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Du biologique au social de C. HAGÈGE

Publié le 10/01/2020

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Ne pouvant se fonder ni sur la croyance en l'existence d'un Dieu créateur, ni sur l'investigation directe et l'expérimentation, les biologistes formulent néanmoins des hypothèses assez précises pour rendre compte de la toute première invention d'un langage par l’espèce humaine. L'auteur de ce texte examine les enseignements qu’un linguiste peut tirer de ces hypothèses.

L’organisation sociale suppose un moyen quelconque de communication. Ce moyen, d’abord rudimentaire, a fini, à une époque que les plus prudents se refusent à situer antérieurement à l’apparition de l’Homo sapiens, par produire des langues. Mais si l’on peut admettre qu’à l’origine, le social ait chez l’espèce humaine des racines biologiques, en revanche, il est clair que dès l’amorce du développement de la vie de groupe, l’interaction des facteurs social et cérébral devient permanente. C’est pourquoi on assortira de quelque pondération le point de vue des biologistes : « Il paraît probable (mais évidemment toujours hypothétique) que le développement du lien social, qui prend une grande ampleur chez les primates supérieurs, soit au départ la conséquence et non la cause de l’épanouissement du néo-cortex. » Si l’on accepte cette hypothèse, on n’aura garde néanmoins d’oublier que l’auteur* lui-même ajoute aussitôt : « Il ne faut pas pour autant exclure la possibilité d’une contribution en retour du milieu social sur l’évolution génétique des ancêtres directs de l’homme. » Au reste, il était question plus haut d’une « variabilité significative de l’organisation du cortex en relation avec l’environnement culturel ».

En supposant ainsi que l’inscription biologique n’est pas l’unique facteur à considérer, on est cependant loin de méconnaître son importance. Ce point a fait l’objet de beaucoup de travaux parmi les spécialistes du cerveau et ceux de l’aphasie. On rappellera seulement que dès 1861, Broca avait établi une corrélation directe entre les lésions du lobe frontal gauche et lé trouble de la parole auquel on a donné son nom : dans l’aphasie dite de Broca sont associées diverses atteintes sévères de l’expression orale (et graphique), lenteurs, substitutions et télescopages de mots, grammaire plus altérée encore que le lexique. On sait que la spécialisation hémisphérique des systèmes cognitifs est une caractéristique du cerveau humain, par opposition à celui des primates non humains. En outre, les bases biologiques de la sensibilité à la parole ont été mises en évidence par divers travaux. Ainsi, il semble que le cortex humain contienne des détecteurs de propriétés acoustiques spécifiquement accordés aux traits distinctifs des sons dans les langues, si l’on en croit les expériences réalisées sur des nourrissons de trois à cinq mois : ceux-ci réagissent positivement aux oppositions ba/pa (consonne sonore/consonne sourde) ou ba/da (labiale/dentale).

Claude Hagège, L’Homme de paroles, Fayard, 1985, pp. 21-22.

« rendre compte de la toute première invention d'un langage par /'espèce humaine.

L'auteur de ce texte examine les enseignements qu'un linguiste peut tirer de ces hypothèses.

L'organisation sociale suppose un moyen quelconque de communication.

Ce moyen, d'abord rudimentaire, a fini, à une époque que les plus prudents se refusent à situer antérieure­ ment à l'apparition de !'Homo sapiens, par produire des lan­ gues.

Mais si l'on peut admettre qu'à l'origine, le social ait chez l'espèce humaine des racines biologiques, en revanche, il est clair que dès l'amorce du développement de la vie de groupe, l'interaction des facteurs social et cérébral devient per­ manente.

C'est pourquoi on assortira de quelque pondération le point de vue des biologistes : « Il paraît probable (mais évi­ demment toujours hypothétique) que le développement du lien social, qui prend une grande ampleur chez les primates supé­ rieurs, soit au départ la conséquence et non la cause de l'épa­ nouissement du néo-cortex.» Si l'on accepte cette hypothèse, on n'aura garde néanmoins d'oublier que l'auteur* lui-même ajoute aussitôt:. »

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