte de rencontrer tels sages qui saura le guider vers plus de liberté dansl'usage de sa raison.

Or ces "instructions" pourraient fort bien qu'une autre forme de sujétion et à :"l'autorité des précepteurs" succéderait l'autorité des sages.

Il s'agit de se souvenir que DESCARTES lui -même a composé les Principes de la philosophie afin d'être lu et compris des étudiants de son temps, afin deles libérer de l'obscurantisme scolastique, - pour leur donner une physique cartésienne non moins fallacieusecependant.

Il s'agit en effet de réaliser deux tâches : l'une toute négative et thérapeutique ("se défaire desmauvaises doctrines dont il est préoccupé"), l'autre constructive ("pour jeter les premiers fondements d'unescience solide").

Les deux tâches sont solidaires : il ne s'agit pas de faire le vide, mais de déblayer et depréparer le terrain aux connaissances solides.

L'entreprise est celle des Méditations : après le doute radicalde la Première Méditation viendront les fondements de toute connaissance possible des cinq dernièresparties.

Il s'agit d'une entreprise métaphysique à laquelle est convié celui qui veut user pleinement,. »

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