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Désir et manque

Publié le 15/01/2004

Extrait du document

qu'un homme ressent en lui-même par l'absence d'une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c'est ce qu'on nomme désir. » Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain, 1765 (posth.)Le désir correspond à un état de tension, qui ne cesse qu'avec la possession de l'objet désiré. Or, qui dit tension dit agitation, trouble, absence de repos. C'est précisément ainsi que se définit l'inquiétude (ou la non-quiétude). « Le désir est manque d'être, il est hanté en son être le plus intime par l'être dont il est désir. » Sartre, L'Être et le Néant, 1943. « Le désir fleurit, la possession flétrit toutes les choses. » Proust, Les Plaisirs et les Jours, 1896.Tant qu'on désire, on « embellit » l'être désiré, en lui prêtant des qualités qu'éventuellement il n'a pas ; dès qu'on s'installe dans la possession, j on « enlaidit » au contraire l'être qu'on a jadis désiré, jusqu'à ne plus voir ce qu'il y a de beau en lui.

« entre l'amant et l'aimé.

Du coup, celui qui aime, quand bien même il serait comblé au plus haut point par l'objet deson amour, en reste toujours séparé.

Aimer, c'est, parce que justement on n'a plus d'intérêt que pour l'objet aimé,expérimenter la solitude, éprouver le dénuement, ressentir que l'on ne possède rien et que l'être aimé est encoreplus éloigné de nous que tout autre être.

L'amant ne se soucie plus de soi-même, se fait indigent par amour. [2.

L'Amour se satisfait de peu.]Cet état de dénuement n'est pas présenté par Platon comme une punition, un châtiment infligé à l'amant.

Aucontraire, l'amant néglige de son plein gré ce qu'il possédait avant d'avoir découvert ce qu'il aimait.

C'est de sonpropre chef que l'amour est démuni, et d'ailleurs il ne souffre pas de coucher à la dure, de mener une existencebesogneuse.

En apprenant que ce qu'il chérit au plus haut point est étranger à lui, il découvre en même temps querien de ce qu'il croyait lui importer ne compte en vérité pour lui.

Aimer m'apprend à reconnaître quels sont lesvéritables biens, que je ne possède jamais, et comment les autres biens ne sont que des biens contingents, derencontre.Ce tableau de l'Amour, Platon nous le trace comme allant à l'encontre de ce qu'on «imagine généralement».

En cesens, Platon dénonce toute vision «idéalisante» d'un Amour resplendissant pour nous replonger dans la dureexpérience de l'amour malheureux, soumis tout en entier à son objet, vagabond éternel errant à la recherche de cequ'il aime. [III.

Amour et richesse.] [1.

L'Amour n'a de cesse de désirer.]Après cette première caractérisation de l'Amour, Platon passe aux qualités qu'Éros a reçues de son père.L'expression de «naturel de son père» qu'emploie Platon nous signale qu'il ne s'agit pas là d'une caractéristiqueempirique de l'amour, mais au contraire, comme d'ailleurs pour ce qui concernait des qualités provenant de Pénia,d'une analyse de l'essence même de l'amour.

De même que ce dernier est par essence, pauvre et démuni, de même,en droit, il est riche et plein de ressource.Ainsi l'Amour est-il d'abord, et par excellence, désir.

L'Amour, nous dit Platon, «est toujours à la piste de ce qui estbeau et bon».

L'Amour n'est pas seulement désir, mais plus précisément désir du beau et du bon : l'amour a le bienpour objet.

Ce que j'aime, c'est toujours un bien; ce à quoi j'aspire dans ma pauvreté, c'est le bien qui me manque.Ce bien est le bien au sens le plus général du terme : n'excluant pas le plaisir, l'agréable, le bien physique, il estaussi le beau, l'habileté, le bien moral.

Aimer, c'est chercher à réaliser ma nature, toute ma nature.

Dans lesentiment de mon dénuement, je suis un être de désir, aspirant à me dépasser.

Contrairement à l'image du besoin dudébut du texte, ce désir qui m'anime est désir positif, puissance qui émane de mon être.

Je ne suis pas «enmanque», mais capable d'imposer la force de mon désir.

Le désir n'est plus seulement l'un des aspects de l'amour:c'est l'amour même; là où s'éteint le désir, là aussi l'amour disparaît. [2.

L'Amour est capable de tout.]Ce désir, qui donne sa vie à l'amour, n'est pas vide en ce que, par lui, je suis capable ou plutôt me rends capable detoutes choses.

Le simple fait d'aimer m'enrichit, me permet de dépasser ma condition et d'accomplir ainsi ma nature.L'amoureux est en ce sens, en vertu de son amour même, capable de ce que l'on l'ignorait.

Il rend «brave, résolu,excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles», etc.: l'amour révèle en moi des qualités insoupçonnées, mefait sortir des limites de mon moi borné.

L'amour élève l'âme.

Ce sentiment de puissance qu'il me procure exalte mesforces; par la nécessité devant laquelle il me place, il me rend ingénieux, inventif, me donne des initiativesauxquelles je n'aurais pas songé auparavant.

L'amour me donne accès au bien auquel j'aspire, c'est par mon désirmême que j'accède au bien, par un phénomène irrationnel, qui dépasse mon propre entendement, pareil à lasorcellerie ou à la force persuasive du sophiste qui tient presque de la magie. [IV.

Conciliation des caractères opposés de l'amour.] [1.

L'amour est polymorphe.]Platon n'en reste cependant pas à une conception de l'amour qui maintiendrait séparés ses caractères opposés oules annulerait.

L'amour doit manifester les contradictions liées à son hérédité.

L'amour est à la fois mortel, commetout être soumis au devenir, et immortel, comme un dieu ou un démon.

Il est à la fois vulnérable et invulnérable,parce que ce n'est que par lui-même qu'il est et l'un et l'autre.

Ainsi, pour Platon, l'amour n'est pas un état d'âmedurable, qui se maintiendrait à l'identique en nous, sans changement.

L'amour est essentiellement mouvement,animation d'une âme inquiète et contente d'elle-même dans son inquiétude.

L'amour n'est pas une situation tenable,pour ainsi dire: il n'existe que parce qu'il renaît, neuf, à chaque instant de ses cendres.

Un amour purementintellectuel, «platonique», n'existe pas.

L'amour est la vie même de l'esprit en tant que celui-ci est avant toutactivité. [2.

L'amour manque de tout en même temps qu'il est riche de tout.]La dernière phrase du texte nous oblige à penser encore plus étroitement les caractères opposés de l'amour.L'amour est riche dans sa pauvreté et pauvre dans sa richesse.

Éros est en effet riche par le fait même qu'il aime, ilacquiert du fait même qu'il aime.

Et sa nature qui le jette en permanence sur les routes, qui fait qu'il estperpétuellement hors de lui-même, l'oblige à être un continuel dessaisissement de soi.

Lorsque j'aime, je me donnecorps et âme à autrui, je n'ai plus d'existence propre à moi-même.

Le paradoxe de l'amour consiste donc en ce qu'ilne possède que ce qu'il donne, qu'il est essentiellement libéral, prodigue, magnifique et qu'il peut tout donner parceque, ne s'attachant à rien d'autre qu'à ce qu'il aime, il ne possède rien.

L'amour n'est jamais dans un état déterminé,fixe, et nous fait comprendre qu' à l'exception de cet état – ou plutôt de cette absence d'état – qui consiste à. »

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